La Presse Anarchiste

Lectures

Paul Rassinier : « le Men­songe d’Ulysse » (édité par l’auteur)

Après une longue suite de procès, inten­tés à l’auteur par ses anciens col­lègues de déten­tion et finale­ment gag­nés par lui, voici reparaître un livre qui fit et fait scan­dale, car il ne nie rien de moins que la vérac­ité des réc­its que tant de rescapés firent de l’usage nazi – non pas des cré­ma­toires, mais des cham­bres à gaz ! Paul Rassinier ne dit pas qu’il n’en ait pas existé, au moins comme locaux de dés­in­fec­tion ; il pré­tend seule­ment que les sur­vivants n’ont pu les voir fonc­tion­ner comme instru­ments d’extermination ; avant tout, il sou­tient que leur légende pou­vait suf­fire, et qu’elle a par­faite­ment suf­fi en nom­bre de cas, pour impos­er aux habi­tants de l’univers con­cen­tra­tionnaire la lutte effrénée pour la survie qui se traduisit par l’épuisement phys­i­ologique de mil­liers de mal­heureux, assurés d’être sup­primés dès qu’ils cesseraient de pou­voir se tenir debout. Il ne s’agit nulle­ment ici d’atténuer les respon­s­abil­ités qui incombent aux inven­teurs plus ou moins con­scients d’un tel sys­tème de déshu­man­i­sa­tion, mais de mon­tr­er les résul­tats automa­tiques qu’entraîne la ter­ri­ble promis­cuité d’une masse vivant dans un lieu restreint, fer­mé et face à la mort. Com­ment des êtres civil­isés retour­nent d’eux-mêmes à la bar­barie, nous le savons théorique­ment par cer­tains réc­its de naufrages et de sièges ; mais il était pro­fondé­ment néces­saire de le rap­pel­er à tous ceux qui n’ont pas vécu ce cauchemar total­i­taire. Il y eut con­sti­tu­tion de hiérar­chies fondées sur la vio­lence, la cru­auté, la bassesse et la ruse ; féro­ces luttes de groupes pour le « pou­voir », devenu claire­ment celui de tuer pour ne pas mourir ; écrase­ment lent des faibles par les forts et des mourants par les faibles ; et, finale­ment, chi­en­ner­ies et gaspillage éhon­té d’une part, famine et dés­espoir de l’autre. Ces tor­tures frat­ri­cides, cette bes­tial­ité et cette abjec­tion des « sous-hommes » – lutte organ­isée de rats pris au piège dont les gar­di­ens nazis n’étaient plus à dis­tance que les spec­ta­teurs écœurés – tout cela ne dépasse-t-il pas en hor­reur véridique le crime « virtuel » (non prou­vé, sem­ble-t-il) de l’anéantissement par les gaz ? Tout cela n’est-il pas con­sub­stantiel à un cer­tain com­mu­nisme qui empris­onne aujourd’hui des mil­lions d’hommes ?

Dans la par­tie pos­i­tive de son témoignage (« le Pas­sage de la Ligne »), Rassinier fait un réc­it froid et objec­tif, presque médi­cal, de sa pro­pre expéri­ence. Dans la par­tie néga­tive, il dis­cute, con­fronte et sou­vent ruine en quelques rec­ti­fi­ca­tions pré­cis­es les réc­its trop com­plaisants d’anciens déportés, de la même façon que l’Américain Nor­ton Cru, pas­sant au crible les livres des sol­dats de 1914–1918, prou­vait que la plu­part d’entre eux n’avaient pas vu, ou avaient mal vu, les réal­ités tech­niques et objec­tives de la tuerie, qu’ils les recon­stru­i­saient en fonc­tion de la demande publique et de la légende reçue, qu’ils habil­laient le réel des défro­ques de la fic­tion collective.

N’étant, pour notre part, ni ancien con­cen­tra­tionnaire ni ancien com­bat­tant, nous nous gar­dons bien d’intervenir dans le débat objec­tif – qui d’ailleurs paraît clos – et ce que nous chercherons dans « le Men­songe d’Ulysse » sera surtout la leçon morale et sociale que ce livre con­tient implicite­ment : l’homme n’est humain qu’en cer­taines con­di­tions min­i­mums de dis­tance et d’espace libre entre lui et son sem­blable, et, sauf excep­tions surhu­maines, notre espèce ne main­tient sa ressem­blance à elle-même qu’en cer­taines cir­con­stances cul­turelles de vie privée, de pudeur, de loisir, de tra­vail créa­teur, d’espérance et de lib­erté. Les civil­i­sa­tions sont frag­iles – et l’état de masse est le signe prin­ci­pal de leur déclin, de leur ago­nie, de leur dis­pari­tion. Préser­vons-les en nous et autour de nous !

[/A. P./]


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