La Presse Anarchiste

Hiver

Blancheur à n’en plus finir. Présence de l’absence.
Le mirage est dans tes yeux clos, l’immobilité dans la danse
Des flo­cons un à un qui refer­ment le piège
De ce bon­heur au-dessus du monde et dans le monde. Il neige.
Blancheur du ciel oblitéré, de ces draps où tu lis dans la blanche ubiq­ui­té du jour.
Blancheur présente absente, vir­ginité de cette mort de tout, amour
Sans objet que lui-même et qui est en même temps l’immensité de l’univers.
Blancheur de cet instant d’éternité. Il neige. C’est l’hiver.

L’hiver.
Sai­son de la grande blancheur noire,
Ô blanc linceul des ténèbres où s’est décom­posé l’espoir.
Sai­son du monde d’aujourd’hui.
Morte est l’attente. Long déni
Du funèbre et frileux solstice.
Le mon­stre a dévoré la nais­sante justice.
En Eurasie comme en Afrique, partout les camps, partout au chantier comme dans le baroud, odieux tout ensem­ble et touchant et ridicule,
Sur l’homme le héros inutile pullule.
Le héros, — oui le surhomme enne­mi de l’homme et gel du cœur.
Et pour­tant, au-dessus de la morne fureur —
La lib­erté ne guide plus nos pas —
Notre grand frère de là-bas,
L’ami libre d’au-delà des Alpes, le haut témoin des cafo­nis — mais s’il se tendait encore à lui-même comme un piège ? —
Proclame : le grain sous la neige
Un jour mal­gré tout germera.

Un jour… Hiv­er du monde, ah ! que nous avons froid.


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