La Presse Anarchiste

Dans notre courrier

L’a­bon­dance
des matières nous avait,dans notre numé­ro double sur le
ratio­na­lisme, mis dans l’o­bli­ga­tion de sup­pri­mer le Cour­rier des
lec­teurs. Le pré­sent numé­ro, trop copieux encore pour
un numé­ro, jus­ti­fiait la même mesure. Cepen­dant nous
tenions à gar­der ouverte cette tri­bune de dis­cus­sion entre
cama­rades. Le peu de pages que nous pou­vons consa­crer à cette
rubrique nous obli­geant à une « cen­sure » sévère,
nous a ame­nés, pour ce numé­ro-ci, à ne publier
que deux lettres — in exten­so — plu­tôt que de petits
frag­ments de plu­sieurs lettres.

En
effet, trop de lettres ne nous apportent que des louanges, ce qui
est, certes, un encou­ra­ge­ment non négli­geable, mais ne répond
pas exac­te­ment au but de cette rubrique qui est la libre
confron­ta­tion de points de vues révolutionnaires.

Lettre du camarade A.P. de Versaille

« Quelques
obser­va­tions sur « Natio­na­lisme ou Anar­chisme » (n°7 – 8
p, 119):

1)
Le droit des peuples à dis­po­ser d’eux-mêmes est une arme
à deux tran­chants : d’une part il peut être entendu
comme droit du Peuple à dis­po­ser des gens qui le
com­posent (the people), c’est-à-dire à s’ériger
en État natio­nal ; de l’autre côté il est le droit
des gens (the people ) à conser­ver leur personnalité
eth­nique contre toute volon­té exté­rieure de modifier
leurs mœurs. Il y a donc un aspect éta­tisme et un aspect
popu­lisme. De nos jours l’É­tat étant le grand facteur
d’é­vo­lu­tion, de déve­lop­pe­ment, de « progrès »
dans un sens oppo­sé au popu­lisme anar­chi­que­ment conservateur,
le natio­na­lisme est deve­nu le mou­ve­ment de tran­si­tion vers l’État
tota­li­taire-révo­lu­tion­naire, et a per­du toute signi­fi­ca­tion et
tout conte­nu anarchisant.

Consta­ta­tion
pra­tique : dis­pa­ri­tion des mou­ve­ments anar­chistes puis­sants contre
l’É­tat bour­geois dès que celui-ci a été
détruit.

2)
Le défai­tisme pra­ti­qué par Lénine en vue de la
prise du pou­voir et plus géné­ra­le­ment l’antimilitarisme
tac­tique des bol­che­viks, est un natio­na­lisme dia­lec­tique à la
Klau­se­witz, com­plè­te­ment oppo­sé à
l’in­ter­na­tio­na­lisme. Le trai­té de Brest-Litovsk (accou­ple­ment
hideux de Lénine et de Luden­dorf, a dit Rosa Luxembourg)
consis­tait à sor­tir à tout prix de la guerre par
égoïsme éta­tique et natio­nal et à la
pro­lon­ger de six mois pour les autres pays (130 divi­sions libérées
pour la der­nière offen­sive alle­mande). L’internationalisme
exi­geait une paix blanche, géné­rale et simultanée
par voie de fra­ter­ni­sa­tion. Lénine a tué le populisme
russe en cari­ca­tu­rant son pro­gramme agraire et anti­mi­li­ta­riste à
la faveur de l’im­pos­si­bi­li­té où se trou­vaient les
socia­listes-popu­listes à sor­tir de la guerre sans tra­hir les
pers­pec­tives de paix blanche, géné­rale et simultanée.

3)
La reven­di­ca­tion natio­na­liste ne peut mener à un tour­nant dans
notre sens que lors­qu’elle consti­tue une défense authentique
de valeurs eth­niques contre l’État
indus­tria­li­sa­teur-mono­po­liste, aus­si bien sous sa variante locale ou
régio­nale que sous sa variante natio­nale ou impériale.
Et par authen­tique, il faut entendre une défense fondée
sur l’in­dé­pen­dance pos­sible au point de vue sub­sis­tances et
culture.

Ain­si
la Hon­grie com­bat­tait en 1956 pour une indé­pen­dance économique
et cultu­relle pos­sible face à l’ab­sorp­tion dans l’orbite
sovié­tique : une Hon­grie neutre, essen­tiel­le­ment agri­cole, liée
à l’Au­triche neutre par des liens d’é­change et d’amitié
eut été viable sur le plan popu­liste, en cas de retrait
des troupes sovié­tiques. L’Al­gé­rie n’est pas viable en
cas de retrait des troupes fran­çaises : son agri­cul­ture est
rui­née par les abus de toutes sortes et elle a sept millions
d’ha­bi­tants de trop qui, si injuste que soit leur sort, n’en vivent
pas moins aux cro­chets de la métro­pole. Il n’y a pas de
digni­té pos­sible pour un peuple réduit par son
expan­sion démo­gra­phique à une sorte de mendicité
armée.

4)
Une reven­di­ca­tion à l’in­dé­pen­dance n’a un potentiel
anar­chiste éven­tuel que si elle exclut toute idée et
toute pra­tique de ségré­ga­tion, d’ex­pul­sion des
mino­ri­tés, d’u­ni­ta­risme doc­tri­nal, de monopolisation
poli­tique, (bref d’é­pu­ra­tion) et se borne à éliminer
les ins­ti­tu­tions arti­fi­cielles impo­sées par la barbarie
étran­gère (les trusts sovié­tiques, l’A­VO, la
bureau­cra­tie poli­tique com­mu­niste en Hon­grie). Cela sup­pose une
per­ma­nence des forces autoch­tones, l’in­té­gri­té des
puis­sances vitales d’une culture eth­nique prête à
s’é­pa­nouir au pre­mier signe de renou­veau. Aucun terrorisme
n’é­tait néces­saire pour déta­cher le Hon­grois de
l’oc­cu­pant et le for­cer à ral­lier l’in­sur­rec­tion. En Algérie,
et dans la métro­pole, les tueurs du F.L.N. usent de contrainte
et de ter­reur sur­tout envers leurs propres frères musulmans.
Ils véri­fient la consta­ta­tion anar­chiste selon laquelle le
pre­mier oppres­seur de l’in­di­vi­du, c’est tou­jours, à l’occasion
des luttes de pou­voir entre groupes rivaux, le groupe même dont
il fait partie.

Réponse

1)
Oui le natio­na­lisme, même dans sa pre­mière phase de
lutte contre l’oc­cu­pant, n’est pas anar­chi­sant, mais il recèle
quand-même une valeur de révolte qu’il faut tenter
d’ex­ploi­ter dans le sens d’ une révo­lu­tion sociale et
libertaire.

2)
Certes il convien­drait de réétu­dier les positions
anar­chistes russes de l’é­poque et com­pa­rer leur potentiel
révo­lu­tion­naire avec celles des bolcheviks.

3)
L’in­dus­tria­li­sa­tion n’est pas plus un fléau dont il faut se
pré­ser­ver qu’un embar­ras à lais­ser aux autres. Si les
peuples sont dif­fé­rem­ment favo­ri­sés par la géographie
ils doivent au moins tirer par­ti eux-mêmes de toutes leurs
res­sources indus­tria­li­sables pour évi­ter au maxi­mum la
dépen­dance éco­no­mique et la « mendicité ».
La Hon­grie avec son ura­nium et l’Al­gé­rie avec son
pétrole ont de quoi édi­fier leur indus­trie et traiter
d’é­gal à égal avec les autres pays. Quant à
l’ex­pan­sion démo­gra­phique, les peuples sous-développés
ne font que l’ac­com­plir aujourd’­hui, un siècle après
l’Eu­rope, pour les mêmes rai­sons et dans les mêmes
condi­tions. C’est un phé­no­mène his­to­rique général
et non la tare d’une cer­taine caté­go­rie de peuples. Le drame
est que les Euro­péens ont uti­li­sé leur expansion
démo­gra­phique pour s’ins­tal­ler dans le monde (Amé­rique,
Aus­tra­lie…) et pour inter­dire aujourd’­hui aux autres les régions
encore vides.

4)
La volon­té « d’u­ni­ta­risme doc­tri­nal et de monopolisation.
Poli­tique » est le trait com­mun de tous les mou­ve­ments de
résis­tance pas­sés et pré­sents visant au pouvoir,
et le « ter­ro­risme » est propre à toutes les
armées. Les Hon­grois ont igno­ré entre eux ces méthodes
dont souffrent les Algé­riens. Nous nous en félicitons
pour les Hon­grois et nous le déplo­rons pour les Algériens.
Mais nous ne pou­vons bor­ner notre appré­cia­tion de la lutte
algé­rienne à la cri­tique de ces méthodes. Car
nous sommes convain­cus pré­ci­sé­ment en Algé­rie de
la « per­ma­nence des forces autoch­tones et de l’intégrité
des puis­sances vitales d’une culture eth­nique prête à
s’é­pa­nouir au pre­mier signe de renou­veau. » Le terrorisme
de cer­tains Algé­riens n’ex­plique pas tout.

Lettre du camarade B.P. de Paris

L’é­tude de « N. & R. » sur le nationalisme
appelle d’a­bord des remarques méthodologiques :

1)
elle donne l’im­pres­sion que les conclu­sions ont été
posées a prio­ri et que le déve­lop­pe­ment a été
construit en fonc­tion de ces conclusions.

2)
Une volon­té d’an­ti­marxisme à tout prix domine tout le
texte.

3)
Confu­sion ter­mi­no­lo­gique. Exemple : l’im­pé­ria­lisme capitaliste
est confon­du avec le colo­nia­lisme et l’im­pé­ria­lisme de
l’empire romain sans que jamais le conte­nu de ce terme soit jamais
précisé.

4)
Erreurs mani­festes. Exemple : « Un peuple qui en opprime un autre
ne sau­rait être libre » est une for­mule de Saint-Just et
non de Marx.

Ce
ne sont là que des remarques géné­rales. Un
exa­men détaillé du texte appel­le­rait une réplique
aus­si longue que ce texte. C’est ain­si qu’ou­vrant la bro­chure au
hasard je tombe sur la phrase sui­vante : « L’É­tat engendre
néces­sai­re­ment le natio­na­lisme, le tota­li­ta­risme et la guerre
qui sont les meilleurs sou­tiens de sa puis­sance. » Tout est faux
dans cette phrase. Ce n’est pas l’«État qui engendre le
natio­na­lisme », mais la socié­té divi­sée en
classes qui engendre à la fois l’É­tat et le
natio­na­lisme, le tota­li­ta­risme (fas­ciste ou sta­li­nien) n’étant
que la forme la plus ache­vée de l’É­tat. Celui-ci
n’en­gendre pas non plus la guerre. C’est encore la société
de classes qui en est res­pon­sable, la guerre étant bien
anté­rieure à tout État. En effet, com­ment parler
dÉtat à pro­pos de tri­bus pri­mi­tives qui cependant
vivent en état de guerre permanente ?

Pas­sons
aux conclusions :

1)
Pas un ins­tant, au long de cette étude, n’est examinée
la cause de la pous­sée natio­na­liste dont le monde souffre
depuis 20 ans. À mon sens, elle pro­vient de l’é­chec des
ten­ta­tives révo­lu­tion­naires immé­dia­te­ment antérieures
à la seconde guerre mon­diale et en pre­mier lieu de
l’é­cra­se­ment de la révo­lu­tion espa­gnole. La perte de
toute pers­pec­tive révo­lu­tion­naire immé­diat, a eu pour
consé­quence une répres­sion géné­rale et
une confu­sion des esprits (entre­te­nue savam­ment par les staliniens).
En un mot un pro­ces­sus d’in­vo­lu­tion s’est déclenché
avec la deuxième guerre qui a ame­né une renais­sance du
natio­na­lisme, laquelle était impen­sable avec le triomphe de la
révo­lu­tion espagnole.

2)
Il est cer­tain que la classe ouvrière, internationalement
consi­dé­rée, subit le com­par­ti­men­tage qui lui est
impo­sé. Elle ne pour­rait échap­per que si elle avait
atteint un niveau de conscience de classe extrê­me­ment élevé,
mais alors elle serait en condi­tion de ren­ver­ser le capi­ta­lisme, ce
qui n’est pas encore le cas aujourd’­hui. Il ne s’en­suit cepen­dant pas
que la divi­sion en nations domine la divi­sion en classes. S’il parait
en être ain­si aujourd’­hui, c’est à cause du recul de la
révo­lu­tion sociale et du venin natio­na­liste injec­té à
la classe ouvrière par le stalinisme.

3)
Cette remarque est juste pour l’é­poque actuelle mais
pour elle seule­ment, pour les rai­sons déjà indiquées.

4)
Même réponse : cette pas­si­vi­té tient avant tout au
poids du sta­li­nisme sur la classe ouvrière et plus
géné­ra­le­ment à la pres­sion des appareils
poli­tiques et syndicaux.

5)
Entiè­re­ment faux. La cause essen­tielle de cet état de
choses réside dans le recul révo­lu­tion­naire engendré
par l’é­chec de la révo­lu­tion espa­gnole et la guerre
qu’il a permis.

6)
La mul­ti­pli­ca­tion des « États-nations » est un
phé­no­mène de dégé­né­res­cence du
sys­tème capi­ta­liste com­pa­rable — toutes pro­por­tions gar­dées — avec celui qu’on a pu consta­ter au début de l’ère
actuelle. Cela montre que le sys­tème capi­ta­liste est à
bout de souffle, qu’il com­mence déjà à pourrir
et si dans un petit nombre d’an­nées la classe ouvrière
n’en prend pas conscience et ne se lève pas pour la détruire,
alors oui, la déca­dence sociale devien­dra irréversible.
Le « choc en retour » évo­qué ici n’est qu’un
phé­no­mène secon­daire, la forme actuelle et la plus
visible de la déca­dence du sys­tème capitaliste.

7)
Si le phé­no­mène est « irréversible »,
il ne peut être « dépas­sé ». Il peut et
doit être dépas­sé par la révolution
sociale jus­te­ment parce qu’il n’est pas irréversible.

8)
Il est de fait que les mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion natio­nale ne
se pro­posent en aucune manière l’ins­tau­ra­tion d’une société
socia­liste ou liber­taire, du moins à leur étape
ini­tiale
. Leur inté­rêt pour la classe ouvrière
est qu’ils affai­blissent l’É­tat capi­ta­liste contre lequel se
dressent les peuples reven­di­quant leur libé­ra­tion. Le devoir
strict des révo­lu­tion­naires est de sou­te­nir ces
mou­ve­ments tout en les cri­ti­quant. C’est ain­si qu’ils seront
en mesure de faire péné­trer leurs idées chez le
peuple oppri­mé et de faci­li­ter l’ap­pro­fon­dis­se­ment de la lutte
assu­rant – en cas de cir­cons­tances inter­na­tio­nales favo­rables – la
trans­for­ma­tion de la révo­lu­tion natio­nale, son pas­sage à
la révo­lu­tion sociale. La fédé­ra­tion des peuples
repré­sente un stade supé­rieur de l’évolution
humaine, celui qui pré­cède immé­dia­te­ment la
sup­pres­sion des gou­ver­ne­ments ou le pas­sage du « gouvernement
des hommes à l’ad­mi­nis­tra­tion des biens. » La
« redis­tri­bu­tion géo­gra­phique, éga­li­taire, des
acti­vi­tés humaines » me paraît rele­ver de
l’u­to­pie. Com­ment en effet créer une indus­trie métallurgique
là où, par exemple, n’existe pas de mine­rai de fer ?

9)
Simple banalité.

10)
Autre banalité.

11)
D’accord.

12)
Il est néces­saire au contraire d’ap­por­ter aux peuples soulevés
contre leurs oppres­seurs le sou­tien la plus entier des
révo­lu­tion­naires, ce qui n’ex­clut nul­le­ment la cri­tique, tout
au contraire, mais sans ce sou­tien com­ment peut-on cri­ti­quer et
com­ment seraient accueillies les cri­tiques jus­ti­fiées que ces
mou­ve­ments appellent ?

Il
est faux de rendre l’É­tat res­pon­sable de « l’exploitation,
l’in­jus­tice, la misère » etc., puisque cet État
n’est que le pro­duit de la socié­té de classes. C’est à
la socié­té de classes qu’il faut s’en prendre, la
détruire et créer les bases d’une société
nou­velle condui­sant à la dis­pa­ri­tion des classes et de l’État

B
.P.

Réponse :

Remarques métho­do­lo­giques.

1)
L’ étude faite d’un point de vue anar­chiste devait être
menée selon une cri­tique anarchiste.

2)
Qui dit anar­chiste dit non-mar­xiste. Si notre ana­lyse sociale peut
être proche du mar­xisme, notre appré­cia­tion de l’État
est radi­ca­le­ment opposée.

3)
Notre étude por­tant sur le natio­na­lisme ne touchait
l’im­pé­ria­lisme que par contre coup. Nous n’a­vons pas eu à
défi­nir l’im­pé­ria­lisme, et à nous pen­cher sur
Hob­son, Hil­fer­ding, Lénine ou Rosa Luxem­bourg. Nous ne
par­ta­geons pas pour autant l’hor­reur de nom­breux mar­xistes pour toute
com­pa­rai­son. entre les phé­no­mènes de l’époque
capi­ta­liste et ceux des époques anté­rieures. D’ailleurs
le rap­pro­che­ment entre la fin de l’Em­pire romain et celle de
l’im­pé­ria­lisme moderne ne s’im­pose-t-il pas de lui-même
à notre cor­res­pon­dant. au sujet de nos conclu­sions ? (6)

4)
Soyons justes pour Saint-Just. Qui nous don­ne­ra la référence
pré­cise de cette phrase si actuelle ?

Oui
la guerre est anté­rieure à l’É­tat et les
socio­logues ont ample­ment mon­tré quel rôle elle joue
dans le sens de la cohé­sion sociale et psy­cho­lo­gique , depuis
les groupes humains les plus pri­mi­tifs. Mais le natio­na­lisme est né
avec l’É­tat-nation. L’É­tat natio­nal a besoin de la
guerre et de sa pré­pa­ra­tion per­ma­nente. L’É­tat moderne
n’est plus un simple outil annexe d’une classe domi­nant par la
pro­prié­té éco­no­mique. C’est le pre­mier des
moyens de pro­duc­tion, de pla­ni­fi­ca­tion, d’ex­ploi­ta­tion. Cet État
consti­tue l’arme suf­fi­sante du pou­voir et de l’op­pres­sion d’une
classe nou­velle. L’É­tat n’est plus par­tout une dépendance
du Capi­tal, mais c’est de plus en plus le capi­tal qui dépend
de l’État.

Conclu­sions

1)
L’é­chec de la révo­lu­tion espa­gnole ne suf­fit pas à
tout expli­quer. Et encore res­te­rait-il à expli­quer cet échec.

2)
Le sta­li­nisme n’est pas non plus suf­fi­sant pour expli­quer com­ment le
natio­na­lisme « injec­té » à la classe ouvrière
à pu si bien prendre.

3)
Ce qui est évident aujourd’­hui pou­vait être pressenti
hier si l’on ne s’é­tait pas conten­té de déclamation
spectaculaire.

4)
Que l’a­pa­thie sénile des peuples soit due à la pression
des appa­reils témoigne de l’emprise consi­dé­rable sur
ceux-ci et, en par­ti­cu­lier de l’État.

5)
La révo­lu­tion espa­gnole pou­vait-elle donc, à elle
seule, tenir en échec la mon­tée de tous les
nationalismes ?

6)
La période actuelle est celle du pas­sage du capitalisme
impé­ria­liste des grands mono­poles inter­na­tio­naux à
celle du capi­ta­lisme d’É­tat natio­nal. Ce pour­ris­se­ment est
gros de situa­tions révo­lu­tion­naires plus que de décadence
sociale.

7)
Met­tons que ce phé­no­mène de frag­men­ta­tion est
heu­reu­se­ment irré­ver­sible dans le cadre du régime
capi­ta­liste et qu’il ne sera dépas­sé par l’instauration
de l’u­ni­té que dans un régime libertaire.

8)
D’ac­cord pour un sou­tien cri­tique aux mou­ve­ments de libération
natio­nale – et tout faire pour inflé­chir la libération
natio­nale vers, la révo­lu­tion sociale.

La
redis­tri­bu­tion géo­gra­phique éga­li­taire des activités.
humaines signi­fie que :

a)
Toutes les richesses natu­relles doivent ser­vir a la création.
sur place de bases indus­trielles. Alors que jus­qu’à présent
toute la mise en valeur du globe ne s’est faite qu’en fonc­tion des
besoins de quelques nations de l’At­lan­tique Nord. Le reste du monde
étant une simple réserve de matières premières.

b)
avec l’u­ti­li­sa­tion de l’éner­gie nucléaire, la
loca­li­sa­tion des indus­tries ne sera pas limi­tée comme par le
pas­sé à la proxi­mi­té des sources anciennes
d’énergie.

c)
Cette redis­tri­bu­tion ration­nelle enri­chis­sante pour tous les peuples
ne se fera pas sans bri­ser l’op­po­si­tion des impé­ria­lismes qui
veulent se réser­ver le béné­fice des
trans­for­ma­tions essen­tielles (Trust Anglo-Saxon des pétroles
des pays capi­ta­listes, Mono­pole par l’U.R.S.S. de l’U­ra­nium des
satellites).

La
ques­tion de la mise en valeur par les petits pays de leurs propres
res­sources est déjà au cœur des révolutions
algé­rienne et hongroise.

9),
10) et 11) D’ac­cord donc.

12)
Oui nous ne pou­vons effi­ca­ce­ment cri­ti­quer les peuples soulevés
que dans la mesure où nous les sou­te­nons sincèrement.
C’est ain­si que nous pou­vons les ame­ner à une attitude
libertaire.

Néan­moins, nous ne devons pas nous cacher que dans de nombreux
pays libé­rés les dif­fé­rences de classes sociales
sont sou­vent non pas un legs du pas­sé (car la société
tra­di­tion­nelle était éga­li­taire, sinon communautaire,
et la colo­ni­sa­tion n’a fait que lami­ner les élites ou n’a
sus­ci­té que des cadres com­plè­te­ment pour­ris de
béni-oui-oui) mais une créa­tion rapide de l’État
indé­pen­dant. Sitôt fait table rase de la domination
impé­ria­liste, appa­raissent bureau­cra­tie, armée, police
indi­gène. Sor­ties d’un peuple non hiérarchisé,
elles se ren­forcent dans leurs pri­vi­lèges et forment la base
d’une nou­velle socié­té de classes, d’une nouvelle
exploi­ta­tion d’État.

La Presse Anarchiste