Le but général
du « Mouvement du travailleur catholique » est de réaliser
dans l’individu et dans la société l’enseignement
du Christ. En premier lieu, il faut procéder à
l’analyse de la société où nous vivons et voir
si, oui ou non, nous avons établi un ordre correspondant aux
exigences de charité et de justice de Jésus. Or, cette
société, capitaliste et bourgeoise, n’est ni juste ni
charitable. En effet :
L’ÉCONOMIE
est dirigée par la profit, et la production crée les
besoins. Un ordre meilleur pourvoirait aux besoins de tous, et seuls
les besoins réels détermineraient la production.
Aujourd’hui, une classe non productive vit du travail d’une
autre, et le travailleur perd le profit de son labeur.
HUMAINEMENT la société
capitaliste refuse de prendre l’homme en considération
autrement que comme facteur économique. Il est l’instrument
du profit, d’où l’esclavage de son travail. Dans une
société meilleure, il faudra trouver un travail en
accord avec les valeurs humaines.
MORALEMENT,
notre société est condamnable, car elle crée un
conflit de classes insoluble ; l’employeur cherche a obtenir
un travail aussi bon marché que possible alors que l’ouvrier
veut le vendre aussi cher que possible. Ce conflit ne disparaîtra
qu’avec la fin du salariat. Pour réaliser cette société
meilleure, le mouvement du « Catholic Worker » recommande :
— Un
refus total de l’ordre social actuel et une révolution non
violente pour établir un ordre en accord avec les valeurs
chrétiennes. Cela ne peut être acquis que par l’action
directe, car les moyens politiques ont fait faillite. « Nous
recommandons une prise de responsabilité personnelle par
laquelle nous nous chargeons nous-mêmes de transformer nos
conditions de vie dans la mesure où nous sommes capables de le
faire. » En ouvrant leurs « maisons hospitalières »,
les « CW » prennent soin de ceux qui sont dans le besoin au
lieu de les placer dans des institutions d’Etat ; non pour remédier
aux faiblesses du système, mais parce que la responsabilité
doit toujours être partagée et que l’appel à
l’aide venant d’un frère humain transcende toute
considération économique.
— Le
refus du système capitaliste en favorisant une économie
distributive où les uns travaillent aux champs parce qu’ils
en ont la vocation et les autres dans la cité. Ainsi, on peut
se passer de l’Etat grâce à une économie
décentralisée de caractère fédéraliste,
telle qu’on la trouvait durant certaines périodes précédant
l’établissement des Etats.
— La reprise par les
travailleurs des moyens de production et de distribution, mais non la
nationalisation de ces moyens. Ceci sera l’œuvre de coopératives
décentralisées, et réalisées grâce
à la disparition du patronat. C’est la révolution par
le bas, et non par le haut comme dans les révolutions
politiques. La propriété deviendra propriété
de tous et un pas sera fait vers le communisme en accord avec les
leçons du Christ : détachement des biens matériels,
donc propriété en commun.
— La
fraternité et l’égalité de tous les hommes
entre eux, qui ont le même père, Dieu. Le racisme est un
blasphème dans toutes ses formes, car Dieu a créé
l’homme à son image et il offre la rédemption à
tous. L’homme vient à Dieu librement, ou bien il n’y vient
pas, ce n’est l’affaire de personne ni d’aucune institution que
d’imposer la foi à qui que ce soit. Toute persécution
envers un peuple est un péché et un crime contre la
liberté.
— La
révolution, en nous-mêmes aussi bien que dans la
société, mais la révolution pacifique. Sinon, la
violence usant de moyens mauvais, le but, atteint sera mauvais, et
mènera à une nouvelle tyrannie. Le Christ a
certainement enseigné la non-violence. Aussi, pour lutter
contre l’Etat et ses injustices, il faut utiliser des armes
spirituelles et la non-coopération. Les méthodes
recommandées dans ce but sont : refus de payer
les impôts, de participer à la défense civile, de
se présenter au service militaire, les grèves non
violentes, le refus de collaborer avec le système.
* *
Le mouvement « CW »
ne veut pas être jugé à ses succès. La
faillite semble souvent le menacer ; mais les valeurs demeurent, qui
résistent au temps et qui exigent de chacun un effort
personnel. Les anarchistes catholiques veulent rester fidèles
à ces valeurs, non pour le succès qu’elles apportent
(bien qu’ils souhaitent les voir un jour victorieuses) mais parce
qu’elles sont seules vraies.
Un
journal mensuel, « The Catholic Worker » (36
East First St, New-York, NY 10 003. Prix
de l’abonnement pour l’étranger : 30 cents par an) est le
porte-parole du mouvement. C’est Dorothy Day qui l’a
fondé (avec Peter Maurin d’origine française
et aujourd’hui décédé).
Les
CW ont ouvert, au cours des ans une trentaine de
« maisons d’accueil. » où ils hébergent et
nourrissent un nombre incroyable de miséreux. D’autres ont
fondé des petites communautés où le travail de
la terre alterne avec des conférences, des retraites, des
prières.
Tous
les responsables ont fait de la prison : pour manifestations
pacifistes, antiracistes, contre la peine de mort, pour les droits
civiques, etc. Ammon Hennacy, qui vient de décéder, et
qui fut pendant quelques années un collaborateur assidu de
Dorothy Day, a consigné dans un livre de
souvenirs [[« The Book of Ammon »,
the Catholic Worker, NY, plusieurs éditions successives.]]
un grand nombre de ces événements.
Comme il a parcouru les
Etats-Unis en tous sens pour faire des conférences et des
adeptes, il a aussi pu visiter de nombreuses communautés
pacifistes américaines dont on trouvera de brèves
descriptions dans le même ouvrage : Doukhobors, Mormons,
Témoins de Jéhovah, Molokans, Single Tax, Bruderhof,
Huttérites, etc.
Il est difficile
d’évaluer le nombre des adhérents au mouvement des
Travailleurs catholiques américains ; mais on sait qu’ils
viennent de tous les milieux et de toutes les classes sociales, et
l’on compte aussi, parmi eux, des prêtres et des religieuses,
qui se disent anarchistes.
Marie-Chr. Mikhailov