La Presse Anarchiste

Lettre de Miguel

[(Un insou­mis espa­gnol rési­dant en France a rejoint la marche. Voi­ci la lettre qu’il a écrite aux auto­ri­tés espa­gnoles le 4 avril 1971.)]

Je m’appelle Miguel Angel Gil. Je suis né à Cas­tel­lon de la Pla­na le 23 mai 1949, et j’ai vécu en émi­gra­tion en France depuis 1957 en étant ins­crit au consu­lat de Montpellier.

Dès que je fus en âge de réflé­chir et que je pus voir le monde dans lequel nous vivons (monde de guerre comme celle sans fin du Viet­nam, d’Algérie ou la guerre hor­rible et déli­bé­rée du Bia­fra ; monde de misère sociale et morale dans lequel nous nous trou­vons tous et dont nous sommes res­pon­sables dès le moment où nous en avons connais­sance), je déci­dai de ne pas faire mon ser­vice militaire.

Je ne veux pas non plus conti­nuer à vivre en France et à être consi­dé­ré comme insou­mis par mon propre pays. N’ayant pas de domi­cile ni de lieu de tra­vail fixes, je ne sais pas où se trouve la convo­ca­tion du consu­lat pour l’enrôlement, mais je ne veux, en aucune façon, fuir mes res­pon­sa­bi­li­tés, comme je le prouve main­te­nant, en me pré­sen­tant aux autorités.

Récem­ment, j’ai su qu’une marche de cinq Espa­gnols se diri­geait vers Valence pour deman­der un sta­tut d’objection de conscience dont les prin­cipes de base étaient expri­més dans le pro­gramme des « mar­cheurs à la pri­son » et qui a été envoyé aux minis­tères de la Jus­tice et des Armées.
Je vou­drais donc que vous com­pre­niez le besoin dans lequel se trouve la jeu­nesse de vivre pour un monde sans fron­tières, sans dis­cri­mi­na­tions raciales, morales ou reli­gieuses. Un monde où régne­rait le bon­heur et où on n’obligerait pas celui qui ne le dési­re­rait pas à accom­plir un ser­vice militaire.

Je pense que quand nous nous levons chaque jour ce que nous dési­rons c’est tra­vailler dans une cité pour l’homme.

Je sais à quoi je m’expose, mais je pré­fère cela plu­tôt — je le répète — que d’être trai­té d’insoumis. Je me sens soli­daire de tous les objec­teurs de conscience en pri­son et de tous ceux qui s’efforcent de construire un monde meilleur, un monde à visage humain et sans guerre.

Rece­vez, Mon­sieur le ministre des Armées, l’expression de mes sen­ti­ments fraternels.

Miguel Gil

La Presse Anarchiste