La Presse Anarchiste

Procédés de formation

Survivances d’États
de type ancien

En
règle géné­rale les États contemporains
ont tous pris une forme natio­nale après être passés
par dif­fé­rents stades.

Bien
que nous vivions à l’ère du grand capi­ta­lisme, de
mono­pole ou d’É­tat, de nom­breux peuples sont res­tés à
un stade féo­dal pré­ca­pi­ta­liste ou même
escla­va­giste, ou encore com­mu­niste pri­mi­tif. De même certaines
socié­tés ont-elles pu encore de nos jours vivre en
dehors de l’É­tat national.

Les
États de type théo­cra­tique
sont excessivement
rares. Le seul véri­table est celui du Vati­can fon­dé par
Mus­so­li­ni en 1944, résur­gence des États de l’Église,
éta­blis sur la fausse « dona­tion de Constantin »
et sur la volon­té de Char­le­magne mais sup­pri­més par la
monar­chie ita­lienne en 1870.

L’ordre
de Malte ayant toutes les carac­té­ris­tiques juri­diques d’un
État sou­ve­rain a per­du pour­tant le prin­ci­pal : son
ter­ri­toire en 1798 du fait de Bona­parte. C’est le der­nier ordre
reli­gieux de ce genre depuis la sup­pres­sion de la souveraineté
des jésuites sur le Para­guay, des « chevaliers »
alle­mands et « porte-glaive » dans les pays
bal­tiques, des « Tem­pliers » en Occident
chré­tien et des « Assas­sins »
leurs pré­cur­seurs à tous
dans l’O­rient musulman.

Seules
demeu­rant auto­nomes la Répu­blique des monas­tères du
Mont Athos en Grèce et enfin le Thibet.

Sociétés
de céli­ba­taires, vivant en marge de l’activité
éco­no­mique, ces États ont besoin pour recru­ter leurs
membres et sub­ve­nir, d’une aide soit perpétuellement
renou­ve­lée de l’ex­té­rieur (Vati­can), soit puisée
sur une popu­la­tion exploi­tée (Bal­tique, Thibet).

Des
innom­brables Villes libres du Moyen Age très peu ont
sur­vé­cu jus­qu’à l’é­poque moderne. Les dernières
des Répu­bliques cita­dines et mar­chandes : Gènes,
Lucques, Venise, Dubrov­nik, Dant­zig furent détruites par la
Révo­lu­tion fran­çaise ou Napo­léon ou par la
révo­lu­tion de 1848 (Cra­co­vie, Franc­fort). Jus­qu’au début
du XXe siècle seules avaient gar­dé des
restes d’au­to­no­mie les trois têtes de la Hanse : Lübeck,
Ham­bourg, et Brême.

Le
XXe siècle n’a vu appa­raître en ce genre que
quelques rares créa­tions éphémères
des­ti­nées à satis­faire un ou plu­sieurs impérialismes
exté­rieurs : Tan­ger, Dant­zig, Memel, Rije­ka (Fiume),
Alexan­drette (Haty), Trieste. Le des­tin de Sin­ga­pour ou peut-être
demain de Hong-Kong ou Dji­bou­ti ne semble pas devoir faire exception.

Le
fait impor­tant n’est pas seule­ment que ces États-Villes ne
sont plus aux dimen­sions du monde moderne mais aus­si, ne
cor­res­pondent à rien de spon­ta­né sur le plan local, ils
n’ont jamais été que des com­pro­mis aménagés
tout d’un coup entre espaces poli­tiques (État), économiques
(Mar­ché) et affec­tifs (Nation) plus grands.

L’un
des carac­tères de l’É­tat-nation est son abandon
pro­gres­sif conjoin­te­ment à sa jus­ti­fi­ca­tion théocratique
ancienne (droit divin) de son aspect dynas­tique. La volonté
natio­nale rem­pla­çant le « bon plaisir »
du monarque. Le sou­ve­rain est deve­nu, en théo­rie le peuple, en
fait un État imper­son­nel. La grande majo­ri­té des États
actuels a quit­té la forme monar­chique alors qu’il y a
cin­quante ans à peine, seuls, la Suisse, les États
d’A­mé­rique et la France étaient dans ce cas.

La
Monar­chie
sub­siste comme un vague décor sans valeur
poli­tique dans quelques rares États d’Eu­rope du Nord-Ouest
(Angle­terre, Béné­lux, Scan­di­na­vie) ou d’Extrême-Orient
(Japon, Siam) et comme un fan­tôme dans ces fantômes
d’É­tats que sont deve­nues les Prin­ci­pau­tés indiennes,
malaises, indo­né­siennes ou afri­caines, la plu­part islamiques.

Ce
n’est qu’au Moyen Orient que sub­sistent encore des Principautés
à l’é­tat pur dont l’u­nique rai­son d’être réside
dans la monar­chie qui les a créée. Royaume saoudite,
haché­mites (Irak, Jor­da­nie), Éthio­pie et petits
émi­rats, chei­khats, ima­nats, sul­ta­nats arabes.

Assez
sem­blables et par­fois confon­dus avec eux furent les États
régio­naux
dont l’Al­le­magne et l’I­ta­lie forment le type :
mor­ceaux d’un même peuple par­ta­gé en souverainetés
mul­tiples. L’Au­triche actuelle peut être considérée
comme de ce type d’É­tat puisque créé et maintenu
sépa­rée de l’Al­le­magne pour des rai­sons d’équilibre
diplo­ma­tique, de même sans doute la majo­ri­té des États
lati­no-amé­ri­cains et cer­tai­ne­ment des États arabes.

Balkanisation ou unité nationale

L’antique
maxime « Divi­ser pour régner » a
tou­jours pré­si­dé à l’ap­pli­ca­tion du droit divin
inter­na­tio­nal ou plu­tôt inter éta­tique. Les nations
puis­santes et déjà for­mées ont tout fait pour
main­te­nir dans un état de fai­blesse et de mor­cel­le­ment les
rivales pos­sibles. Ain­si l’Es­pagne, la France et l’Autriche
main­tinrent-elles pen­dant trois siècles la divi­sion de
l’I­ta­lie. Ain­si les trai­tés de West­pha­lie (1648) eurent-ils
pour résul­tat d’ag­gra­ver la dés­in­té­gra­tion de
l’Al­le­magne pour plus de deux siècles, au plus grand pro­fit de
ses voi­sins. Ain­si l’An­gle­terre et les États-Unis, qui avaient
sou­te­nu la révolte des colo­nies du Nou­veau Monde pour pouvoir
mieux étendre leur influence éco­no­mique, s’opposent-ils
avec suc­cès à leur fédé­ra­tion en
États-Unis d’A­mé­rique latine. Ain­si les intérêts
rivaux de l’Au­triche et de la Rus­sie puis de l’Al­le­magne et de la
France et même, de l’An­gle­terre et de l’I­ta­lie empêchent-ils
toute union danu­bienne ou bal­ka­nique entre les pays libérés
des Turcs, d’où la créa­tion d’une bonne demi-douzaine
d’É­tats nou­veaux dans cette pénin­sule des Bal­kans. Le
terme de « Bal­ka­ni­sa­tion » désigne
depuis une mosaïque de petites uni­tés séparées
pre­nant la place d’une grande enti­té poli­tique antérieure.
Terme d’un emploi peut-être abu­sif puisque les nations créées
dans les Bal­kans cor­res­pon­daient pour la plu­part à des peuples
bien dif­fé­rents (ayant cha­cun sa langue). Il n’en fut pas
tou­jours de même ailleurs. Et en par­ti­cu­lier à l’égard
de la nation arabe quand le même pro­cé­dé fut
appli­qué aux pays de la « Révolte du
désert » contre les Turcs par les impérialismes
fran­co-anglais avides de se par­ta­ger le pétrole et désireux
de ne pas lais­ser s’é­ta­blir l’É­tat arabe unique promis
par Law­rence. Ain­si furent décou­pés au cor­deau à
tra­vers les vastes éten­dues qui séparent la
Médi­ter­ra­née du golfe Per­sique ces ter­ri­toires à
man­dats abs­traits à forme géométriques :
Syrie, Irak, Trans­jor­da­nie, Pales­tine. La France pous­sa encore la
chose plus loin en essayant de « bal­ka­ni­ser » à
son tour la Syrie en 5 États auto­nomes (Alexan­drette,
Alaouites, Liban, Dje­bel Druse, Damas, Alep.) « Solution »
ana­logue à cer­tains pro­jets actuels pour l’Algérie.
Même ten­ta­tive de la part des Néer­lan­dais vis-à-vis
de l’In­do­né­sie dont l’es­sai de décou­page en une
dou­zaine d’É­tats échoua aussi.

Face
à ces essais de divi­sions arti­fi­cielles se sont développés
les mou­ve­ments qui abou­tirent au siècle der­nier à
l’u­ni­té natio­nale de l’I­ta­lie et de l’Al­le­magne (1866 – 1871)
mais aus­si à celle de la Rou­ma­nie et de la Bul­ga­rie divisées,
l’une en Mol­da­vie et Vala­chie, l’autre en Bul­ga­rie et Roumélie
par les soins des impé­ria­lismes rivaux.

Les
années qui viennent vont nous dire si le XXe siècle
sera celui de l’u­ni­té arabe comme le XIXe fut celui
de l’u­ni­té ita­lienne et allemande.

Partage et partition

Depuis
1945 quelques nations sont res­tées par­ta­gées entre les
zones d’in­fluence des deux grands impérialismes :
Alle­magne, Corée, Viet­nam et dans une cer­taine mesure Chine
sont res­tés divi­sés en deux États l’un de type
capi­ta­liste et l’autre marxiste.

Mais
il est d’autres par­tages, orga­ni­sés par l’impérialisme.
Par un impé­ria­lisme en retraite : le domi­na­teur qui voit
son règne s’a­che­ver quitte dif­fi­ci­le­ment le pays exploité
sans essayer de pro­lon­ger son influence en fai­sant la part du feu ou
en le lais­sant pro­fon­dé­ment divisé.

Le
meilleur moyen de trou­ver un pré­texte pour divi­ser un peuple
est de faire appel à la reli­gion. Ain­si firent les Espagnols
qui, aux Pays-Bas révol­tés, ten­tèrent de se
conci­lier les catho­liques contre les cal­vi­nistes et réussirent
à oppo­ser pour long­temps ce qui allait deve­nir les deux États
hol­lan­dais et belge. Mais c’est l’im­pé­ria­lisme anglais qui fut
le maître en la matière. Il com­men­ça par
l’Ir­lande ou la « Par­ti­tion » sépa­ra un
frag­ment du Nord (décou­pé de façon à être
d’une étroite majo­ri­té pro­tes­tante) de l’« Eire ».
Puis la même opé­ra­tion fut recom­men­cée en Inde,
où, après avoir sus­ci­té un antagonisme
arti­fi­ciel entre musul­mans et hin­dous, il fut pos­sible de créer
un « Pakis­tan », lui-même divisé
en deux, sépa­ré de l’Inde indépendante :
pour faire coïn­ci­der ce par­tage avec la réalité
humaine, his­to­rique et éco­no­mique négligée,
d’é­normes échanges de popu­la­tion furent effectués
de part et d’autre des nou­velles fron­tières (10 millions
envi­ron dans chaque sens). Néan­moins il fut impos­sible de
rendre homo­gène la popu­la­tion des deux États où
demeurent d’im­por­tantes mino­ri­tés : 40 mil­lions de
musul­mans res­tèrent en Inde et 10 mil­lions d’hin­dous au
Pakis­tan (res­pec­ti­ve­ment plus de 10 % et 12 % de la
population).

Procédé
iden­tique en Pales­tine où l’on par­vint à élever
à son paroxysme l’hos­ti­li­té entre Juifs et Arabes
(musul­mans ou chré­tiens) et à créer un
« Israël » séparé
ras­sem­blant le peu­ple­ment Juif et où les Arables eurent à
choi­sir entre par­tir ou deve­nir des citoyens de seconde zone :
sur une popu­la­tion totale du nou­vel État de 2 millions,
650 000 Arabes par­tirent et plus de 150 000 restèrent,
consti­tuant quand même une mino­ri­té de plus de 10 %.

« Partition »
encore en Malai­sie où l’An­gle­terre est arrivée
jus­qu’i­ci à sépa­rer de la pénin­sule en majorité
musul­mane orga­ni­sée en « Fédération
Malaise » l’île de Sin­ga­pour à majorité
chinoise.

« Partition »
enfin pour pro­lon­ger l’oc­cu­pa­tion anglaise à Chypre que le
pro­jet de Rad­cliffe vou­lant décou­per de l’île grecque
les quelques dis­tricts de popu­la­tion musul­mane turque.

La
France, elle aus­si, a réus­si sa petite « partition »
en sépa­rant de la Syrie à majo­ri­té musulmane
le Liban côtier en par­tie chré­tien. Il est douteux
qu’elle réus­sisse le même coup en retran­chant de
l’Al­gé­rie, les zones côtières ora­naise ou
algé­roise à peu­ple­ment européen.

Dans
chaque cas, le par­tage ou « Par­ti­tion » tend
par l’exis­tence de deux États à pro­vo­quer l’apparition
de deux « nations » dis­tinctes et si possible
enne­mies. La faus­se­té de telles solu­tions est patente
puis­qu’elles ne font appel qu’à la haine et qu’elles
n’ins­taurent en prin­cipe fon­da­men­tal que l’intolérance.

Irrédentisme et plus grande nation


s’ar­rête la légi­time uni­té natio­nale et où
com­mence l’im­pé­ria­lisme aux dépens des peuples voisins
cela est sou­vent fort dif­fi­cile à dire, tant il est vrai qu’il
n’y a pas de limites natu­relles aux peuples et que des phénomènes
per­ma­nents d’os­mose devraient unir les popu­la­tions diverses plutôt
que les sépa­rer. Il n’est pra­ti­que­ment pas un seul État
qui estime sin­cè­re­ment et dura­ble­ment avoir fait le plein de
ses natio­naux pos­sibles et n’a­voir plus de reven­di­ca­tions contre ses
voi­sins. Défendre une mino­ri­té oppri­mée à
l’é­tran­ger serait sans doute louable si les des­seins de l’État
ne visaient inva­ria­ble­ment à en pro­fi­ter pour d’éternels
agran­dis­se­ments. L’I­ta­lie uni­fiée ayant été
réa­li­sée (1870) l’É­tat consi­dé­ra certains
ter­ri­toires encore étran­gers comme « l’I­ta­lie non
ren­due », l’« Ita­lia irre­den­ta » et
en 1915 entra en guerre pour les obte­nir, après avoir créé,
avec le socia­liste Mus­so­li­ni, un cou­rant « interventionniste »
dans le mou­ve­ment ouvrier jusque-là hos­tile à toute
guerre. Mais l’É­tat ita­lien fou­lant aux pieds le prin­cipe des
natio­na­li­tés qu’il ait invo­qué uti­li­sa le retour du
Tren­tin pour annexer le Tyrol méri­dio­nal alle­mand, et celui de
Trieste et de quelques petits ports par­tiel­le­ment ita­liens pour
annexer l’Is­trie you­go­slave et ten­ter d’en faire autant avec la
Dalmatie.

Chaque
nation ne se consi­dère géné­ra­le­ment qu’en partie
réa­li­sée et idéa­le­ment tente à devenir
une sorte de nation totale aux dépens des autres.

Il
y a d’a­bord les pro­vinces encore sépa­rées qu’il faut
rache­ter, réunir : réunion se dit « Anschluss »
en alle­mand, « Enos­sis » en grec, évoquant
ici l’u­nion de l”Autriche et là celle de Chypre.

Puis
il y a tous les ter­ri­toires où vivent ou ont vécu des
popu­la­tions sem­blables, ou bien qui ont été reliés
à un moment don­né, ou qui devraient l’être, c’est
la plus grande France, la grande Alle­magne, le grand Hanisme en
Chine. Le Pan­ger­ma­nisme oppo­sé au pan­sla­visme. Le
pan­hel­lé­nisme qui, à cause du lit­to­ral grec a voulu
annexer la moi­tié de l’A­sie mineure (1920), le pantouranisme
qui veut unir les popu­la­tions turques jus­qu’en Asie cen­trale, le
pan­ara­bisme, le pan­i­sis­la­misme beau­coup plus vaste et aus­si fumeux
que l’i­dée d’une civi­li­sa­tion chrétienne.

Hors
de la nation réelle ou idéale il y a enfin la
col­lec­ti­vi­té de tous les émi­grants et descendants
d’é­mi­grants : « Roma­nis­tas » pour
les Ita­liens, « His­pa­ni­dad » pour les
Espa­gnols, « Deut­schum » pour les Allemands.

Au
bout du compte le monde entier appar­tient à chaque nation.

Sitôt
unie ou indé­pen­dante chaque nation n’a rien de plus pressé
que de se don­ner une armée et d’é­mettre des prétentions
sur les ter­ri­toires voi­sins. Pour mas­quer la non-solu­tion des
pro­blèmes internes l’É­tat relance vers l’extérieur
un natio­na­lisme que l’on pour­rait croire assou­vi. C’est un dérivatif
tout trou­vé au mécon­ten­te­ment popu­laire
des par­tis peuvent être créés à cet effet,
par­tis « annexion­nistes », « impérialistes »,
« irré­duc­tistes », et les partis
exis­tants enfourchent à leur tour ce che­val de bataille.

Le
res­sen­ti­ment cana­li­sé vers l’ex­té­rieur rend moins
exi­geant à l’in­té­rieur, et fait taire toute
reven­di­ca­tion sociale comme reflé­tant un manque de
patrio­tisme. Ain­si fut uti­li­sée la ques­tion d’Alsace-Lorraine
par la IIIe répu­blique, comme celle des territoires
de l’Est par l’Al­le­magne de Bonn. Il y a quelques années toute
l’ac­ti­vi­té ver­bale des par­tis ita­liens mêmes de gauche
et d’ex­trême gauche abou­tis­sait à un même point :
Trieste.

Ce
trans­fert de toute l’ac­ti­vi­té poli­tique appa­rente et de toute
l’af­fec­ti­vi­té publique vers des buts exté­rieurs est
par­ti­cu­liè­re­ment frap­pant chez les jeunes nations.

Sitôt
la Bul­ga­rie uni­fiée la bour­geoi­sie de ce pays lance le peuple
dans la pour­suite idéale de la « Grande Bulgarie »
et de l’an­nexion de la Macé­doine pro­vo­quant des guerres
fra­tri­cides entre peuples balkaniques.

Sitôt
que l’É­gypte se débar­rasse des Anglais elle tente
d’an­nexer le Soudan.

Sitôt
le Maroc indé­pen­dant il veut englo­ber la Mauritanie.

Dès
qu’ils sont munis du pou­voir les chefs natio­naux n’ont qu’un désir :
jus­ti­fier leur domi­na­tion sur la plus vaste surface.

Le
jour même de l’in­dé­pen­dance du Gha­na son premier
ministre sanc­tion­na l’an­nexion défi­ni­tive de la moitié
du Togo par ces mots qu’il décla­ra emprun­tés à
Chur­chill : « Ce que nous avons nous le gardons. »
« Nous » se sont les hommes poli­tiques qui
ces­sant d’être domi­nés se mettent en pos­ture de
domi­na­teurs. Soyons sûrs que ces nou­veaux maîtres feront
preuve d’au­tant de mau­vaise volon­té et d’incompréhension
vis-à-vis des peuples qu’ils prennent en tutelle, qu’ils en
ont ren­con­tré de la part de leurs anciens tuteurs.

Assimilation

Les
fron­tières des États ne coïncident
qu’ex­cep­tion­nel­le­ment avec les limites lin­guis­tiques ou eth­niques des
peuples. Ce fait était à peine remar­qué et
gênait peu dans les États de type ancien théocratique
ou dynas­tique. Avec l’ap­pa­ri­tion de l’É­tat-nation tout change.
Chaque État va englo­ber une nation et une seule. Tout ce qui
ne cadre pas avec la langue, la culture, la nation prédominantes
sera une tache à l’u­ni­té natio­nale qu’il faudra
effa­cer. Devront être effa­cés les droits particuliers,
les pri­vi­lèges locaux, les cou­tumes ori­gi­nales, les
appel­la­tions spé­ciales, tout ce qui dénote une
orga­ni­sa­tion sociale anté­rieure ou dis­tincte de l’État
cen­tral. Ain­si seront balayés peu à peu tous les
ves­tiges de « liber­tés », de
« fran­chises », de « fueros »
comme disent les Espa­gnols arra­chés par des siècles de
vie « régio­nale », « communale »
ou même « féo­dale ». Peu à
peu toutes les pro­vinces seront fon­dues dans un même moule.

Seules
demeu­re­ront visibles mal­gré tout les dif­fé­rences dues à
la langue. C’est le pro­blème des peuples allo­gènes, des
mino­ri­tés natio­nales dans l’État-nation.

Historiquement
il y eut cinq manières de le résoudre :

l’as­si­mi­la­tion
for­cée : nier la mino­ri­té, la for­cer à
s’i­den­ti­fier à la majorité.

le
géno­cide : exter­mi­ner le peuple minoritaire.

le
plé­bis­cite : consul­ter la mino­ri­té sur le sort
qu’elle désire, l’É­tat auquel elle veut appartenir.

le
« dépla­ce­ment » : expul­ser les
mino­ri­taires ou les changer.

la
tolé­rance : lais­ser aux mino­ri­tés la liberté
qu’elles dési­rent, l’au­to­no­mie, voire l’indépendance.

L’assimilation
est la règle géné­rale, il y a peu d’exemples de
géno­cide et de plé­bis­cite mais de plus en plus de
« dépla­ce­ment » et d’échanges.
Quant à la tolé­rance elle appar­tient plus à
l’a­ve­nir qu’au passé.

L’assimilation
consiste d’a­bord à nier la mino­ri­té en tant que telle.
Il n’y a théo­ri­que­ment qu’une seule collectivité
natio­nale avec des indi­vi­dus plus ou moins évolués.
Évo­lu­tion et assi­mi­la­tion sont alors syno­nymes : le
non-assi­mi­lé est un retar­dé invo­lon­taire ou un traître
sys­té­ma­tique, il doit s’a­men­der ou être pour­sui­vi. Les
pro­cé­dés de l’as­si­mi­la­tion for­cée sont partout
les mêmes :

Pros­crip­tion
de la langue mino­ri­taire
consi­dé­rée comme patois ou comme ins­tru­ment de
l’é­tran­ger dans
l’en­sei­gne­ment, dans l’ad­mi­nis­tra­tion, dans la vie publique ou même
inter­dic­tion de son emploi en privé.

Inter­dic­tion
des organes en cette langue : jour­naux, publi­ca­tions diverses,
des asso­cia­tions cultu­relles ou folk­lo­riques la défendant.

Chan­ge­ment
des noms de lieux et de per­sonnes, de toutes ins­crip­tions rappelant
l’« ancienne » langue sur les enseignes, les
monu­ments, les tombes.

Ainsi
pro­cé­dèrent à des degrés divers selon les
époques :

La
ger­ma­ni­sa­tion des Danois du Sles­vig, des Alsa­ciens-Lor­rains de langue
fran­çaise et de tous les Slaves des empires d’Al­le­magne et
d’Au­triche : Polo­nais, Tchèques, Slovènes…

La
rus­si­fi­ca­tion des Polo­nais, Baltes, Cau­ca­siens, Touraniens.

La
magya­ri­sa­tion des Croates, Rou­mains, Slovaques…

L’i­ta­lia­ni­sa­tion
des Slaves de la Véné­tie Julienne, des Tyro­liens du
Sud, des val­lées alpines de langue française.

La
sini­sa­tion des mon­ta­gnards de Chine.

Mais
aus­si la fran­ci­sa­tion des popu­la­tions habi­tant la périphérie
de la métro­pole ou des colonies.

Prenons
un petit exemple : la méthode de « l’objet »
employé dans les écoles com­mu­nales de Bretagne
bre­ton­nante, de Flandre mari­time et de toutes les régions de
dia­lecte non fran­çais. Les élèves viennent de
chez eux où ils parlent leur langue ce qu’on appelle
faus­se­ment leur « patois ». Sitôt arrivés
à l’é­cole inter­dic­tion de par­ler autre chose que le
fran­çais langue de l’É­tat. Dès qu’un enfant est
pris à dire un mot de dia­lecte, on lui donne l’« objet »
(n’im­porte quoi : encrier, chif­fon, mor­ceau de craie…). il
devra pour s’en débar­ras­ser prendre sur le fait un autre
enfant ayant lais­sé échap­per un mot dia­lec­tal, et,
celui-ci à son tour pren­dra l’ob­jet et essaye­ra de l’attribuer
à un autre. Ain­si de suite… Celui qui aura l’ob­jet à
la fin de la jour­née devra faire toutes les corvées
balayage, ran­ge­ment… On ima­gine ce qu’une telle méthode
« édu­ca­tive » fon­dée sur la
crainte, l’es­pion­nage, la déla­tion peut avoir comme
réper­cus­sion psy­cho­lo­gique et sociale sur des populations
ouver­te­ment mépri­sées parce qu’elles parlent une langue
qui en d’autres pays est officielle.

L’assimilation
for­cée finit-elle par avoir rai­son des minorités ?
pour ain­si dire jamais.

Une
frac­tion variable des mino­ri­tés s’as­si­milent plus ou moins
volon­tai­re­ment pour mieux gra­vir l’é­chelle sociale et
s’a­mal­ga­mer à la bour­geoi­sie ou à l’É­tat. Tels
jadis, les « frans­quillons » des villes
fla­mandes de Bel­gique. Tels les pay­sans slaves (Wendes, Kachombes,
Mazu­ries) en Prusse. Le pas­sage à la nation domi­nante est
signe de pro­mo­tion sociale et d’as­cen­sion vers les classes
dirigeantes.

Mais
une telle mue à besoin de siècles pour modi­fier le
visage des masses pay­sannes. Et celle des villes est sou­vent plus
appa­rente que réelle tant reste forte la solidarité
cultu­relle d’un peuple oppri­mé dans sa langue et dans son
exis­tence même.

Les
nom­breuses révoltes des Polo­nais font la liai­son entre la
Pologne par­ta­gée, détruite, rayée de la carte et
la Pologne res­sus­ci­tée. 1768 Confé­dé­ra­tion de
Ber 1791 République
consti­tu­tion­nelle 1795
Révo­lu­tion de Kos­cius­ko
Légion polo­naise en France et créa­tion du Grand Duché
de Var­so­vie 1807 – 1815 
1830 Révo­lu­tion écra­sée mal­gré la
pro­cla­ma­tion d’in­dé­pen­dance
1844 – 1846 révoltes de Silé­sie, de Cra­co­vie
1863 Insur­rec­tion géné­rale
1918 Sou­lè­ve­ment vic­to­rieux
1944 Com­mune insu­rec­tion­nelle de Var­so­vie
1956 Révolte de Poz­nan et Prin­temps d’octobre…

Plus
près de nous la Cata­logne offre un exemple identique
d’al­ter­na­tive de per­sé­cu­tions et d’auto-organisation :

1412
fin de l’in­dé­pen­dance catalane.

1461 – 1472
la « géné­ra­li­té » de
Cata­logne s’est sou­le­vée contre le Roi d’Aragon.

1640 – 1652
deuxième sou­lè­ve­ment des Cata­lans qui pro­clament la
Répu­blique contre le roi d’Espagne.

1705 – 1714
nou­veau sou­lè­ve­ment contre la monar­chie espa­gnole qui ne se
ter­mine que par le siège de Barcelone.

XVIIIe
siècle pro­hi­bi­tion de la langue cata­lane devant les tribunaux
sup­pres­sion des universités
cata­lanes intro­duc­tion du
fisc espagnol.

XIXe
siècle rem­pla­ce­ment du Droit civil et pénal cata­lan par
l’es­pa­gnol (1822 – 1829), inter­dic­tion d’en­sei­gner la langue catalane
(1825), sup­pres­sion du sys­tème moné­taire catalan
(1837), par­ti­ci­pa­tion des Cata­lans à la pre­mière guerre
car­liste (1827, 1848), sou­lè­ve­ment répu­bli­cain à
Bar­ce­lone pen­dant la 2e guerre car­liste (1868), création
de la « Man­com­mu­nau­té » de Catalogne
semi-auto­nome en matière d’en­sei­gne­ment et de tra­vaux publics
dis­soute par Pri­mo de Rive­ra qui va jus­qu’à sup­pri­mer les Jeux
Flo­raux et inter­dire l’u­sage du cata­lan au cler­gé (19I4,
1924).

14
avril 1931, pro­cla­ma­tion simul­ta­né­ment à la République
espa­gnole de la « répu­blique catalane »
qui devient 3 jours plus tard la « généralité »
de Cata­logne com­plè­te­ment auto­nome jus­qu’au putsch stalinien
de 1937 et l’ar­ri­vée des fas­cistes en 1938
Fran­co inter­di­ra l’en­sei­gne­ment et les publi­ca­tions cata­lanes et un
moment même la danse natio­nale : la sardane.

Le génocide

Rares
sont les États qui eurent le cynisme de décider
l’ex­ter­mi­na­tion de ceux qui étaient considérés
comme réfrac­taires à l’assimilation.

Le
colo­nia­lisme anglo-saxon a un moment appli­qué cette volonté
face aux Indiens des États-Unis, aux aborigènes
d’Aus­tra­lie et sur­tout à ceux de Tas­ma­nie détruits
jus­qu’aux der­niers par une chasse à l’homme systématique.

L’impérialisme
turc, chas­sé des Bal­kans, ayant à faire face aux
atten­tats, orga­ni­sa plu­sieurs mas­sacres sur une vaste échelle
des popu­la­tions armé­niennes à par­tir de 1894 – 1896.

Mais
c’est cer­tai­ne­ment le régime nazi qui entre­prit avec le plus
de per­sé­vé­rance l’ex­ter­mi­na­tion de peuples entiers.
Celle des 4 mil­lions de Juifs euro­péens a été en
grande par­tie ache­vée. Celle des Slaves polo­nais, tchèques,
slo­vènes ne fai­sait que com­men­cer. Notons qu’il avait en cette
tâche des alliés comme les Ous­ta­chis croates massacreurs
de Serbes.

Enfin
le régime russe sta­li­nien a sa part à ce sombre
pal­ma­rès avec la sup­pres­sion de 6 répu­bliques du Sud de
la Rus­sie dont per­sonne ne peut dire ce que les « nationaux »
sont deve­nus et dont le nom même avait dis­pa­ru jus­qu’au XXe
congrès et au rap­port Kroucht­chev
Rap­port d’ailleurs décla­rant que si les Ukrai­niens n’avaient
pas dis­pa­ru eux aus­si c’est parce qu’ils étaient trop nombreux
Humour sta­li­nien !

La
solu­tion radi­cale du géno­cide est celle que cer­tains Français
res­pon­sables ont pen­sé appli­quer au moment de la conquête
de l’Al­gé­rie. Ce que cer­tains contem­po­rains regrettent
ouver­te­ment aujourd’hui.

Plébiscites

L’application
du prin­cipe des natio­na­li­tés prô­né par Napoléon
III ou Wil­son a entraî­né en quelques cas précis
la consul­ta­tion des popu­la­tions contes­tées entre deux États.
Fait excep­tion­nel­le­ment rare dans toute l’his­toire diplomatique !
J

En
1860 c’est après un plé­bis­cite (réfé­ren­dum)
que la Savoie et Nice sont rat­ta­chées à la France
et depuis la der­nière guerre c’est après un nouveau
plé­bis­cite que les deux com­munes de Tende et Brigue ont été
réunies à Nice.

C’est
la Confé­rence de la Paix en 1919 qui déci­da de procéder
à toute une série de plé­bis­cites aux frontières
alle­mandes et autrichiennes :

Mazu­rie
et Haute Silé­sie avec la Pologne

Région
de Sopron (Bur­gen­land) avec la Hongrie

Carin­thie
slo­vène arec la Yougoslavie

Et
enfin le plé­bis­cite de 1936 par lequel la Sarre deman­da son
retour à l’Al­le­magne comme elle le deman­da à nouveau
par celui de 1956.

Mais
aucune autre pro­vince déta­chée des vain­cus ne fut
jamais sol­li­ci­tée de don­ner son avis quand elle fut attribuée
à la France ou à l’I­ta­lie (Tyrol du Sud, Vénétie
Julienne). La France de 1919 refu­sa avec autant de fermeté
tout plé­bis­cite en Alsace-Lor­raine que l’Al­le­magne en 1871. Ni
l’une ni l’autre ne tenait à mesu­rer au moment de l’annexer
l’in­cli­na­tion véri­table des popu­la­tions pour l’un ou
l’autre… ou peut-être pour l’auto-détermination.

L’Allemagne
hit­lé­rienne ayant béné­fi­cié du plébiscite
sar­rois de 1936 orga­ni­sa elle-même celui qui, en Autriche,
sanc­tion­na l’An­schluss en 1938, et en com­mun avec l’Italie
mus­so­li­nienne celui du Tyrol du Sud en 1938 l’un et l’autre à
son très net avantage.

Pourtant
le Tyrol du Sud fut lais­sé à Mus­so­li­ni et les
popu­la­tions qui le vou­laient pas­sèrent seules à
l’Al­le­magne sans le territoire.

Déplacement de population

C’est
qu’entre temps la poli­tique et la diplo­ma­tie s’étaient
orien­tées vers une nou­velle solu­tion du pro­blème des
mino­ri­tés nationales.

Au
lieu d’es­sayer de mou­voir les fron­tières pour les faire
coïn­ci­der avec les peuples on va faire mou­voir les populations
pour les faire coïn­ci­der avec les frontières.

S’il
y a des mino­ri­tés de part et d’autre on les échangera
et sinon on les expul­se­ra simplement.

Certes
la tra­di­tion des expul­sions mas­sives est ancienne : Juifs (1492)
et Maures (1609) d’Es­pagne, Hugue­nots de France (1685), Luthériens
d’Au­triche (1620) et de Salz­burg (1732) etc. mais il s’a­gis­sait de
per­sé­cu­tions reli­gieuses non nationales.

La
poli­tique des dépla­ce­ments et échanges systématiques
fut inau­gu­rée à par­tir de 1923 entre la Grèce et
la Tur­quie qui reçurent res­pec­ti­ve­ment 1 200 000 et
400 000 de leurs natio­naux, la Bul­ga­rie s’é­tant jointe à
l’o­pé­ra­tion récu­pé­ra 250 000 personnes,
tan­dis que 125 000 Armé­niens quit­taient la Turquie.

L’Allemagne
hit­lé­rienne reprit sur une grande échelle la
réin­té­gra­tion des mino­ri­tés alle­mandes éparses
dans toute l’Eu­rope de l’Est.

Un
mil­lion envi­ron vint dans le Reich (dont 80 000 du Tyrol du
Sud). Dans l’Eu­rope hit­lé­ro-sta­li­nienne du pacte
ger­ma­no-sovié­tique ces mou­ve­ments se multiplièrent
sui­vant un vaste pro­gramme. Popu­la­tions inas­si­mi­lables expulsées
(100 000 Lor­rains, 1 500 000 Polo­nais du Reich,
2 000 000 en Rus­sie). Échanges entre pays vassaux
(320 000 Rou­mains, 300 000 Serbes, 200 000 Hongrois,
etc.).

À
la fin de la guerre le gou­ver­ne­ment alle­mand récol­tait ce
qu’il avait semé : ses res­sor­tis­sants fuyaient par
mil­lions les pays qu’ils avaient cru conquis : 2 500 000
quit­taient la Pologne, 8 mil­lions et demi les anciennes pro­vinces à
l’Est de l’O­der-Neisse, 3 500 000 la Tchécoslovaquie
(Sudètes) et 1 500 000 les pays danubiens
(Volk­dentsche). Les alliés de l’Al­le­magne par­ta­geaient son
sort : 400 000 Fin­nois quit­tèrent la Care­lie prise
par la Rus­sie et 140 000 Ita­liens les ter­ri­toires maintenant
Yougoslaves.

Les
échanges se pour­sui­vaient autour de la Hon­grie de part et
d’autre : 100 000 Slo­vaques et 40 000 Serbes contre
140 000 Hongrois.

Des
pays annexés ou occu­pés par les Russes affluaient les
« per­sonnes dépla­cées » parquées
dans les camps d’Al­le­magne, d’Au­triche, d’I­ta­lie, de Trieste (en
majo­ri­té Slaves ou Baltes). Ils seront dis­tri­bués dans
le monde entier par l’O­NU (O.I.R.)

Et
puis, de tous les pays d’Eu­rope et du Moyen-Orient, par­ti­ront plus
d’un demi-mil­lion de Juifs vers Israël.

Un
beau jour la Bul­ga­rie s’a­vise qu’elle pos­sède 100 000
Turcs et aus­si­tôt les expulse !

Le
résul­tat froid de tous ces mou­ve­ments de popu­la­tion a été
de créer fina­le­ment des États natio­naux à
peuples homo­gènes. La plu­part des mino­ri­tés ont été
sup­pri­mées. Plus de Prusse, plus de Sudètes, plus de
Saxons de Tran­syl­va­niens, presque plus de nationalités
débor­dant les fron­tières en mino­ri­tés gênantes.
La carte poli­tique coïn­cide main­te­nant beau­coup plus avec la
carte lin­guis­tique. mais quel prix humain poux satis­faire les États !

La Presse Anarchiste