La Presse Anarchiste

L’objection de consience en Espagne

Valence, le 11 juin 1970

Nous sommes un groupe d’amis intéressés par le prob­lème de l’objection de con­science, cer­tains par­mi nous étant de futurs objecteurs et, pour cette rai­son, nous vous écrivons pour vous don­ner notre avis sur le pro­jet de loi que vous êtes chargé d’élaborer, et pour que vous en teniez compte, si cela vous sem­ble oppor­tun, dans la rédac­tion du rapport.

En recon­nais­sant l’objection pour des motifs de croy­ances religieuses et à cause des pra­tiques qui en découlent, on fait abstrac­tion des catholiques, car leur reli­gion ne l’exige pas, ain­si que de tout motif autre que religieux comme la non‑violence, le paci­fisme, les motifs éthiques ou human­i­taires, etc., ce qui ne résout pas tous les prob­lèmes qui se présen­tent à ce sujet, puisque aucun de nous n’est ni témoin de Jého­vah, ni adven­tiste. Nous pen­sons que la loi ne doit pas seule­ment résoudre les cas actuels, mais aus­si les cas futurs. De plus, dans tous les pays d’Europe où l’on recon­naît l’objection de con­science (tous excep­tés le Por­tu­gal, la Grèce, la Suisse et l’Espagne), on admet cette plu­ral­ité de motifs. La recon­nais­sent aus­si l’Assemblée con­sul­ta­tive du Con­seil de l’Europe et le Con­cile Vat­i­can II.

En ce qui con­cerne le ser­vice dans les unités ou ser­vices spé­ci­aux, il existe à l’étranger (France, Suède, etc.) des organ­ismes civils déter­minés qui accueil­lent les objecteurs (Chif­fon­niers d’Emmaüs, Ser­vice civ­il inter­na­tion­al, aide aux déshérités, mou­ve­ments ruraux, cen­tres de jeunesse, min­istère des Affaires cul­turelles, etc.) et nous aime­ri­ons qu’en Espagne les objecteurs soient accep­tés par des organ­ismes sim­i­laires exis­tant déjà, ou d’autres qui réalis­eraient des activ­ités ayant les car­ac­téris­tiques suivantes :

— Étrangères à toute activ­ité mil­i­taire (ni dans l’armée ni pour l’armée). Par exem­ple, nous n’accepterions pas de servir des repas dans une caserne, alors que nous le feri­ons dans un asile pour vieil­lards ou un orphelinat.

— De car­ac­tère social : aide aux plus déshérités.

— D’une grande var­iété ; pour que puis­sent s’y con­sacr­er des objecteurs de tout niveau culturel.

— Qui n’isolent pas de la société.

— Qui ne soient pas du tra­vail intro­duit dans des zones ou des secteurs de chômage.

En Espagne, il y a un mil­lion d’enfants sans écoles et presque deux mil­lions d’analphabètes. L’alphabétisation serait le ser­vice civ­il le meilleur et le plus urgent, à con­di­tion de ne pas porter préju­dice aux insti­tu­teurs en quête d’emploi.

À Valence, il existe une grande dis­pro­por­tion entre le nom­bre très élevé des bars et celui, min­ime, des cen­tres cul­turels, car ces derniers fonc­tion­nent au ralen­ti faute de respon­s­ables et d’animateurs.
D’autres ser­vices civils pour­raient être :

— Le tra­vail dans les Auberges de jeunesse.

— Des travaux forestiers (coupe‑feu, reboise­ment, etc.).

— L’archéologie.

— La remise en état de routes dans les régions à mau­vais­es com­mu­ni­ca­tions, etc.

Ce ne sont que de sim­ples sug­ges­tions pour le ser­vice civ­il. Nous pen­sons que vous con­nais­sez mieux que nous les besoins du pays. 

Nous voulons enfin vous rap­pel­er que, à par­tir du moment où la loi recon­naît le statut d’objecteur de con­science, le ser­vice civ­il n’est plus con­sid­éré comme une sanc­tion, mais comme un rem­place­ment au ser­vice mil­i­taire, et qu’on doit le lim­iter à une juste pro­por­tion quant à sa durée, son inten­sité, etc. Nous con­sid­érons que trois ans sont exces­sifs, car cela ressem­ble à une sanc­tion, et que deux ans seraient suff­isants pour garan­tir l’honnêteté d’intention des objecteurs.
En même temps, on devrait prévoir, comme dans tous les pays, les cas d’objecteurs abso­lus, c’est‑à‑dire ceux qui refusent même le ser­vice civ­il, pour qu’ils aient des peines de prison fix­es et pro­por­tion­nelles au ser­vice mil­i­taire, et non la prison con­tin­ue comme c’est le cas actuellement.

Dans l’espoir que cette let­tre retien­dra votre atten­tion, nous vous remercions.

Pour le groupe : Pepe Beunza 


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