La Presse Anarchiste

Christo Botev

« Seule
une union rai­son­nable et fra­ter­nelle entre tous les peuples
sup­pri­me­ra leurs souffrances. »

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Cet article est comme
tous les articles de Botev, une polé­mique. Nous en avons pris
la par­tie géné­rale et seule­ment quelques exemples
par­ti­cu­liers, le reste est trop technique.

Nous aurons bientôt
l’oc­ca­sion de nous arrê­ter davan­tage sur Chris­to Botev
lui-même, son œuvre, ses idées et sa personnalité.
Mais pour la com­pré­hen­sion de cet extrait, nous pensons
néces­saire ici de don­ner les détails sui­vants : en
1875, la Bul­ga­rie était encore occu­pée par les Turcs
(elle a été libé­rée en 1878) et dans le
mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, Botev repré­sen­tait l’élément
le plus révo­lu­tion­naire et en même temps le plus social.
La Ser­bie était déjà un État
et son gou­ver­ne­ment avait com­men­cé à par­ti­ci­per dans le
jeu diplo­ma­tique inter­na­tio­nal, et à mon­trer en même
temps des aspi­ra­tions chau­vines vis-à-vis des autres peuples
bal­ka­niques. En sépa­rant le gou­ver­ne­ment serbe de son peuple,
Botev répond ici à un article du jour­nal « EST »
(Iztok).

)]

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Buca­rest, 1er
mai 1875.

Seule une union
rai­son­nable et fra­ter­nelle entre tous les peuples sup­pri­me­ra leurs
souf­frances, la misère, et les para­sites du genre humain.
Seule, cette union peut appor­ter une vraie liber­té, l’égalité,
la fra­ter­ni­té et le bon­heur sur la terre.

Il n’y aura aucun jour
de joie pour l’homme, tant que les peuples conti­nue­ront à être
divi­sés par les tru­quages de toutes sortes d’empires, de
consti­tu­tions et de répu­bliques ; tant que ces peuples,
aveu­glés par leur ser­vi­li­té envers les « représentants
de dieu », se traitent les uns les autres en enne­mis. Les
gou­ver­ne­ments et les classes pri­vi­lé­giées de chaque
pays conti­nue­ront à oppri­mer et à tor­tu­rer les pauvres,
à vivre sur leur tra­vail, à les tenir dans l’ignorance,
et à éle­ver au car­ré et au cube les idioties
his­to­riques. Enfin, ils enver­ront les peuples se battre les uns
contre les autres, tuer leurs frères ou se faire tuer par eux.
Il est clair que si les peuples pou­vaient voir, une fois pour toutes,
d’où viennent leurs souf­frances, ils com­pren­draient que leurs
seuls et uniques enne­mis sont leurs
propres gou­ver­ne­ments et cette classe sociale de parasites

qui, pour entre­te­nir leur vie néfaste et vaine, se sont soumis
corps et âme aux tyrans, et qui, sous la pro­tec­tion des
« lois », pra­tiquent le vol et le mensonge.

Tout gou­ver­ne­ment est
basé sur le vol, le men­songe et la vio­lence
. « Divide
et impe­ra » était la devise de cet empire
inou­bliable qui est deve­nu l’i­déal de tous les rois. « Divide
et impe­ra » est la devise actuelle de tous les
gouvernements.

« Divi­ser et
gou­ver­ner ». Mais qui ? C’est là la question
essen­tielle. Ceux qui vivent à l’aise avec un esto­mac toujours
bien rem­pli ne peuvent ou ne veulent le com­prendre. Il ne leur coûte
rien de divi­ser les peuples, de répar­tir leurs sujets, de
sépa­rer un frère de son frère, un fils de son
père, un mari de sa femme : c’est ce qui leur per­met de
res­ter les maîtres abso­lus de mil­liers de gens et de nager dans
leurs larmes et dans leur sang comme du fro­mage dans l’huile.

Et vrai­ment, existe-t-il
un seul État où
les forts n’op­priment pas les faibles, les riches les pauvres, les
gou­ver­ne­ments tout le monde ? Par­cou­rez tous les méridiens
et les paral­lèles du globe, et vous ne trou­ve­rez pas une seule
excep­tion à cette règle…

Ain­si, qu’a fait le
gou­ver­ne­ment rou­main aux der­nières élec­tions du
par­le­ment ? Il a employé des moyens d’une telle violence
contre le droit et la volon­té du peuple, qu’on se demande si
les lois consti­tu­tion­nelles ont un sens pour les riches et les forts
de ce monde… Les gour­dins et les baïon­nettes ont montré
que les obli­ga­tions de la loi sont seule­ment des­ti­nées aux
esclaves, et nous avons plei­ne­ment rai­son de dire avec Proudhon
que chaque gou­ver­ne­ment est un com­plot, une conspi­ra­tion contre la
liber­té de l’hu­ma­ni­té
. Mais lais­sons la Rou­ma­nie et
ses bêtises élec­to­rales et pas­sons aux machi­na­tions de
ce gou­ver­ne­ment qui a l’in­so­lence de se van­ter de ses sympathies
envers notre peuple.

Cha­cun sait que d’une
entente rai­son­nable et de l’u­nion entre les Serbes et les Bulgares,
peuples frères, dépend l’a­ve­nir de leur histoire ;
cha­cun sait que cette entente a été ten­tée à
plu­sieurs reprises et que presque toutes les condi­tions nécessaires
existent actuel­le­ment. Mais en même temps, cha­cun sait que sauf
une très petite par­tie d’es­prits plus avan­cés, la
grande masse menée par les chefs offi­ciels com­mence à
nour­rir une haine secrète, mal­hon­nête et nui­sible d’un
peuple envers l’autre…

Le gou­ver­ne­ment serbe
actuel est sem­blable à tous les gou­ver­ne­ments de l’Eu­rope, et,
avec ses tra­di­tions et ses ten­dances, il a déjà montré
qu’il nous sera d’aus­si peu d’u­ti­li­té qu’à son propre
peuple. Nous le savons, c’est pour­quoi notre seul espoir d’union
confé­dé­rale avec la Ser­bie réside en ces Serbes
des jour­naux « Rab » (« Travail »)
et « Bou­doutch­nost » (« Avenir »)
qui sont per­sé­cu­tés par le gou­ver­ne­ment de Belgrade.

Nous pen­sons que leur
pre­mier devoir envers leur peuple et l’hu­ma­ni­té est de
répandre l’i­dée de l’u­nion et l’en­tente des Slaves du
Sud qui, bien enten­du, doivent se baser sur les prin­cipes de la
liber­té des peuples, de la liber­té indi­vi­duelle et de
la liber­té du tra­vail. Ils devront racon­ter à leur
peuple que la liber­té et l’u­nion des Slaves du Sud est
pos­sible et réa­li­sable, à condi­tion que chaque peuple
garde ses fron­tières eth­no­gra­phiques et que cha­cun reste libre
dans sa propre maison…

C. Botev (« Le
Dra­peau », nº 14 de mai 1875.)

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