Psaume de Montréal
Relégué en un grenier de Montréal,
Le Discobole debout tourne sa face au mur.
Poussiéreuse, couverte de toiles d’araignées, mutilée, réduite à néant,
La Beauté crie et nul ne regarde.
O Dieu ! O Montréal !
Beau le jour comme la nuit, beau en été comme en hiver,
Intact ou mutilé toujours aussi beau,
Il prêche l’évangile de grâce à des peaux de hiboux
Et à un empailleur de hiboux canadiens.
O Dieu ! O Montréal !
Quand je le vis, indigné, je m’écriai : « O Discobole,
Beau Discobole, prince et parmi les dieux et parmi les hommes,
Comment échouas-tu ici et qu’y fais-tu, Discobole,
Prêchant vainement l’évangile aux peaux de hiboux ? »
O Dieu ! O Montréal !
Puis je me tournai vers l’homme aux peaux et l’interpellai : « O homme aux peaux,
Pourquoi agis-tu de la sorte, humiliant la beauté du Discobole ? »
Mais le Seigneur avait endurci le cœur de l’homme aux peaux
Et il me répondit : « Mon beau-frère est le mercier de M. Spurgeon. »
O Dieu ! O Montréal !
Alors je lui dis : « O beau-frère du mercier de M. Spurgeon,
Qui empailles les peaux des hiboux canadiens,
Tu appelles les pantalons caleçons alors que je les nomme pantalons.
Tu vis donc dans les tourments de l’Enfer ? Que le Seigneur ait pitié de toi ! »
O Dieu ! O Montréal !
« Préfères-tu l’évangile de Montréal à l’évangile d’Hellas,
L’évangile de ta parenté avec la mercerie de M. Spurgeon à l’évangile du Discobole ? »
Mais il n’en blasphéma pas moins en répondant dignement :
« Le Discobole n’a pas d’évangile,
Mais mon beau-frère est le mercier de M. Spurgeon. »
O Dieu ! O Montréal !
Samuel Butler (Traduction, Manuel Devaldès)