Marcel Allemann : « les Prouesses extraordinaires du grand Zapata » (Gallimard)
« À huit cents mètres sous terre passe le chemin du mineur. »
Le grand Zapata n’est pas le caudillo mexicain que le public européen a pu connaître par un film. Son plafond n’est pas le ciel haut. Dans un monde de taupes, l’homme rampe parfois. Ni chevauchées ni sombreros. La Mine.
Zapata a disparu laissant en souvenir sa grande pelle, ses propos, une légende. S’il meurt d’un accident ou de la silicose, il a sa manière de revenir au monde sans ressusciter. Zapata est toujours Zapata. Il lutte pour le respect de la dignité des hommes de la mine. Il incarne un état d’esprit, une cause : celle des mineurs. Ce n’est pas qu’un homme, il est le mythe de l’élan collectif, quand les mineurs gardent l’esprit de combat.
Perceur de roc, attiré par la forme du travail la plus rude, le narrateur va cherchant le grand Zapata. La poursuite de son héros insaisissable sert de fil conducteur à la description de l’univers du sous-sol, des dures conditions de travail des mineurs. Quand leurs compagnons de travail sont des résignés, les meilleurs sont seuls, Zapata est comme absent ; demeure l’espoir de son retour, mêlé de doute. Usure, fatigue extrême, accidents plus nombreux, quand les mineurs se résignent à subir toutes les exigences, non simplement du métier, mais de la direction qui n’a souci que de leur rendement.
Zapata est « la brise de bonne amitié » ; un jour le dégel arrive.
Zapata harangue les mineurs : « Réclamons un barème qui soit fait pour des hommes et non pour des bêtes, des chefs qui soient des agents de maîtrise et non des suppôts de bagne. »
D’inspiration généreuse, un témoignage poignant habite ce roman fabuleux où les luttes des mineurs pendant les grèves, leur combat contre les miliciens de l’ordre établi, et les dirigeants de la société minière sont transposés avec humour. Zapata a le génie de la grande farce et s’exprime avec la verve de Rabelais. Du roman, un bon livre, c’est le témoignage que l’on retiendra.
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