Ce doit être une de ces satanées distances entre générations – après tout, c’est normal –, mais je n’avais pas ce qui s’appelle vraiment marché, à la première lecture du livre de Jean Daniel. Oh, bien sûr, la maîtrise de toute la première partie et, du commencement du livre à la fin, la tension contenue d’un style dépouillé (plus que dépouillé, ce que Maurice Blanchot a défini l’écriture blanche), j’y avais été sensible. Mais il a fallu la deuxième lecture pour que je me rende compte, non seulement de la qualité, mais de la portée de ce récit d’une descente au bord du suicide, d’un suicide auquel le personnage renonce finalement dès qu’il lui est donné de vivre la douleur d’autrui. – Et du même coup l’on devine pourquoi Camus a pris dans la collection « L’espoir », qu’il dirige, ce livre où s’exprime une vision des choses si voisine de sa propre pensée et qui, par-dessus le marché, se situe dans son Algérie natale. Influence ? Non, – rencontre, estimerais-je ; la sûreté de l’écrivain, chez Jean Daniel, en fait foi.
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