La Presse Anarchiste

L’éveil des nationalités au XIXe siècle

La
confu­sion due à la Révo­lu­tion fran­çaise se
répan­dra dans tous les pays de culture euro­péenne et le
XIXe siècle sera mar­qué par une série
de révo­lu­tions où sou­vent natio­na­lisme et libéralisme
et même socia­lisme seront mêlés. Par grandes
vagues pério­diques des sou­lè­ve­ments de peuples, malgré
les Saintes-Alliances des monar­chiques, abou­ti­ront alors à
l’é­cla­te­ment des vieux empires.

Les
empires ibé­riques d’a­bord perdent leur plus grand domaine :
l’A­mé­rique latine. Suc­ces­si­ve­ment le Bré­sil (1808), le
Mexique (1810), les pro­vinces du Nord (Vene­zue­la, 1812, etc.) et du
Sud (Argen­tine, 1813, etc.) se sont sou­le­vés. Les Espagnols
sont défi­ni­ti­ve­ment bat­tus à Aya­cu­cho en 1824 tandis
que l’an­née pré­cé­dente était proclamée
la doc­trine de Mourve « l’A­mé­rique aux
Amé­ri­cains ». Les der­nières colonies
espa­gnoles de quelques impor­tances (Cuba, Phi­lip­pines) se soulèvent
à la fin du siècle, mais elles tombent déjà
dans l’or­bite d’un nou­vel impé­ria­lisme : celui des
États-Unis.

L’empire
turc, le plus faible de tous, « l’homme malade »,
s’a­bîme len­te­ment lui aussi.

Successivement
se sou­lèvent les Mon­té­né­grins, les Serbes, les
Grecs, les Rou­mains, les Bul­gares, les Bos­niaques, les Macédoniens
et les Armé­niens. Les cinq pre­miers pas­sant par toutes les
phases de l’in­sur­rec­tion, de l’au­to­no­mie, de l’in­dé­pen­dance et
de l’u­ni­té natio­nale deviennent des Nations au cours du XIXe
siècle et sur­tout en 1878 à l’is­sue de la guerre
Rus­so-Turque. Les der­niers auront moins de chance ; les
Bos­niaques tombent direc­te­ment sous la coupe de l’impérialisme
autri­chien, les Macé­do­niens sont mas­sa­crés puis
par­ta­gés, les Armé­niens à leur tour victimes
d’une poli­tique d’ex­ter­mi­na­tion de « génocide »
des plus systématique.

Les
dépouilles du décli­nant empire turc sont un objet de
convoi­tise pour les impé­ria­lismes mon­tants : la France
prend l’Al­gé­rie et la Tuni­sie, l’An­gle­terre l’É­gypte et
l’I­ta­lie la Libye (1911).

Enfin
le sou­lè­ve­ment arabe de 1917 avec le concours de
l’im­pé­ria­lisme anglais, (Colo­nel Law­rence) détache les
der­niers pays non turcs de l’Em­pire (Pales­tine, Syrie, Mésopotamie).
Les Turcs mena­cés à leur tour par les nou­velles nations
(Grèce, etc.) se réfu­gie­ront fina­le­ment aus­si dans un
natio­na­lisme défen­sif (Kemal).

Mais
d’autres empires sont mena­cés par des forces nationales
cen­tri­fuges en Europe même. Les vieux États dynastiques
ont à faire face aux natio­na­lismes qui cherchent à se
regrou­per d’ailleurs en vain : L’I­ta­lie, en 1831 et 1848,
l’Al­le­magne en 1848, la Pologne en 1831 et 1863 ; seul succès :
la Bel­gique en 1830.

1848,
l’an­née des révo­lu­tions met par­ti­cu­liè­re­ment en
péril l’empire d’Au­triche champ clos où s’affrontent
les natio­na­li­tés les plus diverses : Les Hongrois
héri­tiers d’une longue suite de guerres d’indépendance
natio­nale (1593 – 1608, 1678 – 1685, 1703 – 1710) tiennent à nouveau
tête pen­dant plus d’un an à l’Au­triche. D’autre part les
peuples tchèques, slo­vaques, polo­nais, slovènes,
croates, serbes oppri­més sécu­lai­re­ment par les
Alle­mands ou les Hon­grois par­ti­cipent à un vaste mou­ve­ment de
renais­sance et d’é­man­ci­pa­tion nationale.

La
lutte des peuples slaves contre l’im­pé­ria­lisme alle­mand (et
acces­soi­re­ment magyar) est la trame de toute l’his­toire de l’Europe
orien­tale. C’est la résis­tance de masse pay­sanne essayant à
tra­vers les siècles de sau­ve­gar­der son ori­gi­na­li­té, sa
langue, sa terre contre une civi­li­sa­tion féo­dale qui tente de
la réduire au ser­vage et de lui nier le droit à
l’exis­tence. Ce qui dif­fé­ren­cie l’im­pé­ria­lisme allemand
des impé­ria­lismes ibé­riques, fran­çais, anglais,
etc. est qu’il conçoit la colo­ni­sa­tion en Europe même et
cela jus­qu’à nos jours. Les indi­gènes à
repous­ser, spo­lier, assi­mi­ler ou exter­mi­ner il ne va pas les chercher
en Amé­rique ou en Afrique mais il les voit à sa porte.
Alors que d’autres por­taient le fer, le feu, le sang et les larmes
au-delà des océans, lui, depuis les croi­sades des
che­va­liers alle­mands (XIIIe siècle) il pousse sans
arrêt vers les plaines de l’Est :

C’est
le « Drang nach Osten ». contre le germanisme
insi­nuant ou conqué­rant le sla­visme est un réflexe de
défense des peuples qui ne veulent pas s’é­teindre. Et
c’est par le PANSLAVISME que Bakou­nine est venu à l’anarchisme
s’op­po­sant en cela aux pan­ger­ma­nistes les plus gros­siers comme Marx,
inca­pables de conce­voir un pro­grès ne pas­sant pas par la force
des grands États conquérants.

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