La Presse Anarchiste

Un an

Il y a un an paraissait
le no 1 de nos cahiers. Nous ne prof­iterons pas de
l’oc­ca­sion pour exprimer les auto-con­grat­u­la­tions d’usage en pareil
cas, car à la vérité l’é­tat actuel de
l’a­n­ar­chisme en ce pays ne devrait pouss­er les mil­i­tants libertaires
(quelle que soit leur ten­dance) à aucun opti­misme spécial.
Non, cet « anniver­saire » sera plutôt
l’oc­ca­sion pour nous d’établir un pre­mier bilan dont la
mod­estie même, on s’en doutera, nous donne des raisons précises
de lut­ter avec encore plus de ténac­ité et surtout de
patience car il s’an­nonce de longue haleine, le com­bat à
venir…

Un an. Le sixième
numéro de « Noir & Rouge »,
l’en­cour­age­ment des let­tres de nou­veaux cama­rades, la possibilité
d’aug­menter notre tirage à chaque paru­tion, l’e­spoir réel
d’amélior­er notre présen­ta­tion dès que possible,
voilà pour nos cahiers

Des mil­i­tants qui se
recru­tent un à un, avec une exi­gence dont on nous critiquera
peut-être mais dont l’amère expéri­ence au sein
d’un ex-mou­ve­ment d’o­rig­ine lib­er­taire nous a ren­dus résolument
par­ti­sans, des posi­tions poli­tiques qui s’éla­borent, d’autres
qui se pré­cisent, tout cela avec dif­fi­culté parfois
(mais n’est-ce pas nor­mal ?) un lien solide­ment établi
avec les cama­rades d’une organ­i­sa­tion « à
l’é­tranger » dont nous repar­lerons, les débuts
d’une pro­pa­gande extérieure, notre deux­ième congrès
très proche main­tenant, voilà pour les G.A.A.R.

Ces quelques précisions
apportées quant à nous, il n’est pas inutile d’en venir
à un plan beau­coup plus vaste, celui du monde où nous
venons pré­cisé­ment de vivre pen­dant cette année.
En effet, et comme par hasard, on peut dire que notre nais­sance a
béné­fi­cié, ce qui est façon de par­ler, de
cir­con­stances excep­tion­nelles, par­ti­c­ulière­ment inquiétantes
pour la paix du monde. Un rapi­de retour en arrière nous
rap­pelle qu’­ef­fec­tive­ment, au début de l’au­tomne dernier, les
con­tra­dic­tions du monde cap­i­tal­iste pous­saient le très
social­iste Guy Mol­let à s’al­li­er avec le très
con­ser­va­teur Eden pour une extrav­a­gante croisade au cours de laquelle
plusieurs mil­liers de tra­vailleurs égyp­tiens ensevelis sous
les ruines des quartiers pau­vres de Port-Saïd (après le
pas­sage libéra­teur des escadrilles démocratiques)
payèrent de leur vie l’in­for­tune d’être nés près
d’un cer­tain canal.

Dans le même temps
les con­tra­dic­tions du monde stal­in­ien, car ce régime engendre
lui aus­si ses pro­pres con­tra­dic­tions d’une nature certes différente
de celles du cap­i­tal­isme clas­sique mais non moins réelles,
pous­saient la Russie dite Sovié­tique à écraser
impi­toy­able­ment les sovi­ets hon­grois au nom de la lutte
con­tre-révo­lu­tion­naire ! Quant au prolétariat
mon­di­al, en pleine « sol­i­dar­ité agissante »,
il empi­lait les boîtes de con­serve en prévi­sion du
con­flit éventuel alors que les fas­cistes et la racaille
réac­tion­naire des dif­férents pays prof­i­taient de
l’oc­ca­sion inespérée pour se déchaîn­er de
la manière que l’on sait.

Pour en revenir plus
par­ti­c­ulière­ment à l’amère patrie, cette même
année voy­ait la social-démoc­ra­tie, fidèle en
cela à sa ligne de trahi­son per­ma­nente des intérêts
de la classe exploitée
, s’en­fon­cer dans l’ab­jecte campagne
d’Al­gérie en rap­pelant par cen­taines de mil­liers les
« disponibles ».

Nous n’épiloguerons
pas sur les suites de cette « poli­tique », tout
le monde voit aujour­d’hui où Mol­let-Lacoste-Pineau et leur
Par­ti Social­iste en sont arrivés. Et il n’est pas impossible
que de « paci­fi­ca­tion » en tor­tures, le
social­isme S.F.I.O. ne nous amène tout bon­nement le fascisme.

Certes, nous ne sommes
pas devins et tel n’est pas notre pro­pos, mais cela s’est déjà
vu et après tout, dans « national-socialisme »
il y a « social­isme » rappelons-nous.

Voici donc rapidement
résumés quelques-uns des plus funestes évènements
d’une année fer­tile en cat­a­stro­phes. On pour­ra nous objecter
que nous oublions, entre autres, l’af­faire de Jor­danie et surtout le
dan­ger radioac­t­if. Bien sûr, mais sou­venons-nous que tous ces
faits font par­tie d’un même ensem­ble lequel s’ap­pelle le
con­flit des deux blocs dirigeants (où ?) le monde.
L’im­por­tant pour nous est de savoir ce que fer­ont les lib­er­taires en
fonc­tion de cet ensem­ble. Or, il s’avère (et c’est pour cela
qu’au début nous disions qu’il serait vain de se féliciter
de l’é­tat actuel de l’a­n­ar­chisme en ce pays) qu’aux moments
les plus cri­tiques des mois écoulés, les anar­chistes se
retrou­vèrent sur­pris par les évène­ments, quasi
paralysés par un manque évi­dent de la plus élémentaire
coor­di­na­tion. Nous avons, tous autant que nous sommes,
d’ex­cel­lents motifs pour jus­ti­fi­er notre carence, mais la question
n’est pas là, et seule demeure l’ab­solue nécessité
de tou­jours mieux nous organ­is­er, quelles que soient les ten­dances du
mou­ve­ment anar­chiste dans son ensemble.

Coor­don­ner, organiser,
s’or­gan­is­er, très bien, repren­dront cer­tains, pourquoi
restez-vous alors « en dehors », rejoignez la
F.A.F., ten­dez à l’unification !

Nous ne répéterons
jamais assez que nous préférons de beaucoup
l’or­gan­i­sa­tion par ten­dances, à un regroupe­ment « pour
le principe » où sous pré­texte de LIBERTÉ
ABSOLUE tous les efforts s’an­nu­lent en fin de compte. D’où la
créa­tion des G.A.A.R., groupés sur les bases de
l’a­n­ar­chisme-com­mu­niste. D’où égale­ment notre
non-par­tic­i­pa­tion à une F.A.F. par trop hétérogène.
Il est évi­dent que cette prise de posi­tion n’im­plique aucune
hos­til­ité de notre part, mais s’ex­plique par la plus simple
logique. La seule chose que nous souhaitons, c’est que nos camarades
de la Fédéra­tion Anar­chiste dis­cu­tent à fond ces
prob­lèmes et nous savons que leur con­grès de la
Pen­tecôte peut se révéler très posi­tif en
ce sens. Dès à présent, les militants
anar­chistes doivent ten­dre à une meilleure coor­di­na­tion de
leurs efforts afin de ne pas être une fois de plus pris au
dépourvu en cas d’évène­ments graves. Les
G.A.A.R., au seuil de la deux­ième année de leurs
cahiers, pensent plus que jamais que l’a­n­ar­chisme a encore son mot à
dire. Cela se fera si nous le voulons tous.

Noir et Rouge


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