La Presse Anarchiste

Lectures

 

La
bande publi­ci­taire de ce livre porte l’indication : « Une
expé­rience néces­saire ». Mais ni le titre ni la
bande ne font com­prendre au lec­teur de quoi il s’agit réellement.
Et c’est regret­table, car cet ouvrage, qui méri­te­rait une
large audience, risque de n’être connu que d’un très
petit nombre.

L’expérience,
donc, est celle d’un prêtre-ouvrier. Elle illustre d’une
manière convain­cante, encore qu’avec pudeur et discrétion,
l’énorme bévue de l’Église catholique
lorsqu’elle pré­ten­dit évan­gé­li­ser les
« déchris­tia­ni­sés » sur les lieux de leur
tra­vail. Létur­my, comme la plu­part de ses confrères
mis­sion­naires, pla­cé en prise directe avec la misère
pro­lé­ta­rienne, com­prit très vite que si une Eglise
avait plus de chances que la sienne de séduire les masses
exploi­tées, c’était bien celle du com­mu­nisme. Et il
s’aperçut du fos­sé qui sépa­rait alors les
états-majors vati­ca­nesques de ceux dont le Christ a dit,
parait-il : « Heu­reux les simples en esprit…» Les simples
en ques­tion se montrent natu­rel­le­ment plus sen­sibles au chant des
sirènes mos­co­vites qu’à ceux de la liturgie
catho­lique. De là à sus­pec­ter Létur­my… de se
lais­ser influen­cer par le com­mu­nisme il n’y avait qu’un pas : le
supé­rieur de la com­mu­nau­té et les pères de son
entou­rage ne devaient pas tar­der à le fran­chir. Et Michel
Létur­my fut dès lors en butte aux insinuations
mal­veillantes de ses proches, à leur cau­te­leuse hostilité,
jusqu’au jour où il dut accep­ter de s’exiler sous les
tro­piques où l’attendaient maintes mésa­ven­tures. Il
nous les décrit en touches légères, souvent
sub­tiles, et sa langue est bien près de celle de nos meilleurs
sty­listes. Son ouvrage est à lire et à méditer.

Robert
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