G. M. Dutilleul, éditeur à Paris, et 6, rue de l’Escalier, à Bruxelles, ou chez l’auteur, 181, avenue Jupiter à Bruxelles.
Voici,
dans une édition magnifique bien que l’habit me paraisse un
peu somptueux pour une œuvre faite de beaucoup d’humilité,
voici un recueil choisi des poèmes d’Armand Bernier. On y
voit se faire, évoluer une poésie selon la nature, la
loi interne de son créateur, à l’écart, dans
l’indifférence des mouvements qui, de nos temps où
les artistes échappent le moins à la moutonnerie
générale, entraînent le gros du troupeau de
Panurge. Aussi le poète nous intéresse t’il,
comme peu d’autres, à l’homme qu’il est. D’abord, par
ce besoin d’effacement que décèle un art où
rien de voyant n’apparaît, où tout se fond en une
belle coulée, un art où il s’agit d’être et
non de briller. Ces sacrifices de bon ouvrier coulent de même
source que ce qui fait le poète se tenir humble, attentif,
écoutant devant la vie. Finalement, c’est par une semblable
approche pleine d’une amoureuse prévenance qu’il parvient
à surprendre les secrets du monde et ceux de la poésie.
Armand Bernier trouve son expression dans la ferveur et la grâce
de sa démarche même, dans son interrogation passionnée
de la vie. Un monde transparent, oui, un monde de lumière.
Grande originalité, aujourd’hui, que d’échapper au
règne du sombre et du confus. Ah ! l’agréable
compagnon qui nous ramène sous un ciel lumineux, tout rempli
de signes, et qui nous fait rêver d’un monde où rien
n’obéirait plus qu’au sentiment fraternel !
Armand
Bernier nous chante, en une sorte de lento grave, ailé, un
univers qu’il ranime, vivifie par la totale participation du cœur ;
un univers où il n’est chose d’un ordre si dédaigné,
et jusqu’au caillou même qu’il ne relève de sa
disgrâce. Cette intelligente musique du sentiment, c’est cela
le chant profond. Et je ne sais pas de poésie où le
conseil de Verlaine soit mieux observé : « Que
ton vers soit la chose envolée… »
Claude
Le Maguet