Cela
pourrait s’appeler une nouvelle, si du moins on appelle Nadja un
roman. En réalité, peut-être le plus beau poème
moderne qu’il m’ait été donné de lire. Même
la fréquence, dans cette prose, de l’alexandrin ne gêne
pas. « Nous avons trop chanté, mirlotonneurs pédants,
les astres et les roses. »
« Midi
de l’objet : la poésie est donnée. »
D’y
être indéfectiblement attentive, la compagne de celui
qui raconte a été emmenée par des gardiens de
l’ordre mental.
Mais
que pouvait donc être ce soleil d’Amsterdam dont elle parlait
sans cesse, « un soleil pour aller très loin » ?
Celui
qui est resté seul le retrouve là-bas, sur le port :
d’un bateau en cale sèche, bien visible, l’hélice,
« ce vrai soleil pratique visiteur d’océans ».
Ah,
si la poésie, au contraire de ce que l’on croit trop souvent
devoir penser, est, comme l’attention de la femme du récit,
constat total et presque mortel, d’elle aussi nous dirons, tout
comme le récitant de celle qui sut voir : « Pourvu qu’elle
ne nous revienne pas guérie ».