La Presse Anarchiste

Déclaration de principes des G.A.A.R.

I

La société
humaine vit en ce moment une crise pro­fonde. Deux grands blocs de
puis­sances se dis­putent le monde. Aucun de ces deux blocs ne
représente les véri­ta­bles intérêts et le
bon­heur de l’Humanité

La Russie et ses
satel­lites sont des États
total­i­taires où le cap­i­tal­isme privé a été
ren­ver­sé et rem­placé par le cap­i­tal­isme d’État
et où une nou­velle classe exploiteuse, la tech­nobu­reau­cratie y
a établi son pou­voir économique par l’intermédiaire
du pou­voir dic­ta­to­r­i­al d’un par­ti. Leur puis­sant expan­sion­nisme, leur
organ­i­sa­tion mon­di­ale et leur pro­pa­gande pseu­do-ouvrière font
qu’ils men­a­cent d’une manière évi­dente la liberté
partout dans le monde.

Bien que les États-Unis
et quelques-uns de leurs alliés ten­ants du Cap­i­tal­isme privé,
entre­ti­en­nent tou­jours cer­tains aspects de la Démocratie
poli­tique, ils sont à
tra­vers des formes var­iées de pré­ten­du « bien-être »
en train d’évoluer
vers une forme total­i­taire. Dans le con­flit mon­di­al, ils cherchent,
par tous les moyens, la main­mise sur les marchés
inter­na­tionaux pour écouler leur pro­duc­tion excédentaire.
Ils sou­ti­en­nent égale­ment des régimes colo­ni­aux et
semi-féo­daux, con­tre lesquels les pop­u­la­tions indigènes
sont en révolte active.

En dernière
analyse, les anar­chistes révo­lu­tion­naires ne peu­vent ni
s’in­féoder à un bloc ou à un autre, ni le
soutenir. Se plaçant sur le ter­rain de classe, ils se
déclar­ent sol­idaires des pro­lé­taires du monde entier.
Ils esti­ment que la seule solu­tion pour un monde surexploité,
en état de guerre per­ma­nent et men­acé de la destruction
atom­ique, réside dans un nou­v­el ordre social, libre et sans
classe, qui reste encore à réaliser.

II. Le fédéralisme et
la société libertaire

Il ne nous est pas
pos­si­ble d’indi­quer à l’a­vance ce que sera la société
lib­er­taire, mais les expéri­ences du passé peu­vent nous
mon­tr­er quelques-unes des grandes lignes de l’évolution
sociale future. Nous savons déjà que cer­taines choses
doivent être faites et que cer­taines erreurs doivent être
évitées.

Le principe d’autorité
qui cor­rompt les indi­vidus qui l’ex­er­cent et crée la source de
toute oppres­sion doit être supprimé.

L’in­di­vidu a droit, à
tous égards, à la plus entière liberté,
pour autant que sa lib­erté ne nuit pas à la liberté
des autres, ne la met pas en dan­ger ou n’empiète pas sur elle.

Les classifications
sociales arti­fi­cielles (nation­al­isme, racisme, etc.) doivent être
rem­placées par le principe de solidarité.

Les morales
tra­di­tion­nelles et la « moralité »
suran­née et fausse des églis­es doivent être
rem­placées par une éthique humanitaire.

L’État
poli­tique doit être liq­uidé et rem­placé par une
fédéra­tion de com­mu­nautés libres, de conseils
ouvri­ers et de coopéra­tives à l’échelle mondiale
et fonc­tion­nant d’après les principes de l’aide mutuelle et du
pacte libre­ment consenti.

Économique­ment,
la nou­velle société doit se fix­er pour but le
rem­place­ment du gou­verne­ment des hommes par l’ad­min­is­tra­tion des
choses. Elle sera basée sur les besoins de la totalité
des indi­vidus et non sur le prof­it de quelques-uns seule­ment d’entre
eux.

Pour le bénéfice
de tous les mem­bres de la com­mu­nauté humaine, la pro­duc­tion et
la dis­tri­b­u­tion seront organ­isées d’après un plan
sou­ple. Ce plan sera élaboré par un accord mutuel des
pro­duc­teurs et des con­som­ma­teurs directe­ment intéressés.
Il sera organ­isé sur la base locale, régionale et
mon­di­ale. Chaque indi­vidu aura droit au meilleur de ce que l’effort
col­lec­tif pour­ra lui don­ner ; en échange, cha­cun devra
con­tribuer au bien-être général au mieux de ses
capac­ités. Cette société sera donc :
com­mu­niste, sans classe, sans gou­verne­ment et fédéraliste.
Elle ren­dra pos­si­ble la plus grande lib­erté individuelle.

III. La révolution et l’État

La Société
Com­mu­niste Lib­er­taire ne peut être que le résul­tat de la
Révo­lu­tion sociale, qu’elle soit vio­lente ou non. Le caractère
de la Révo­lu­tion doit être, avant tout, négatif,
destruc­tif. Il ne s’ag­it pas d’amélior­er certaines
insti­tu­tions du passé pour les adapter à une société
nou­velle, mais de les sup­primer. En même temps, la Révolution
a un côté posi­tif, c’est la prise de pos­ses­sion des
instru­ments de tra­vail et de toutes les richess­es par les
tra­vailleurs. Pour nous, seule, la lutte de class­es opprimées
et exploitées est capa­ble d’at­tein­dre ce but.

Les anarchistes
révo­lu­tion­naires n’ac­cepteront pas les vieux clichés
poli­tiques et soci­aux. Ils chercheront de nou­velles solu­tions, tout
en réex­am­i­nant les vieux mou­ve­ments dont ils tireront ce que
le temps et l’ex­péri­ence ont prou­vé être valable.
Ils rejet­teront ce qui, dans ces mou­ve­ments est faux et ce qui est
dépassé.

De nou­velles sources
d’ex­ploita­tions nais­sent en dehors de la propriété
directe des moyens de pro­duc­tion. La lutte révo­lu­tion­naire de
classe n’ex­iste que lorsqu’il y a « con­science de classe »
(con­science qui doit aboutir au refus des valeurs bour­geois­es). Ce
qui implique un choix sur le plan éthique. C’est pourquoi la
notion marx­iste stal­in­i­enne définis­sant les class­es d’une
manière sché­ma­tique net­te­ment délimitée
et stricte­ment calquée sur les phénomènes
économiques ne cor­re­spond qu’im­par­faite­ment à la
réal­ité dans le stade actuel de la société
capitaliste.

L’État
est, par nature, un instru­ment de dom­i­na­tion et ne peut servir, de ce
fait, au pro­grès social. On a essayé de l’u­tilis­er en
Russie, pour une péri­ode « tem­po­raire de
tran­si­tion ». Les résul­tats ont été
désastreux.

L’ac­tion parlementaire
et la par­tic­i­pa­tion directe aux élec­tions dans le système
actuel ne ser­vent qu’à dis­traire l’at­ten­tion et les efforts
des exploités du com­bat de classe con­tre leurs exploiteurs.
L’ac­tion directe est la seule arme effi­cace des exploités.

Au cours de la
Révo­lu­tion espag­nole, les véri­ta­bles objec­tifs ont été
per­dus de vue, parce que l’on a accordé à l’unité
une impor­tance hors de pro­por­tion par rap­port au but pour­suivi. La
col­lab­o­ra­tion avec les politi­ciens répub­li­cains et staliniens,
au sein du gou­verne­ment, a provo­qué la liq­ui­da­tion des comités
révo­lu­tion­naires et a fait per­dre au peu­ple son moral, a fait
échouer la Révo­lu­tion, et, avec elle, la guerre contre
le fascisme.

En Russie, le triomphe
des con­cep­tions cen­tral­istes et du principe du par­ti unique
appli­ca­tion des théories fon­da­men­tales des marx­istes et qui
doivent, selon eux, men­er la Société vers l’Anarchie,
par dépérisse­ment de l’É­tat
a fait dégénér­er une révo­lu­tion populaire
et l’a trans­for­mé en un super-État
basé sur l’esclavage économique, moral et cul­turel le
plus abject.

L’indépendance
nationale des ter­ri­toires colo­ni­aux doit être considérée
comme une con­di­tion indis­pens­able de l’é­man­ci­pa­tion sociale,
car elle crée, en soustrayant un peu­ple à l’ap­pareil de
répres­sion d’un État
impéri­al­iste — tout en affaib­lis­sant cet État
les pos­si­bil­ités pour
ce peu­ple de faire sa révo­lu­tion en sup­p­ri­mant ses propres
exploiteurs.

IV. Principes organisationnels

L’organisation
spé­ci­fique anar­chiste com­mu­niste se fixe pour but la prise de
con­science des exploités pour qu’ils agis­sent dans la
per­spec­tive de la Révo­lu­tion qui per­me­t­tra la réalisation.
De la future société libertaire.

Nous apporterons notre
sou­tien, en tout temps, au com­bat con­tre les exploiteurs, pour la
con­struc­tion d’or­gan­i­sa­tions ouvrières et communautaires
indépen­dantes du con­trôle poli­tique et de la
régle­men­ta­tion gou­verne­men­tale. Ces organ­ismes sont destinés
à for­mer la base de la future société
libertaire.

Sur le plan de l’action
directe, l’or­gan­i­sa­tion anar­chiste com­mu­niste accepte l’al­liance avec
des mil­i­tants ou groupes de mil­i­tants pro­lé­tariens dans des
actions com­munes, sur des buts immé­di­ats ou limités,
pourvu que l’en­jeu de la lutte représente un progrès
dans le sens de l’é­man­ci­pa­tion ouvrière. Elle se
réserve, en tout cas, le droit de présen­ter ses propres
positions.

La par­tic­i­pa­tion au
tra­vail de notre organ­i­sa­tion doit être volon­taire. Elle doit,
cepen­dant, com­porter un sens suff­isant de la responsabilité
pour que les incli­na­tions et les antipathies de cha­cun soient
sub­or­don­nées libre­ment et volon­taire­ment à l’intérêt
d’une organ­i­sa­tion suff­isante afin d’ef­fectuer effi­cace­ment la
coor­di­na­tion des activ­ités des groupes.

L’organisation
spé­ci­fique anar­chiste com­mu­niste est con­sti­tuée par une
fédéra­tion de groupes affini­taires qui se sont mis
d’ac­cord sur le principe de l’U­NITÉ
IDÉOLOGIQUE, en vue
de présen­ter un front uni des anar­chistes engagés dans
la lutte sociale.

L’UNITÉ
IDÉOLOGIQUE n’est pas con­sti­tuée par des principes
rigides, elle pour­ra être révisée en fonc­tion des
adap­ta­tions néces­saires à la sit­u­a­tion économique
et sociale.

L’UNITÉ
IDÉOLOGIQUE entraîne l’U­NITÉ TACTIQUE. Pour nous,
l’U­NITÉ TACTIQUE, c’est la con­stata­tion par l’organisation
tout entière de la réus­site de telle ou telle méthode
par tel ou tel groupe et l’en­gage­ment libre de la part des autres de
l’employer à leur tour. C’est la con­stata­tion par tous les
groupes de la néces­sité d’employer une tac­tique commune
sur tel ou tel prob­lème pré­cis recon­nu par tous comme
se posant à l’ensem­ble. Pour le reste, il est con­forme au
fédéral­isme que chaque groupe agisse comme il l’entend.

Nous élaborerons,
ain­si, les bases sur lesquelles des indi­vidus libres peuvent
s’or­gan­is­er pour une action effi­cace et cepen­dant demeur­er libres.
Dans cet esprit, avec les idéaux, et en ten­dant vers le but
exprimé dans cette déc­la­ra­tion, allons de l’avant,
libre­ment et sol­idaire­ment, dans la fraternité.


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