Ce
récit détaillé des journées de février
et de juin 1848 apporte aux curieux d’histoire quelques vues
nouvelles : l’auteur, considérant l’événement,
à l’encontre de ses prédécesseurs, comme autre
chose qu’un accident, s’attache à la recherche de ses
causes profondes. Pour ce faire, Emile Tersen établit tout
d’abord le bilan de la monarchie bourgeoise depuis les « Trois
Glorieuses » de 1830. Il constate que, si le programme politique
élaboré lors de l’accession de Louis-Philippe au
trône se réalise très rapidement, il n’en est
pas de même du programme économique, fortement compromis
par les crises de 1831, 1837, 1839, péniblement rétabli
grâce à des opérations plus ou moins rentables
comme la loi sur les fortifications de Paris de 1841 et celle sur les
chemins de fer de 1842 ; puis finalement, c’est la chute verticale
lors de la crise de 1846 – 47.
Il
est notoire que si, devançant l’invitation de Guizot, une
certaine partie de la France s’est enrichie au cours des dix-huit
années qui viennent de s’écouler, la majorité
du peuple français « s’ennuie », selon le mot de
Lamartine. Dès 1844, « l’ennui » des ouvriers
mineurs et charpentiers va se traduire par des mouvements de grève
et des émeutes sporadiques. En 1845 paraîtra le
« Manifeste communiste»… Et en janvier 1848,
Tocqueville, Joinville, Morny constateront que « les passions
des classes ouvrières, de politiques sont devenues sociales »,
que le monde du travail se plaint de « l’inéquitable
division des biens » et que « le communisme mine sourdement
la base des sociétés et des gouvernements ». Et le
15 février, l’ambassadeur de Prusse écrira à
son gouvernement : «…Tout ce qu’on peut dire, c’est que la
mécanique construite en 1830 n’a plus aucun principe de
vie. »
Les
22, 23 et 24 février seront les journées
révolutionnaires devenues inévitables.
Tout
ce qui s’ensuivit est de l’Histoire connue. De la proclamation de
la IIe République au coup d’Etat du 2 décembre, les
faits adopteront un déroulement presque identique à
celui des années 1830 – 1848 aussi bien politiquement
qu’économiquement : mais il suffira de quatre ans à
peine pour que la situation de la population française sombre
dans les contradictions des 18 années précédentes
et que la « question sociale » posée en 1848 demeure
toujours, en 1852, sans solution.
Plus
d’un siècle s’est écoulé depuis. Qui
prétendra qu’elle soit résolue ?
Robert
Proix