La Presse Anarchiste

Grève de la faim à la prison

[(À La Chaux‑de‑Fonds (Suisse), un pri­son­nier a pas­sé trois mois en déten­tion pré­ven­tive avant d’être condam­né à une peine ferme de deux mois seulement.

Ce fait scan­da­leux n’est pas rare. Il a inci­té en l’occurrence un groupe de déte­nus à entre­prendre, le same­di 3 avril, une grève de la faim de durée indé­ter­mi­née dont les motifs sont expo­sés dans la lettre ci‑dessous qu’ils ont fait par­ve­nir aux auto­ri­tés judi­ciaires et aux journaux.

Mal­gré ce qu’en ont dit les jour­naux, les autres déte­nus se sont décla­rés soli­daires des cinq gré­vistes. Ceux‑ci ne se sont pas récla­més de leur qua­li­té d’objecteurs (condam­nés à des peines allant de trois à six mois de pri­son), mais ont fait cette action en tant que simples déte­nus. Ils ont dû arrê­ter la grève au sixième jour, mais cela ne repré­sente qu’une étape dans la lutte contre le scan­dale péni­ten­tiaire et le sys­tème qui n’a d’autre solu­tion que d’enfermer ceux qui le refusent.

Marie Mar­tin)]

À l’occasion de ce fait, qui n’est qu’un exemple du sys­tème péni­ten­tiaire absurde et scan­da­leux, nous pro­tes­tons contre les moyens essen­tiel­le­ment répres­sifs uti­li­sés par l’Etat, moyens qui ne sau­raient consti­tuer une solu­tion au pro­blème de la délin­quance et de la criminalité.

Ces moyens amènent tout déte­nu à une régres­sion plu­tôt qu’à une progression :

— Déten­tion pro­lon­gée dans une cel­lule cou­pée du monde extérieur ;

— Manque d’exercice et de sport ;

— Condi­tions de déten­tion déplo­rables (par­ti­cu­liè­re­ment dans cer­tains cantons);

— Répres­sion affec­tive et sexuelle (une brève visite par semaine… dans le meilleur des cas ; rela­tions sexuelles interdites ;

— Le tra­vail dans les pri­sons est une exploi­ta­tion mani­feste (salaire déri­soire par rap­port à l’extérieur : de 0,80 F à 1,90 F par jour, au lieu de 5 F de l’heure);

— Un règle­ment vexa­toire (limi­ta­tion du tabac, de la cor­res­pon­dance, cen­sure des lettres per­son­nelles — et non des lettres offi­cielles et admi­nis­tra­tives), qui n’a pour résul­tat que de sus­ci­ter par­mi les pri­son­niers les moyens illé­gaux les plus divers, de le transgresser ;

— Déten­tion pré­ven­tive qui se pro­longe pen­dant des mois.

Nous atti­rons l’attention de l’opinion publique sur la fré­quence in­quiétante des sui­cides dans les prisons.

Nous dénon­çons éga­le­ment le pri­vi­lège des aumô­niers de pri­son, qui seuls ont accès à l’organisation des loi­sirs pour pri­son­niers ; qui peuvent s’entretenir libre­ment et direc­te­ment avec les déte­nus (droit que ne pos­sèdent même pas leurs familles), et dont l’action vise à ensei­gner la rési­gna­tion aux pri­son­niers sans remettre en cause le sys­tème des prisons.

Le régime de semi‑liberté est une demi‑solution qui marque sans doute un pro­grès. Nous signa­lons cepen­dant à ce pro­pos que les pays les plus avan­cés envi­sagent la SUPPRESSION DES PRISONS.

Un groupe de détenus. 

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