Le sang des matins
Des crimes annoncés à la une en manchette
Et dont le pourpre était promesse aux tribunaux,
Je m’en revenais lourd du plomb de cent journaux,
Par le matin nocturne. Ah ! je revois encore
Les bœufs qu’on emmenait mourir avant l’aurore,
Etonnés des maisons, intrigués de leurs pas
Qui ne s’entendaient plus sur le pavé de bois.
En doute de leur sort, ils cheminaient sans plainte
Dans le noir de la ville, étrange labyrinthe,
Ces partants pour la mort avec le même ennui
Que si vers les labours on les avait conduits.
Mais la rue une rue enfin sans noctambules,
Sans chiens ni bruits rôdeurs, libre de véhicules,
N’était plus que la voie austère du malheur…
Toujours les condamnés sont rivés à mon cœur,
Et je songeais passant près du Père-Lachaise
Aux vaincus mis au Mur puis en tas dans la glaise…
C’était l’heure où Deibler, en habit des grands jours,
S’apprêtait à verser le rouge au vieux faubourg.
On n’en peut plus d’être homme… Ah ! que sait-on du monde ?
Allons plutôt dormir, plonger en eau profonde.
Chanson pour la pente
A grimper quand on a vingt ans !
De mon âge il faudrait qu’on m’ôte,
Aubépine de mon printemps.
Rien que pour le bruit d’une enclume,
Soit remonté tout le passé !
Petite zone sans bitume,
Voici le chemin rebroussé.
Robe de chambre et barbe blanche,
Le vieux sage je crois revoir,
Qui découpait en fraîches tranches
La bonne miche du savoir.
Toi qui chantais à rouge gorge,
Ô bergère anar du faubourg,
Des couplets passés à la forge,
Que dirais-tu de ce retour ?
Claude Le Maguet