L’école du soir
Chez toi quelque réveil s’étonne
De tenir la main de l’automne,
Ayant pris les doigts du printemps ;
Toi qui suas tant de métiers
Sans ressaisir ta propre tâche
Et, si tardivement, t’attaches
A ne plus mourir tout entier,
Ecolier de ta propre loi,
Essaye un peu comme on sifflote
Le refrain ou la simple note
Qui n’est, peut-être, que de toi ?
Vois, le jour baisse : il faut s’asseoir
(Quand la vie est plus que les livres)
Pour rapprendre à créer et vivre,
Aux bancs de l’école du soir.
Captivités
Et franchi le seuil de l’arc-en-ciel
Avant de me prendre à ma prison
Ma prison de la cire et du miel ;
On ne sait qui vit — en cette étude
D’une liberté bien étrangère —
Ni qui meurt, aux mains de l’habitude
Dont la poigne est toujours plus légère.
Est-ce qu’il faudrait se refuser
A la privauté de cet accueil ?
Est-ce qu’il faudrait s’en amuser
Tout bas, avec un clignement d’œil ?
Oh, toi qui fais signe à la croisée,
Fille sans sagesse, ma sœur Âme,
Si donc la demeure est méprisée,
Quel est le départ qui te réclame ?
Promenons-nous
Le silence avec l’odeur
Le plâtras gris des murailles
Projetait quelque tiédeur.
Le soleil par la barrière
Clignotait pour le passant
Comme un film d’autre avant-guerre
Dans un cinéma d’enfant.
Pour Micheline et Suzanne
Un arbre au-dessus du mur
Beau comme un pin de Cézanne
Se dérobait dans l’azur.
Et sous la pancarte blanche
Disant Défense d’entrer
Mes regards ont rencontré
Le geste ami d’une branche.
La main d’un ami
à Claude Le Maguet
Que l’on n’attendait plus
Et cette paume ouverte
Mit une feuille verte
Aux hivers absolus.
Les pactes sont conclus.
De l’espace inutile
Dont on connaît les bords
On peut aller tranquille
Au devant du reptile
Etouffeur de nos sorts
Avec des pas plus forts.
C’est une main de frère :
La sève des humains
Y parle sans mystère.
Une feuille a su faire
De l’arbre du chemin
Tout un arbre de mains.
Attente
Se retourne en un lit crevé
Tu as perdu jusqu’à l’envie
De te lever.
Tu te rencognes vers le mur
Où l’humble crasse est la plus noire
Pour chercher un repos plus sûr
De ta mémoire.
Tu rumines sans t’en nourrir
Ces pâtures de ta cervelle
Dont chacune est au souvenir
Vieille et nouvelle.
L’ombre où ton âme est occupée
Couche près de toi sa rancœur.
Toi sur cette mauvaise épée
Presse ton cœur.
De conserver les yeux ouverts
Et l’esprit clos, c’est ton courage,
Qui pour l’automne et pour l’hiver
Est sans ouvrage.
Rien ne peut plus te secourir
Tu ne dis pas cherchant remède
A la terre : Que le ciel t’aide ! —
Tu n’as plus besoin de mourir.
André Prudhommeaux