La Presse Anarchiste

La poésie

 

Je
me demande par­fois si Sam­son, tel que je le connais, se sent tout à
fait à l’aise de figu­rer désor­mais par­mi « les
poètes de la Tour » — désor­mais, c’est-à-dire
depuis que « la Tour de Feu » a consa­cré son n°71 (sep­tembre 1961) à ras­sem­bler un flo­ri­lège de son
œuvre poé­tique. Sans doute son ami­tié pour les Boujut
 — Pierre et Michel — y trouve-t-elle son compte ; mais moins,
pro­ba­ble­ment, son esprit, peu enclin, j’imagine, à suivre
les entraî­ne­ments, assez sou­vent gra­tuits, du groupe de Jarnac.
Mais, comme je le lui disais récem­ment : « Ne chipotons
pas ; l’essentiel c’est que ce flo­ri­lège existe, qui permet
de prendre une vue d’ensemble de ce que tu as fait. » « Je
ne chi­pote pas, m’a‑t-il répon­du, et je suis même
infi­ni­ment tou­ché de la géné­reuse ini­tia­tive qui
a por­té Pierre Bou­jut à com­po­ser ce volume. Seulement,
pour­quoi dans sa pré­face se laisse- t‑il aller à me
pré­sen­ter comme une espèce de saint ? Tu ne trouves pas
que c’est gênant ? » Là, je suis bien de l’avis
de l’intéressé. Et cepen­dant, c’est aus­si dans
cette même pré­face que l’on peut lire l’exposé
très simple, très objec­tif du che­min par­cou­ru par
Sam­son en poé­sie — expo­sé si objec­tif, si simple que
la meilleure façon de pré­sen­ter l’anthologie en cause
est, pen­sé-je, tout bonne­ment de le citer ici : 

« En
1922, Mau­rice Wul­lens publiait dans « Les Humbles»… (le)
pre­mier recueil poé­tique (de Jean Paul Sam­son), Images
lyriques,
où s’annonce, à côté des
der­niers échos du sym­bo­lisme, une ins­pi­ra­tion plus simple
appa­ren­tée à l’école de l’Abbaye. Emploi
du temps
(Au Sans Pareil, 1927) marque, dans la recherche de
l’authentique, une sorte d’hésitation, mais qui ne devait
plus lais­ser… (de) trace dans les grands poèmes en versets
de Délire pour délire (Les Humbles, 1937). C’est
à Genève, aux édi­tions « Présence »,
que parut en 1939 L’autre côté du jour (sous ce
même titre, des frag­ments en avaient été publiés
aux édi­tions « Sagesse », Paris, 1938) dont le
sur­réa­lisme latent annonce, en dépit d’une rigueur
for­melle peut-être exces­sive, les poèmes de plus large
fac­ture de Mémo­rables (La Bacon­nière, Neuchâtel,
1948), cepen­dant qu’indépendamment de « chansons »
fort consciem­ment apol­li­na­riennes, les pièces volontairement
strictes de ce même recueil pré­fi­gurent l’apparition
d’une poé­tique plus éli­mi­na­trice, plus en sourdine
(en ce qu’elle a de plus fluide par­fois secrètement
accor­dée à celle, aujourd’hui trop peu connue, de
Cécile Sau­vage), plus clas­sique, pour­rait-on dire, qui devait
atteindre à une sorte de per­fec­tion dans Les Jeux et les
Larmes
(L’Artisan, 1956) et le Petit calen­drier pour
ce temps-ci
com­po­sé après 1957. Mais le dernier
ouvrage de Sam­son, Des Sai­sons et des Hommes (Témoins,
1960) démontre, entre autres par un retour au grand verset
rimé, que son auteur n’a pas rom­pu avec la poé­sie des
grands ensembles, évo­ca­trice non seule­ment de la per­sonne dans
le monde, mais encore des pro­blèmes dou­lou­reu­se­ment vécus
de notre époque trop riche en tragédies.

A.
B.

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