La Presse Anarchiste

Les exemptions

Depuis quelques mois, un grand nombre de sur­si­taires se sont vus exemp­tés du ser­vice mili­taire actif. Ce phé­no­mène ne reste pas loca­li­sé aux jeunes repé­rés lors de mani­fes­ta­tions ou fichés pour leurs idées révo­lutionnaires, mais s’étend à tous les étu­diants sans consi­dération de leurs idéo­lo­gies et enga­ge­ments politiques.

Le fait est donc assez impor­tant pour que l’on se penche sur le pro­blème et que l’on essaye de trou­ver les rai­sons qui poussent le gou­ver­ne­ment à se débar­ras­ser d’un tel contin­gent de jeunes.

L’explication de ce phé­no­mène se trouve dans les nou­velles dis­po­si­tions du Code du ser­vice natio­nal. En effet, le ser­vice natio­nal actif s’effectue main­tenant à l’âge de 19 ans avec pos­si­bi­li­té de par­tir à 18 ans ou de repor­ter l’incorporation au plus tard à 21 ans (article 5 ). Les sur­sis ont donc été suppri­més (excep­té pour cer­taines études : phar­ma­cie, chi­rur­gie et méde­cine). Le géné­ral Va­nuxem nous don­nait les rai­sons de la sup­pres­sion des sur­sis dans « Car­re­four » du 12 février 1969 : « Aujourd’hui, où les nou­velles incor­po­ra­tions amè­nent des recrues habi­tuées à la contes­ta­tion, on ne peut pré­voir quels désordres celles‑ci pour­raient pro­vo­quer dans l’armée ni leurs conséquences. »

L’on ne peut être plus clair. Plus loin, il ajou­tait : « À cet âge‑là (18 ans), l’armée serait plus apte encore qu’aujourd’hui à par­faire, sur des esprits plus souples, l’instruction de base… L’instruction civique, sur­tout, pour­rait y être don­née en temps vou­lu et s’imprégner plus faci­le­ment dans des cires un peu molles et qui n’ont pas été à jamais éraillées par le byzan­ti­nisme et les sophistica­tions de com­pa­gnon­nage douteux…»

Ain­si, l’armée se veut éduca­trice, afin de pal­lier la prise de conscience lycéenne et d’éviter que l’Université ne soit un foyer de contes­ta­tion d’où naissent les théo­ries révolutionnaires.

Le gou­ver­ne­ment prend donc l’offensive et son pre­mier geste consiste en l’élimination d’élé­ments dou­teux sus­cep­tibles de jouer un rôle démys­ti­fi­ca­teur de l’armée, au sein de la caserne. Main­te­nant que ces gens sont écar­tés, les mili­taires peuvent à leur aise prendre en main l’éducation civique et idéo­lo­gique de nos lycéens.

Jacques Moreau

La Presse Anarchiste