— Je trouve qu’il y a une différence entre des actes, des gestes, des mots ou des cris passionnés, extraordinaires, et la violence économique, sociale ou physique. Par exemple, dans Paradise, nous crions, nous faisons dans un sens de la violence psychologique contre le public pour qu’il commence à agir, à penser, à sentir. Commencer simplement à sentir me semble peut‑être la chose la plus importante parce qu’un des aspects de la civilisation est qu’elle nous a coupés des sentiments, et nous sommes devenus des personnes très froides. C’est toujours l’aristocratie, les capitalistes, les diplomates qui se conduisent d’une manière très calme, très rationnelle, avec beaucoup de politesse, de courtoisie, et ce sont ces gens qui, en même temps, commettent des actes épouvantables. La civilisation, en sortant de la barbarie primitive, a fait de grandes erreurs, et ce sont ces erreurs qu’il nous faut maintenant essayer de corriger. L’expression des sentiments et même les sentiments eux‑mêmes ont été supprimés. Il me semble que si par exemple nous étions capables de sentir, il ne nous serait pas possible de tolérer la douleur, nous ferions ce qu’il faut faire pour en finir avec les douleurs criantes. Ça commence avec la faim et les choses nécessaires à la vie.
Il me semble que la vraie révolution est une révolution qui veut rendre l’homme à l’état créateur, un état libre, et que c’est la civilisation qui est fondée sur la violence, qui utilise la violence pour atteindre ses buts. Civilisation que nous voulons détruire parce que le rationalisme des militaristes, des autoritaires, des capitalistes et même des révolutionnaires, c’est simplement de dire : Nous n’aimons pas la violence, mais il nous faut l’utiliser pour atteindre les buts de notre civilisation. Vous savez ce que je veux dire. Il me semble que nous sommes parvenus au moment où vraiment l’imagination doit prendre le pouvoir. Dans cette période, qui est une période où l’esprit révolutionnaire s’élève encore une fois, si nous choisissons l’utilisation de la violence pour atteindre nos buts, il me semble que nous serons piégés comme nos camarades du passé et ça serait vraiment une tragédie. Mais si nous pouvons nous détacher de la violence, peut-être pourrons‑nous trouver les moyens de nous libérer. Il me semble par exemple que la violence a eu d’une certaine façon une efficacité au Tiers Monde, en Algérie, peut‑être au Vietnam. Je ne sais pas, mais il me semble qu’elle ne pourrait pas être efficace dans les grands pays socialistes autoritaires et capitalistes où il y a de grandes villes et où la vraie guerre de guérilla n’est vraiment pas possible. En regardant ce qui s’est passé en France en mai 68, il est assez clair maintenant que le succès est en partie le résultat du fait que les autorités n’ont pas employé réellement de violence contre les étudiants. Il n’y a pas eu de fusillades, il n’y a pas eu de bombes. Il est possible d’envisager l’éventualité d’une guerre civile ; même si les révolutionnaires décidaient d’employer les fusils, cette révolution pourrait très facilement et très rapidement être détruite par une force nucléaire « ponctuelle ». Marcuse a dit, si je l’ai bien compris, que le Tiers Monde peut employer la violence, mais que dans les grands pays capitalistes, le capitalisme tombera presque de lui‑même et qu’il serait possible par des moyens souterrains de le combattre, de le miner.
— Marcuse dit qu’il faut créer ce qu’il appelle des « îlots de résistance ». Je suppose que le Living en est un ?
— Oui, d’autre part, j’ai une stratégie pour la révolution que nous exprimons dans Paradise, et nous avons l’idée que pour réussir, la révolution anarchiste aura besoin de je ne sais pas, entre 30 et 50 ans au moins … Il faut que les révolutionnaires soient réalistes…
— C’est‑à‑dire des communautés qui font tâche d’huile …
— Ça, c’est une partie, et les communautés qui se retirent des grandes villes (il y en a beaucoup en Californie) sont confrontées aux problèmes, elles sont en un sens les avant‑gardes qui essaient de résoudre quelques problèmes de la collectivité : comment partager le pain, comment partager le travail, que fait‑on des parasites, etc. Mais nous vivons dans le monde et le monde est très compliqué. C’est un système technique. Il me semble d’abord, qu’il y a l’esprit révolutionnaire des enfants de la bourgeoisie qui sont étudiants, intellectuels, et il faut que cette conscience se répande ; il faut d’abord changer la culture, changer partout la perception des gens afin qu’ils commencent à connaître d’autres valeurs, afin qu’ils commencent à voir le monde sous un autre jour.
— Croyez‑vous qu’on peut changer la structure de perception sans changer la structure économique dans laquelle vivent ces gens ?
— C’est un point très important. Vous avez raison dans un sens, car aussi longtemps que les ouvriers continueront à gagner leur pain, ils se trouveront dans les usines à travailler. Il est donc très difficile d’élargir la perception. Mais en même temps, je crois qu’il serait possible de leur donner d’autres possibilités de vivre ; maintenant, par la propagande de la société de consommation, ils sont coupés de toutes ces idées. Tout le temps, la publicité, les affiches, la télévision, etc. tous les moyens de propagande leur enfoncent beaucoup plus profondément le désir pour les biens, les « primes » du capitalisme et je crois que les États socialistes utilisent les mêmes « primes ». Mais je ne crois pas que la révolution peut réussir sans l’approbation de tous les gens qui y participent. Il me semble que c’est ainsi qu’il faut commencer, en essayant de changer la culture, et en même temps de fournir des exemples de formes de vie différentes, comme les communautés. On peut faire de la propagande, on peut essayer de révéler ce que veut dire la révolution, on peut en même temps essayer de faire ce que l’on peut pour pousser en avant la révolution sexuelle…
— Des communautés comme exemples, alors ? Mais justement le propre de ces communautés c’est de se couper des problèmes réels auxquels se trouveront confrontés les gens, s’il y a un jour la révolution anarchiste. C’est‑à‑dire que révolutionnaires ou pas, il n’en restera pas moins des usines, tous les objets de consommation créés par une civilisation peut‑être faussée mais qui existe, qui est notre passé. Ce que vous semblez préconiser est un retour au « paradis»…
— Non. Ce que nous voulons dire, ce que nous voulons faire est simplement de passer du stade d’évolution où nous sommes maintenant au prochain niveau. Cela veut dire que nous concevons une révolution permanente. Maintenant, nous voyons qu’il y a trop de souffrance évidente par le monde, qu’il y a des gens qui crèvent de faim, qui perdent leur vie en étant exploités dans les rouages de la société de consommation et qu’il ne nous faut pas changer simplement la mécanique du monde mais la vie elle‑même. Il serait possible de réformer, d’améliorer les conditions des usines, des mines, des paysans et de continuer le même système.
— Vous avez dit tout à l’heure qu’il fallait changer la culture, je suppose que vous vous voyez comme une tentative de changement de cette culture. Ne croyez‑vous pas que la culture n’étant jamais que le reflet des réalités économiques et sociales dans lesquelles nous vivons, ce qui se passe quand on croit changer la culture, ce qui s’est passé pour le surréalisme, ce qui s’est passé pour le dadaïsme, ce n’est peut-être que l’éclatement au niveau de la culture des antinomies de la pensée bourgeoise, c’est la domination qui éclate mais ce n’est pas une autre culture ? Ça ne peut aboutir qu’à la révolution de fait, c’est‑à‑dire à la disparition de la culture…
— Oui, ce que le surréalisme a fait, ou par exemple le travail que nous avons fait nous‑mêmes pour le théâtre, nous a amenés simplement à commencer à comprendre qu’il faut changer la culture. Depuis le début, nous pensions qu’il fallait changer la forme mais c’était toujours la même conception du théâtre. Récemment, nous avons poussé la réflexion jusqu’au point où nous commençons à voir qu’il faut changer totalement et nous nous trouvons maintenant devant un abîme ; peut‑être y en aura‑t‑il quelques‑uns qui se jetteront dans l’abîme et qui trouveront les réponses. Nous sommes maintenant devant un grand néant.
— Changer la culture pour vous ça veut dire continuer à gueuler « nous éclatons » ou bien disparaître. Je veux dire qu’il ne peut pas y avoir après d’autre culture, que ça doit en être fini avec la culture.
— Peut‑être ne sera‑t‑elle pas appelée culture mais c’est le travail des sociologues de l’avenir. La culture n’est pas simplement l’art, c’est aussi les moyens de vivre. Si, par exemple, il y a des communautés en Californie qui possèdent des fermes et chaque jour distribuent dans la ville de San Francisco de la nourriture gratuite, c’est en même temps une attaque contre l’économie mais c’est plus que ça, c’est une attaque contre la culture et les gens s’en irritent, ils sont bouleversés par cette action parce qu’elle donne l’idée que ce qu’ils font n’est pas essentiel.
Je crois qu’il faudrait arriver un jour, même s’il y a beaucoup d’automation (il faut savoir que l’automation peut aider la révolution et non la nier), et il serait possible d’y arriver, à une période dans laquelle les gens ne commenceront à produire que ce qui est nécessaire à la vie. La société de consommation nous a donné l’idée que le but de la vie est de rassembler tous les luxes possibles, il nous faut changer la culture afin qu’il soit possible à l’homme de savoir que la vie peut être beaucoup plus remplie de joie si on peut abandonner l’idée de réunir sans cesse des objets. […]
— Nous sommes convaincus par ce que vous venez de dire, là où nous sommes gênés c’est sur les moyens de communiquer ce que nous pensons à ces ouvriers qui travaillent huit heures par jour et qui amassent des objets. C’est‑à‑dire de les persuader d’arrêter et d’essayer de trouver des joies autres que celles d’amasser des marchandises. Nous connaissons quelques communautés mais ce n’est pas en s’éloignant de la ville que l’on peut vraiment être un exemple ; c’est dans la ville même que l’on doit faire un travail d’explication. À nous de trouver les moyens de transmettre nos idées.
— Si nous commençons à prendre en main les moyens de production, la gestion, et que l’on continue à produire ce qui est nécessaire pour la vie et que l’on commence à distribuer gratuitement, cela veut dire que l’on peut imaginer un jour où, pas les ouvriers mais nous tous, nous fabriquerons les voitures, nous distribuerons les pommes dans la ville gratuitement, etc. Mais si le jour arrive où nous commençons à ne plus utiliser d’argent du tout : on ne paie pas de loyer, on ne fait pas d’échange et où il y a des gens qui distribuent ce qu’il y a gratuitement, et on continue à produire, à faire du travail créateur. Ça sera la période où la grande lutte commencera parce qu’il y aura des personnes qui seront convaincues de la possibilité de faire réussir un tel système et il y en aura d’autres qui resteront sceptiques. La difficulté en cette période de lutte sera de les convaincre. Ça serait un grand exemple. Il faut donc que les révolutionnaires arrivent au point où il serait possible de faire fonctionner la vie quotidienne afin qu’elle marche vraiment.
— Oui, mais en fait les objets que l’on distribue gratuitement sont produits en utilisant la technique bourgeoise et en fin de compte on se retrouve intégré dans le système. D’autre part, dans la distribution, il faut répondre aux appétits développés par la société telle qu’elle est…
— C’est à cause de ça que nous disons qu’il faut changer la culture afin que l’appât ne reste pas le même ; que les ouvriers commencent à avoir des appétits pour autre chose que ce que la société de consommation leur dicte.
— En fait, il faudrait repenser totalement et ce qu’il faut produire et la façon de le produire. Il faut repenser « la vie»…
— Ça veut dire la même chose que changer la culture. Il faut changer les valeurs, il faut que l’on commence à percevoir d’autres possibilités pour la vie.
— Vous avez dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas que nous nous enfermions dans le cycle de la violence pour faire la révolution. Mais justement, je ne vois pas comment en sortir malgré tous les noyaux de résistance dont peut parler Marcuse, si justement il n’y a pas la violence.
— Il y a une chose importante à propos de la violence. On sait qu’on ne peut pas éliminer la violence sans éliminer les causes de la violence ; la violence se trouve en nous, elle est le résultat de nos relations avec nos parents, avec nos enseignants, les professeurs, la vie, l’argent, l’État, etc., tout ce à quoi nous avons été confrontés pendant la vie. Si les ouvriers, par exemple aux États‑Unis, ne se soucient pas de ce qui se passe dans le monde, s’ils sont heureux qu’il y ait des émeutes, de la violence, des guerres, c’est parce qu’ils détestent le monde, ils détestent leur travail, ils détestent le piège dans lequel ils se trouvent même quand ils n’en sont pas conscients.
Mais il faut essayer de supprimer les causes de la violence. La non-violence comme stratégie ne marche pas si elle est simplement une stratégie. Cela veut dire que si nous restons des révolutionnaires violents et si nous avons des sentiments très violents — moi, j’ai beaucoup de sentiments très violents et je dis tout le temps que c’est en reconnaissant la violence intérieure que je suis par contre « antiviolent », « contre‑violent » — mais tant que nous envisageons la non‑violence comme une stratégie, elle ne réussira pas du tout. Gandhi, qui a fait beaucoup de fautes mais qui était néanmoins un homme extraordinaire, n’a pas parlé de non‑violence, c’était une phrase qui était utilisée par ses disciples, il disait tout le temps qu’il faut attaquer l’ennemi avec ce qu’il appelait la « force d’amour ». Pour les révolutionnaires occidentaux ça veut dire qu’on a le désir de voir le monde dans un état d’amour, un état absolument différent. Pour ma part, je n’ai pas envie d’aller vers un policier avec un fusil et de le tuer. S’il y a des personnes qui choisissent la violence je leur dirai : Est‑ce que vous voudriez tuer un gendarme dans la rue ? Est‑ce que vous voulez fusiller le baron Rothschild ou M. Rockefeller ? Il faut commencer à voir la société comme un tout, comme l’ensemble des individus. Nous sommes des anarchistes et nous sommes des individus et nous devons respecter les droits de tous les individus, c’est l’individu, c’est la vie, c’est l’homme lui‑même qu’il faut commencer à respecter. On dit : « Ah non, je ne veux pas tuer ce CRS, je ne veux pas tuer ce gendarme, mais si l’agent m’attaque…» Je dirais qu’il faut vivre toute la vie dans le même esprit afin qu’au moment où le gendarme attaque vous sachiez ce qu’il faut faire. Mais si nous nous préparons à utiliser la violence, bien sûr, quand la police arrivera, nous irons l’attaquer, nous irons la tuer et le cycle continue.
— Donc, il faut d’abord casser un certain mode de relation, mais vous refusez de condamner un sujet qui tuerait un tyran, vous considérez qu’il est en état de légitime défense…
— Oui, mais on ne peut se demander toute la vie ce que l’on va faire si le maniaque attaque le bébé. Rien sûr, s’il est en train d’étrangler le bébé je vais l’attaquer ; mais c’est ridicule de vivre toute la vie avec cette idée. Il ne faut plus regarder le Grand Camp adverse comme des maniaques mais comme des hommes, et ça c’est très difficile…
— Vous faites éclater la culture par la violence car votre action sur le théâtre est violente…
— Je préfère dire qu’elle est passionnée…
… Les bourgeois sont très fâchés au théâtre quand nous commençons à leur crier : « Vous êtes stupides ». Ce n’est pas exactement ce que nous voulons dire, mais ce serait possible. Lors d’une représentation j’ai commencé à cracher vers quelqu’un et il était très, très choqué et j’ai dit : « Ce n’est pas du napalm, c’est simplement du fluide de mon corps, c’est ma passion que je vous donne, c’est très différent, je cherche des moyens pour vous éveiller ! »
— Comme l’action des surréalistes, Dada était violent. En fait, est‑ce que vous ne croyez pas que lorsque les contradictions de la société bourgeoise éclateront ce sera forcément violent ?
— Il ne me semble pas que ce sera violent en ce sens‑là. J’envisage une transformation, mais cette transformation peut se faire par étapes successives. Il me semble que maintenant nous nous trouvons dans une période où la violence commence pour la première fois dans l’histoire de l’homme à être le centre de presque toute la pensée du monde. Il y a cinquante ans, quand les révolutionnaires se rassemblaient à un endroit, ils se demandaient simplement comment réussir, et la question de l’utilisation de la violence restait en dehors des conversations. Maintenant, je trouve que les révolutionnaires que je rencontre sont tous obsédés par cette question. Il y a des révolutionnaires qui adoptent la violence mais en même temps ils disent que c’est simplement parce que c’est nécessaire, qu’il n’y a pas d’autres moyens, etc., c’est très passionné dans leur façon de s’exprimer. Les autres, ceux qui restent pacifiques disent : « Mon Dieu ! il faut libérer les exploités, comment peut‑on faire sans utiliser la violence ? » Ils sont déchirés par cette question et ça me semble une chose très intéressante et je ne veux pas laisser ce moment d’histoire en devenant encore une fois partisan de la violence. Il faut voir la différence entre les formes variées de la violence ; je crois qu’il nous faut commencer à voir la violence physique comme une chose à part, c’est cette violence qu’il nous faut essayer de faire disparaître. On peut faire ce qui semble nécessaire par la violence mais sans détruire la vie d’un homme.
— Vous parliez tout à l’heure de l’individu : si je veux accomplir, par exemple, une véritable révolution sexuelle, il faudra que je me fasse violence contre les tabous, contre tout ce que l’éducation m’a inculqué. Si le monde veut changer, si la vie veut changer il faudra que le monde se fasse violence, c’est‑à‑dire que les différentes classes de ce monde s’affrontent. Quand différentes classes s’affrontent il est évident qu’il y a des hommes qui sont tués.
— La révolution ne s’accomplira pas sans une révolution des structures. C’est‑à‑dire que le Bouddha a eu de très belles idées de civilisation, le Christ aussi, mais le problème des chrétiens est qu’ils ont imaginé la possibilité d’un homme éthique dans une société non éthique. C’est la même chose avec le bouddhisme qui envisage la possibilité de suivre tous les préceptes de Bouddha dans une monarchie, ou le christianisme qui a pensé qu’il serait possible de suivre les préceptes du Christ dans le royaume de César ou le capitalisme. Nous savons maintenant que ce n’est pas possible. Si j’achète ou si je vends quelque chose, la relation éthique entre nous est brisée.
— Les communautés en sont là. C’est ce que je vous reprochais de faire. Je vous reprochais de vouloir vivre dans un monde qui rend la vie impossible, de vouloir qu’il y ait des hommes dans un monde qui rend les hommes parcellaires.
— Les anarchistes travaillent maintenant avec une idée vieille d’une centaine d’années. Il y a bien sûr des individus ou des groupes historiques qui ont exprimé les idées de liberté économique et sociale, mais c’est vraiment une nouvelle idée et le Grand Camp adverse dit toujours : « Mais l’anarchie est impossible ! » Nous pouvons dire que le capitalisme en 10 000 ans n’a pas réussi… C’est une nouvelle idée qui existe depuis le temps de Moïse mais en même temps qu’il y a les dix commandements, il y a dans la Bible 600 raisons pour tuer. Ainsi, il y a contradiction. Maintenant, nous sommes en face d’une nouvelle idée que nous commençons à examiner et je crois qu’il nous faut essayer d’approfondir cette idée. Gandhi a fait beaucoup d’erreurs, il a eu une vie sexuelle pleine de contradictions, mais ça ne veut pas dire que toutes ses idées ne valent pas la peine d’être étudiées. Si je parle d’une vie idéale, de l’essai de restructurer la société afin que tous les hommes puissent trouver un peu de satisfaction, si je dis qu’il faut respecter les idées des individus et laisser vivre même les parasites dans un tel monde parce que je ne veux pas dire que si l’on ne travaille pas on ne mange pas ; je ne veux pas dire aux révolutionnaires pour construire un tel monde s’il faut tuer, tuez, s’il faut détruire, détruisez. Je veux essayer de trouver une autre attitude face à la vie.
— Est‑ce que dans votre communauté chaque membre a, à peu près, le même mode de pensée que vous ?
— Non, il y a beaucoup d’idées différentes dans la troupe. On peut dire que dans la communauté il y a ceux qui sont beaucoup plus formellement marxistes, ceux qui laissent à part les idées politiques mais s’intéressent beaucoup au style de vie, et ceux qui sont plus concernés par le fonctionnement de la communauté et moins par le travail théâtral. Il y a des variations. Nous avons sans cesse des discussions mais nous les acceptons.