Une
nouvelle vague d’arrestations
Le
secrétariat international du Congrès pour la Liberté
de la Culture, Paris, vient d’émettre un communiqué
intitulé « Nombreuses arrestations d’intellectuels en
Espagne », et nous nous faisons un devoir d’en reproduire à
notre tour l’essentiel, non sans nous permettre de remarquer
d’ailleurs que, comme le montre la liste des détenus
adjointe au dit communiqué, cette recrudescence policière
du totalitarisme espagnol est loin de s’en prendre aux seuls
intellectuels, mais ne frappe pas moins les ouvriers. Raison de plus
pour la présente publication :
Les
organisations internationales les plus importantes et les plus en
renom, telles que la Ligue des Droits de l’Homme, l’Union des
Ecrivains pour la Vérité, le Congrès pour la
Liberté de la Culture (Paris), la Commission Internationale
des Juristes (La Haye), le Comité Science et Liberté
(Londres), l’Internationale Socialiste et la Confédération
Internationale des Organisations Syndicales Libres, ont exprimé
l’émotion que leur ont causée les nombreuses
arrestations d’intellectuels, savants, avocats et ouvriers à
Madrid, Barcelone, Valence, Saint-Sébastien, Séville,
Grenade, Bilbao, Saragosse, Vitoria et dans les Asturies.
On
sait déjà que le nombre des détenus dépasse
la cinquantaine… Plus de vingt personnes ont été
arrêtées à Barcelone… Nous pouvons affirmer que
les personnes arrêtées à Saint-Sébastien
ont été victimes de sévices de la part de la
police. Les détenus de Madrid n’ont pas été
malmenés physiquement, mais on leur a infligé des
interrogatoires de soixante-deux heures consécutives. Les
personnes arrêtées dans d’autres villes — à
l’exception de Barcelone — ont été transférées
à Madrid et mises à la disposition du colonel Eymar,
Juge spécial pour les affaires ayant trait à la
Franc-Maçonnerie, au Communisme et Similaires (cette dernière
dénomination s’applique aux socialistes, syndicalistes,
républicains, démocrates, libéraux, et
nationalistes catalans, basques et galiciens)…
Parmi
les personnes arrêtées, aucun communiste ne figure. Pour
la première fois, peut-être, le Gouvernement de Madrid
n’a pas osé les accuser d’être communistes ou
d’avoir des contacts avec des éléments communistes.
Il les accuse d’avoir voulu organiser clandestinement le Parti
Socialiste et l’Union Générale des Travailleurs,
ainsi que d’avoir noué des relations avec toutes les autres
tendances non communistes de l’opposition. Les gouvernants
espagnols semblent avoir pris toutes mesures pour que la nouvelle de
ces arrestations ne se répande pas dans l’opinion nationale
et internationale. Cependant, elles ont suscité une vive
émotion dans les villes où elles ont été
effectuées et la presse mondiale a commencé à
s’en faire l’écho.
Quel
sort attend les personnes emprisonnées ? Leur procès
sera-t-il instruit par le colonel Eymar, que l’envoyé
spécial d’« Observer », de Londres, accuse
d’être l’« Himmler » espagnol et qui relève
directement du Caudillo ? Les organisations internationales citées
plus haut se proposent de suivre l’affaire de près. De son
côté, la Commission Internationale des Juristes a décidé
d’ouvrir une enquête, obéissant « aux principes
de justice et d’équité qui constituent la base de
l’Etat de droit », et s’est adressée au Gouvernement
espagnol pour lui offrir la possibilité de s’expliquer sur
ces faits.
(27
novembre 1958)
Pour
les réfugiés espagnols
La
place, malheureusement, ne nous permet pas d’insérer ici le
rapport, si simple et si émouvant, de Mme Jeanne-Marie
Perrenoud, secrétaire de l’ARE (Aide aux réfugiés
espagnols), et qui expose La Situation des réfugiés
en France et le travail de la « Spanish Refugee Aid »
(Choses vues et renseignements recueillis à
Perpignan, Toulouse et Montauban, du 6 au 9 août 1958).
Bornons-nous donc à reproduire au moins l’appel de notre ami
Albert Camus, dont le Comité suisse d’Aide aux réfugiés
espagnols a joint le texte au dit rapport.
Appel
Nous
avons formé, avec quelques amis d’Amérique et
d’Europe, un comité de secours aux réfugiés
espagnols. Je vous écris pour vous demander simplement de nous
aider. Pour nous tous, la guerre d’Espagne est terminée.
Pour beaucoup d’hommes dans le monde, elle continue à
travers malheurs et privations. Ils supportent la pauvreté et
la maladie avec fierté. Mais nous devons pourtant les soulager
si nous le pouvons. Notre aide leur assure des soins médicaux,
les instruments de leur travail, la promesse d’une vie plus digne.
Ce que vous ferez pour eux se traduira immédiatement dans leur
vie de tous les jours. Faites-le, je vous en prie. Et d’avance je
vous remercie de tout cœur.
Albert
Camus
Pour
répondre à cet appel :
— Versez
vos dons au compte de chèques postaux I 56. 72, Aide aux
réfugiés espagnols, Genève.
— Envoyez
des vêtements propres et en bon état, des couvertures,
des draps, à l’Aide aux réfugiés espagnols, 4,
rue Argand, Genève. A la veille de l’hiver, on a un urgent
besoin de vêtements et de sous-vêtements chauds.
Le
comité suisse d’Aide aux réfugiés espagnols
(Pour
la France : Mme Suzanne Chatelet, 12, avenue de Gaulle, Perpignan,
P.-0.)