La Presse Anarchiste

Introduction à l’autogestion

 

C’est par la production,
par la pro­duc­tion d’objets, que l’homme s’exprime
essen­tiel­le­ment, par le tra­vail. L’homme est un créateur,
mais l’objet pro­duit lui échappe : il en est dépossédé
par de mul­tiples formes d’exploitation. Ce qui devait être la
joie de créer devient la souf­france du tra­vail. Le travail
n’est plus alors que la néces­si­té de survivre.

Pour se réapproprier
les objets qu’il pro­duit, pour déci­der lui-même des
objets qu’il pro­dui­ra, pour orga­ni­ser direc­te­ment son tra­vail et sa
vie, l’homme, au cours des temps, a sans cesse fait preuve
d’imagination créa­trice. Sans cesse, il a ten­du vers la
socié­té idéale qui le libé­re­rait, lui
per­met­trait le bien-être, pour créer et créer
encore…

Actuel­le­ment, cet effort
des pro­duc­teurs pour prendre en charge tota­le­ment, pro­gres­si­ve­ment ou
brus­que­ment, les ate­liers, les usines, les champs, les cir­cuits de
consom­ma­tion, les trans­ports, la culture, les loi­sirs, etc., cette
recherche est qua­li­fiée d’autogestion.

Sans
doute le terme d’autogestion avait-il déjà été
employé par les pre­mières écoles socialistes,
mais il fut oublié ; ce n’est qu’avec les expériences
you­go­slave et algé­rienne qu’il retrouve une résonance.

Il est
pos­sible de chi­ca­ner sur le terme, de pré­fé­rer d’autres
qua­li­fi­ca­tifs propres à des lieux d’expérience
par­ti­cu­liers et à dif­fé­rents moments de l’histoire.
Il est vrai que ces termes ne recouvrent pas la même réalité.
L’Espagne de 1936 s’exprima par les « collectivités »,
la « syn­di­ca­li­sa­tion », le « com­mu­nisme libertaire ».
La Rus­sie de 1905 lan­ça les « soviets », repris en
octobre 17. Repris encore en Alle­magne, en Autriche et ailleurs après
17. Soviets ou « conseils» ; conseils ouvriers et paysans.
Avec un conte­nu moins révo­lu­tion­naire, un mot plus ancien
s’est main­te­nu en tous lieux : la coopérative.

Dans les
pays capi­ta­listes, l’expérience est net­te­ment réformiste
et mul­ti­forme. La com­mu­nau­té agraire en Israël fit
fleu­rir le mot « kib­boutz ». Le mou­ve­ment social non
violent, en Inde, parle de « gram­dan ». Nous pour­rions sans
doute conti­nuer l’énumération.

Ain­si un déluge de
mots, contes­tés pour eux-mêmes ou pour ce qu’ils
dési­gnent, expriment la créa­ti­vi­té ouvrière.
Mots gal­vau­dés, per­ver­tis, oubliés, retrouvés,
revalorisés.

Auto­ges­tion
nous paraît le terme géné­rique actuellement
employé le mieux com­pris. Mais peu importe le terme ; seule
compte la réa­li­té. Nous sommes concer­nés par
l’autogestion : c’est une reven­di­ca­tion essen­tielle de
l’anarchisme. Et nous consta­tons chaque jour un peu plus qu’une
cer­taine pra­tique de la non-vio­lence conduit à poser les
pro­blèmes en fonc­tion de ce « projet ».

Mais nous ne sommes pas des
spé­cia­listes de l’autogestion, des pro­fes­sion­nels de la
recherche ; nous vou­lons tenir notre place de notre mieux, apporter
notre pierre. Nous ten­tons, à notre niveau, de satisfaire
d’abord un besoin de com­pré­hen­sion, pour mieux combattre,
pour mieux vivre.

Mais
com­ment bien com­prendre ce qui s’est pas­sé, ce qui se passe
de notre temps et quel­que­fois qua­si­ment sous nos yeux ? Nous manquons
d’une syn­thèse pour étu­dier l’expérience
espa­gnole : on ne peut repro­cher aux hommes qui y participèrent
d’avoir d’abord « vécu » plu­tôt que de
consti­tuer des archives. La pra­tique des conseils ouvriers allemands
nous est incom­plè­te­ment connue : nous vou­drions en pénétrer
la démarche ; par-là nous connais­sons mieux les
Espa­gnols. L’Algérie est proche, mais mou­vante et imprécise,
sou­vent bâillon­née. La You­go­sla­vie ne répond pas
rigou­reu­se­ment à nos sché­mas préétablis.
A chaque fois, nous devons nous refaire un œil neuf. Que dire de
l’expérience indienne qui nous paraît énorme,
contes­tée et mal connue ? Étu­dier le phénomène
coopé­ra­tif n’est-ce pas entre­prendre un tra­vail au-des­sus de
nos possibilités ?

Alors ?

Alors nous resterons
modestes.

Il nous
a paru qu’il ne fal­lait ten­ter d’abord qu’une intro­duc­tion
au phé­no­mène auto­ges­tion­naire ;
qu’il était
essen­tiel d’avoir une vue glo­bale, qu’il était nécessaire
de repla­cer les moments forts dans le temps et dans l’espace. Par
la suite, notre approche pour­rait se faire plus précise.

Dans le
plan de tra­vail que nous avons choi­si, nous avons éliminé
ce que nous pou­vons appe­ler les micro-réa­li­sa­tions, comme les
pha­lan­stères, les « colo­nies » liber­taires, les
com­mu­nau­tés diverses, éga­le­ment les kib­bout­zim. Cette
façon de faire peut être dis­cu­tée et il est
sou­hai­table qu’elle le soit. Et nous avons privilégié :

1. Les
col­lec­ti­vi­tés liber­taires espa­gnoles de 1936.

2. Les
soviets et conseils de 1905, 1917 et après.

3.
L’autogestion en Yougoslavie.

4.
L’autogestion en Algérie.

5. Les
coopératives.

6. Le gram­dan en Inde.

Puis
nous nous pro­po­sons d’étudier chaque phénomène
auto­ges­tion­naire ain­si déli­mi­té sui­vant un schéma
type. Là encore, la dis­cus­sion reste ouverte. Nous pen­sons que
le sché­ma n’est qu’un point de départ, qu’il peut
être modi­fié, qu’il peut écla­ter. Une tribune
de dis­cus­sion paral­lèle pour­rait être ménagée
à nos lec­teurs ; seul le cour­rier reçu nous éclairera
à ce sujet.

Voi­ci le plan que nous nous
pro­po­sons de suivre, avec des exemples qui ne sont qu’indicatifs :

1. Anté­cé­dents
tra­di­tion­nels, usages cou­tu­miers, les racines

 — « Esprit
com­mu­nau­taire et sen­ti­ment col­lec­tif qui unis­saient les hommes par le
cœur, par la sym­pa­thie, par la cor­dia­li­té qui prolongeaient
les cou­tumes décrites par Joa­quim Cos­ta dans son livre le
Col­lec­ti­visme agraire en Espagne
(G. Leval, Cahiers de
l’humanisme liber­taire,
n° 152.) Dès 1840, en
Cata­logne, dans l’industrie tex­tile, for­ma­tion des premières
coopé­ra­tives de consom­ma­tion et de pro­duc­tion d’inspiration
proudhonienne.

 — Le mir, orga­nisme de
pro­prié­té col­lec­tive rurale, en Rus­sie avant 1917.

 — La
décen­tra­li­sa­tion poli­tique you­go­slave et la zadrouga.

 — La
pra­tique com­mu­nau­taire kabyle.

 — La
coopé­ra­tive : base his­to­rique de l’autogestion ?

 — L’isolement
des vil­lages indiens par rap­port au pou­voir central.

2. Pré­pa­ra­tion
théorique

 — L’influence
de Bakou­nine, de la Ire Inter­na­tio­nale ; his­toire de la CNT et de la
FAI. Impor­tance de la pro­pa­gande anarchiste.

 — L’influence
de Prou­dhon sur les soviets russes (Gur­vitch, Auto­ges­tion,
1). Influence de Tol­stoï sur les coopé­ra­tives hongroises
et roumaines.

 — L’autogestion
à par­tir du mar­xisme avec l’influence de Proudhon.

 — L’exemple
you­go­slave sur les com­bat­tants algériens ?

 — Prou­dhon,
C. Gide, Kro­pot­kine (cf. Desroches).

 — Cha­ri­té
et jus­tice à par­tir d’une concep­tion reli­gieuse non violente
(Vino­ba).

3. Le
pas­sage à l’autogestion. La révolution

 — La
« gym­nas­tique révo­lu­tion­naire » : les grèves
et les dif­fé­rentes insur­rec­tions du prolétariat
espa­gnol. La mon­tée du fas­cisme, les putsch. La révolution
(et la guerre) de 36 : for­ma­tion des col­lec­ti­vi­tés, occupation
des biens vacants.

 — La
guerre, fac­teur de dis­so­lu­tion du pou­voir cen­tral. La révolution
de 1917.

 — Ini­tia­tive du
gou­ver­ne­ment you­go­slave pour résoudre des problèmes
éco­no­miques et poli­tiques pré­cis. Essai récent
en Tché­co­slo­va­quie et dans d’autres pays de l’Est.

 — L’occupation des
biens vacants en Algérie.

 — Le coopé­ra­ti­visme
est un réformisme.

 — Le don volon­taire de la
terre, de l’argent, en Inde, etc.

4. Le fonc­tion­ne­ment de
l’autogestion. Les pro­blèmes, les échecs, les
réussites

 — De nom­breux témoignages
par­cel­laires et épar­pillés sur les collectivités
espagnoles.

 — Noyau­tage des soviets
par les com­mu­nistes. Des­truc­tion des expé­riences de Kronstadt
et d’Ukraine.

 — Ou l’étatisme
ou l’autogestion : balan­ce­ment entre deux pou­voirs. Manque de
qua­li­fi­ca­tion. Le sabo­tage du pou­voir central.

 — Des coopé­ra­tives
par­tout et de tous les genres.

 — Manque d’informations.
Réor­ga­ni­sa­tion des vil­lages. Auto­no­mie, décentralisation
et fédé­ra­lisme. Une socié­té non violente.

5. Dis­cus­sion,
cri­tiques, pro­lon­ge­ments : que pou­vons-nous faire, ici et maintenant ;
notre attitude

6. Pro­blèmes
divers sur l’autogestion

 — Pos­si­bi­li­té
d’installer une ges­tion ouvrière qui change les rap­ports de
pro­duc­tion, qui ne soit pas une ges­tion démo­cra­tique du
capitalisme.

 — Sur l’intérêt,
mal­gré tout, de par­ti­ci­per à l’animation de
coopé­ra­tives, mutuelles, etc., qui sont récupérées
par le sys­tème capi­ta­liste. L’autogestion d’un seul
sec­teur de la socié­té vire au capi­ta­lisme ou est
absor­bée par l’État.

 — La néces­si­té
d’une pla­ni­fi­ca­tion de l’autogestion. Laquelle ? L’ouvrier face
au pro­duit de son travail.

 — « Socié­té
de consom­ma­tion » oppo­sée à « société
d’autogestion ». L’autogestion est-elle anarchiste ?
L’autogestion en pays socia­listes ; l’autogestion en pays
capitalistes.

 — Côté
psy­cho­lo­gique de l’autogestion : accep­ta­tion et possibilité
d’assumer l’autogestion.

 — La
créa­ti­vi­té du monde ouvrier.

 — Ges­tion
de l’entreprise, ges­tion de la société.

 — Auto­no­mie
des entre­prises et concurrence.

 — Inéga­li­té
de développement.

 — etc.

André Ber­nard

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Commentaire 1

En gros,
j’aime beau­coup ce poème sur l’autogestion, cet hymne au
tra­vail créa­teur, bien qu’on puisse qua­li­fier de petit
bour­geoise cette idéa­li­sa­tion par les anar­chistes du
tra­vail créa­teur, arti­sa­nal, pay­san, etc. (c’est, entre
autres, une cri­tique que fait Sartre). Après, je trouve, le
plan de tra­vail très bon. Sur la 2e par­tie, préparation
théorique :

1) Bakou­nine n’a pas dit
grand-chose sur l’autogestion. Il fau­drait plu­tôt présenter
la chose ainsi :

La Ire Internationale,
les socié­tés de résis­tance, l’organisation ;

Le syn­di­ca­lisme
révo­lu­tion­naire, l’idée de grève générale,
de grève avec occupation ;

His­toire de la CNT et
de la FAI ; impor­tance de la pro­pa­gande anar­chiste, etc.

2) C’est plutôt
vague, et méchant pour le mar­xisme. Je propose :

La concep­tion marxiste :
auto­ges­tion, conseils ouvriers, Etat. Et lais­ser Prou­dhon ailleurs.
On peut en par­ler avec le mar­xisme, mais c’est rela­ti­ve­ment peu
impor­tant, à mon avis. En tout cas, faire une place plus
grande au marxisme.

La 4e
par­tie et la 6e (der­nière) se recoupent plus ou moins, et la
liste des pro­blèmes peut s’allonger à l’infini. La
par­tie 4 serait plus his­to­rique, la 6e plus théo­rique. Je
pro­pose éven­tuel­le­ment de sup­pri­mer la 6e par­tie et d’intégrer
par la suite cet ensemble de pro­blèmes et d’autres aux
dif­fé­rents cha­pitres, en par­ti­cu­lier au 4e et 5e.

Marie
Matin


Com­men­taire 2 :
Cri­tique de la démarche

Toute
démarche pour une étude sur l’autogestion me paraît
devoir com­por­ter un rele­vé des publi­ca­tions sur ce sujet, les
dif­fé­rentes revues spé­cia­li­sées françaises
et étran­gères, les livres (d’un point de vue
his­to­rique ou mono­gra­phique), les thèses.

Pour un plan de travail
col­lec­tif comme celui-ci, à mon avis, il faudrait :

que
cha­cun lise la « théo­rie » de l’autogestion (l’un
d’entre vous pour­rait faire un repé­rage par­mi les grandes
théo­ries his­to­riques et éco­no­miques (Prou­dhon, Marx,
Bakou­nine, Des­roches, Bour­dieu, Meis­ter, etc.) et en faire une
syn­thèse en déga­geant une ligne directrice ;

ensuite
que cha­cun étu­die plus par­ti­cu­liè­re­ment une expérience
ori­gi­nale, sui­vant l’affinité ou la com­pé­tence, pour
une période his­to­rique ou un pays, que cha­cun fasse circuler
son étude pour qu’elle soit lue de tous. Déga­ger les
prin­ci­pales res­sem­blances des expériences.

Ceci me
semble être seule­ment le tra­vail pré­li­mi­naire, la
base à par­tir de laquelle on peut se poser les problèmes.

1.
Relier la théo­rie et
la pra­tique.

A par­tir
de la syn­thèse, théo­rique et des exemples concrets, se
deman­der si l’autogestion peut être théorisée,
si elle n’est pas une praxis ?

2.
Fonc­tion­ne­ment de l’autogestion.

Echec.
Suc­cès. Essayer d’analyser à par­tir d’exemples
concrets en rela­tion avec : la période his­to­rique et la société
glo­bale où l’expérience auto­ges­tion­naire s’insère.
Pour­quoi échec ou réus­site ? Quels sont les critères
qui per­mettent de déci­der si c’est un échec ou une
réussite ?

Ces deux
points nous per­mettent alors de nous inter­ro­ger sur le pour­quoi et
le fon­de­ment d’une telle étude :

Com­ment
l’autogestion peut s’insérer dans un mou­ve­ment anarchiste
non violent ?

a) Essayer de dégager
la doc­trine plus par­ti­cu­liè­re­ment anar­chiste sur
l’autogestion.

b) Rela­tion de la
non-vio­lence et de l’autogestion. Y a‑t-il une rela­tion ? Comment
est-elle fon­dée ? Légi­ti­mi­té de cette relation.

c) Pour­quoi la non-violence
à‑t-elle plu­tôt prô­né des communautés ?

* * *

Quelle
est la fonc­tion de votre groupe ou revue ? Que devez-vous appor­ter à
une telle étude ? Dans la socié­té anar­chiste et
non vio­lente, com­ment voyez-vous l’autogestion ? Que faites-vous,
quels sont vos moyens pour 1a réa­li­ser ? Quels sont les points
théo­riques à revoir par rap­port à la théorie
officielle ?

C’est ce der­nier point
qui est le plus impor­tant car c’est se deman­der com­ment, par
rap­port à une doc­trine ori­gi­nale anar­chiste et non violente,
situer l’autogestion. Les autres pro­blèmes ont été
trai­tés par bien des gens, c’est le seul que vous pouvez
déga­ger vous-mêmes et donc le plus intéressant
quant à l’apport pour l’autogestion et la perspective
d’une socié­té anar­chiste et non vio­lente. C’est
presque à ce seul niveau que votre tra­vail com­mence, puisque
le reste a été plus ou moins fait ou en passe d’être
fait.

Cri­tique de détail

1. Pour
une intro­duc­tion à l’autogestion il convient de définir
qui est « l’homme qui s’exprime essen­tiel­le­ment par le
tra­vail ». L’autogestion peut-elle s’appliquer à
n’importe quel genre de travailleurs ?

2. Ceci amène une
autre ques­tion : les dif­fé­rences de termes ne sont pas des
« chi­ca­ne­ries ». Il convient au contraire de les examiner
de près. Il fau­drait faire une socio­lo­gie de la dénomination
pour mon­trer que des expé­riences dif­fé­rentes portent
des noms dif­fé­rents, et que ces dif­fé­rences sont riches
en ensei­gne­ments, le nom d’un groupe a une double fonction :

dési­gner
le groupe en tant que tel et les membres du groupe.

défi­nir les
rela­tions sociales qu’un groupe entre­tient avec d’autres groupes.
Voir la dif­fé­rence des termes his­to­ri­que­ment ; y a‑t-il un
enchaî­ne­ment, un pro­ces­sus de déve­lop­pe­ment (dans quel
sens) de l’un à l’autre ? L’autogestion est-elle
l’aboutissement de telles expé­riences, ou bien se
situe-t-elle à côté ? Donc, pas un « déluge
de mots » mais des expé­riences dif­fé­rentes qui
s’expriment sous des termes dif­fé­rents. Bien voir que le
terme et la réa­li­té sont étroi­te­ment liés.

Point
très impor­tant. Affir­ma­tions : « nous sommes concernés
par l’autogestion », « nous consta­tons chaque jour un peu
plus qu’une cer­taine pra­tique de la non-vio­lence conduit à
poser les pro­blèmes en fonc­tion de ce pro­jet ». Comment
êtes-vous concer­nés ? Pour­quoi ? Quelle est cette pratique
de la non-vio­lence qui conduit à l’autogestion ? Affirmation
théo­rique. Où, en pra­tique avez-vous été
concer­nés ? Dans ce même ordre d’idées, définir
ce que vous vou­lez dire par « appor­ter notre pierre ».
C’est là que se situe le pro­blème. Que pouvez-vous
appor­ter d’original qui n’ait été dit ? (Rap­port
auto­ges­tion-non-vio­lence?) J’aimerais savoir ce que recouvre « pour
mieux com­battre, pour mieux vivre » ? (for­mule vide). Qu’est-ce
que ça change dans votre vie de tous les jours ?

Que cher­chez-vous
finalement ?

Une
étude théo­rique de ce qui a été fait et
dit ?

Ou,
à par­tir de cela, essayer de déga­ger une théorie
de l’autogestion dans la socié­té anar­chiste et
non-vio­lente ? C’est là que ça com­mence à être
intéressant.

Rose-Marie
Lagrave


Com­men­taire
3

Pour­quoi avoir écarté
les « micro-réa­li­sa­tions » du plan de tra­vail ? Il me
paraît inutile et vain d’essayer d’en faire le recensement
et l’historique, mais mal­gré leur inser­tion par­cel­laire dans
un cadre réfor­miste ou capi­ta­liste, il me parait intéressant
de se poser à leur sujet un cer­tain nombre de questions :

1)
Quelles sont les moti­va­tions qui poussent des indi­vi­dus à ce
genre de tentative ?

2) Elles
sont géné­ra­le­ment vouées à l’échec
ou à la dis­pa­ri­tion à plus ou moins long terme. Est-ce
à cause de leur ana­chro­nisme en société
capi­ta­liste ou plu­tôt à la dif­fi­cul­té des
rap­ports entre indi­vi­dus qui se veulent libres et res­pon­sables mais
n’ont pas atteint le degré de matu­ri­té nécessaire ?

3)
Consé­quence de la ques­tion pré­cé­dente : Si nous
ima­gi­nons une socié­té ou une situa­tion révolutionnaire
où pro­duc­tion et dis­tri­bu­tion seraient autogérées,
ne risque-t-on pas de voir rapi­de­ment se recréer des rapports
alié­nants entre indi­vi­dus, aus­si pénibles à
vivre que ceux que nous connais­sons actuellement ?

4)
Depuis l’avènement des sociétés
indus­tria­li­sées, les révo­lu­tion­naires s’accordent à
vou­loir bri­ser l’exploitation capi­ta­liste, mais ne convient-il
pas dès main­te­nant d’apprendre à assu­mer sa propre
liber­té sur un plan posi­tif, alors que nous l’exerçons
habi­tuel­le­ment sur un plan néga­tif ou oppositionnel ?

5) Cer­tains préconisent
la créa­tion immé­diate de réalisations
com­mu­nau­taires, se coor­don­nant ensuite entre elles, comme un moyen de
créa­tion de socié­té paral­lèle. N’est-ce
pas là un moyen révo­lu­tion­naire non violent, un
appren­tis­sage de l’autogestion, la voie ouverte à une
esca­lade allant des micro aux macro-réalisations ?

Le plan de travail

Je crains que l’étude
et l’analyse sui­vant un sché­ma type de cha­cun des phénomènes
auto­ges­tion­naires ne soit qu’un tra­vail fas­ti­dieux de compilation.
Il y a là en tout cas fort peu de pos­si­bi­li­tés de
créa­ti­vi­té ou de recherche réelle.

Per­son­nel­le­ment, je
pré­fé­re­rais que nous privilégiions :

I. Esprit com­mu­nau­taire et
sen­ti­ment col­lec­tif (les racines).

II. Les théories
(Bakou­nine, Prou­dhon, Tol­stoï, Vino­ba, etc.).

III. Le pas­sage à
l’autogestion (com­ment ? ana­lyse des forces).

IV. La planification
(com­ment ne pas perdre la dimen­sion indi­vi­duelle): entités
com­mu­nales, urbaines, régio­nales, natio­nales, entités
de pro­duc­tion, de la plus petite à la plus grande.

V. La
dis­tri­bu­tion. Sup­pres­sion du pro­fit, de la mon­naie, com­ment
éta­blir des nou­veaux rap­ports d’échange ?

VI.
Aspects psy­cho­lo­giques. L’homme face à sa liberté,
le déve­lop­pe­ment de la créativité,
démys­ti­fi­ca­tion de la consom­ma­tion, le droit à la
paresse, etc.

Mar­cel Viaud

La Presse Anarchiste