Le
4 juillet 1900 dans James Alley à La Nouvelle-Orléans,
naissait Louis Armstrong. « Fils d’Agamemnon… aux lèvres
épaisses et aimantes » (Henry Miller), ange noir gonflé
de la splendeur whitmanienne du monde. Il lui suffit d’emboucher sa
trompette pour que tout devienne fraternel, simple comme bonjour ou
comme le sang battant dans les veines ; immuable comme l’alternance
des saisons, de l’ombre et de la lumière. Armstrong joue,
faisant feu de tout bois, mettant le feu aux poudres, et l’on ne
distingue plus sa trompette de son cœur.
Aujourd’hui
ses amis présents ou lointains célèbrent —
racine de lumière au cœur de la nuit — le 62e anniversaire
de Satchmo, bouche d’or de la mélodie, cascadeur triomphant.
Le
4 juillet 1900 — le même 4 juillet — entre la Bastille et
la rue Saint-Martin, naissait Robert Desnos, poète de la vie
immédiate, de la disponibilité fraternelle et
optimiste, de l’amour et de la révolte, dont la solitude
même était « bourdonnante du monde entier ».
Desnos, l’Homme Desnos qui, lui aussi, n’aurait pas manqué
de réunir ses amis autour d’une table généreuse,
de déboucher les bouteilles et de remplir les verres.
Mais
c’eût été compter sans la fureur nazie : le 5
juin 1945, au milieu des centaines de cadavres du camp de Terezin, un
étudiant tchèque le découvrait agonisant.
— Le
poète français c’est moi… ce fut la dernière
joie du Veilleur du Pont-au-Change. Ne plus être seul,
parler de tout, de Paris, de la vie, de la liberté, de la
poésie. En venir à l’essentiel…
Le
8, à cinq heures du matin, un poème en poche, il
échouait sur une grève inconnue.
« Que
ma voix vous parvienne donc
chaude
et joyeuse et résolue
sans
crainte et sans remords…»
Robert
Desnos et Louis Armstrong, crieurs publics de la joie et des peines
humaines, grands vivants et parlant haut, demeurent bien plus
irrémédiablement et inextricablement liés en
notre cœur que par une banale simultanéité natale.
C’est ensemble qu’ils traversent nos songes de fulgurances
inégalées, ensemble qu’ils nous convient à
l’état de grâce — ivresse perpétuelle.
« Nous
ne voulons pas la lune
nous
ne craignons pas la mort. »
Michel
Boujut