La Presse Anarchiste

Pour un refus politique de l’armée

Cent ans après la Com­mune de Paris et les leçons tirées par les révo­lu­tion­naires les plus conscients (Marx, Bakou­nine, Luxem­bourg…) quelles sont les posi­tions du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire actuel face au mili­ta­risme de l’État moderne ? Les orga­ni­sa­tions tra­di­tion­nelles du pro­lé­ta­riat ont com­plè­te­ment tra­hi l’antimilitarisme en entrant dans l’Union sacrée en 1914, sur­tout les syn­di­cats ; seule une mino­ri­té com­po­sée d’anarchistes, de syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires, de paci­fistes et de mar­xistes révo­lu­tion­naires a résis­té à ce courant.

La seule résis­tance réelle (mais qui est res­tée inef­fi­cace) fut la résis­tance indi­vi­duelle : la déser­tion, l’insoumission, l’objection de conscience. La résis­tance col­lec­tive fut spon­ta­née et vite répri­mée : muti­ne­rie de 1917, révolte des marins de la mer Noire en 1921 ; elle ne fut sou­te­nue par aucune orga­ni­sa­tion exis­tante, excep­té quelques groupes d’anarchistes.

L’antimilitarisme réap­pa­rut au sein du PC nais­sant, dès 1921, grâce aux tra­di­tions anarcho‑syndicalistes, mais encore plus par oppor­tu­nisme, pour sou­te­nir la révo­lu­tion en Rus­sie, du moins le pou­voir bol­che­vik. Le peuple russe n’eut pas de peine à détruire l’appareil mili­taire de l’État tsa­riste, celui‑ci s’étant dis­sous dans la débâcle de 1917, en voie de dégé­né­res­cence depuis 1905. Mal­heu­reu­se­ment, au lieu d’achever ce pro­ces­sus de dis­so­lu­tion de l’appareil éta­tique, Lénine et Trots­ky recons­ti­tuèrent un nou­vel appa­reil, sur les mêmes bases d’obligation mili­taire, mal­gré une déro­ga­tion pour les tol­stoïens admis au ser­vice sani­taire. Les cadres de l’Armée rouge furent en par­tie des anciens offi­ciers tsa­ristes « ral­liés » à la révo­lu­tion et des membres du par­ti bol­che­vik, « com­mis­saires poli­tiques », c’est‑à‑dire qu’il n’y avait aucune démo­cra­tie réelle.

L’autodéfense de la révo­lu­tion, au lieu d’être prise en charge direc­te­ment et tota­le­ment par les soviets (comme ils le furent en Ukraine et comme le vou­laient les marins et les tra­vailleurs de Crons­tadt), fut liqui­dée au pro­fit de l’Armée rouge sous les ordres de Trots­ky. La même erreur fut répé­tée pen­dant la révo­lu­tion espa­gnole : les milices popu­laires furent créées au début par les orga­ni­sa­tions poli­tiques et syn­di­cales pour défendre la révo­lu­tion, mais aus­si leurs inté­rêts res­pec­tifs (conflits entre les milices ouvrières anar­chistes de la CNT et les bri­gades inter­na­tio­nales d’obédience « sta­li­nienne » et aus­si conflit avec la Garde répu­bli­caine…). En Cata­logne, fut réa­li­sée pen­dant un moment, en 1936, l’unité de toutes les milices indé­pen­dam­ment du pou­voir cen­tral et de l’armée répu­bli­caine. Mais la situa­tion était de plus en plus pré­caire, les fas­cistes armant à outrance Fran­co sans qu’aucune oppo­si­tion inter­na­tio­nale ne s’y oppo­sât. D’un autre côté, la révo­lu­tion se ven­dait à la Rus­sie de Sta­line, ce ven­deur d’armes, avec des contre­par­ties favo­rables aux « com­mu­nistes » entrés au gou­ver­ne­ment : com­mis­saires poli­tiques dans les bri­gades inter­na­tio­nales, direc­tion de l’armée répu­bli­caine et ensuite écra­se­ment des réa­li­sa­tions révo­lu­tion­naires en 1937.

Pour nous, il est évident que le refus du ser­vice mili­taire s’inscrit réel­le­ment dans une pers­pec­tive révo­lu­tion­naire : la non‑collaboration au mili­ta­risme per­met de mener une lutte beau­coup plus effi­cace contre les struc­tures répres­sives de la socié­té bour­geoise et de mar­quer en même temps la soli­da­ri­té la plus effec­tive avec les cama­rades révo­lu­tion­naires dans le tiers monde se bat­tant contre l’impérialisme.

Récupération des OC par l’État

Pour les mili­tants révo­lu­tion­naires, le sta­tut actuel des objec­teurs de conscience pré­co­ni­sant le ser­vice civil reste équi­voque. La léga­li­sa­tion du sta­tut, bien qu’étant un pro­grès indé­niable pour l’action des OC, per­met à l’État de régle­men­ter les rai­sons de conscience, et par là l’État empiète une nou­velle fois sur un droit fon­da­men­tal de l’homme : sa liber­té de conscience et de raison.

Mais il appa­raît clai­re­ment que l’octroi par l’État du sta­tut cor­res­pond à une néces­si­té stra­té­gique pour réor­ga­ni­ser son poten­tiel mili­taire. En effet, les res­pon­sables poli­tiques et mili­taires se sont enga­gés à créer un corps d’intervention mili­taire ayant une réelle effi­ca­ci­té. Il était donc logique, puisque l’idée d’une armée de métier consti­tuée uni­que­ment d’une élite com­bat­tante ne semble nul­le­ment plaire à bon nombre de par­le­men­taires, de son­ger à éli­mi­ner les gêneurs, les poètes, les contes­ta­taires du manie­ment des armes, tout en gar­dant un contrôle étroit sur leurs acti­vi­tés par l’instauration du ser­vice civil obli­ga­toire. Ain­si, le rôle édu­ca­tif, dévo­lu tra­di­tion­nel­le­ment à l’armée, reste pré­ser­vé à l’intérieur du ser­vice civil : la subor­di­na­tion, l’encadrement de la jeunesse.

L’instauration du ser­vice civil per­met aus­si à l’État de conti­nuer à l’aise sa poli­tique d’armement. Le ser­vice civil n’est qu’un paravent à la mobi­li­sa­tion mili­taire et ne pré­pare donc nul­le­ment la paix, mais contri­bue, par la poli­tique de l’État, à main­te­nir la situa­tion actuelle, c’est‑à‑dire l’injustice sociale et l’exploitation éco­no­mique des travailleurs.

L’objection révolutionnaire

Pouvons‑nous admettre, en tant que révo­lu­tion­naires refu­sant le mili­ta­risme de l’État, d’être obli­gés de ser­vir les inté­rêts de ce même État sous l’égide d’un autre minis­tère que celui de la Défense nationale ?

Cette posi­tion, défen­due par cer­tains paci­fistes, nous paraît incom­pa­tible avec l’idéal pour lequel nous lut­tons (socié­té non auto­ri­taire et sans hié­rar­chie). Nous pré­co­ni­sons la dis­pa­ri­tion de l’État comme préa­lable révo­lu­tion­naire indis­pen­sable à l’instauration d’une liber­té effec­tive pour tous basée sur la res­pon­sa­bi­li­té mutuelle engen­drant la démo­cra­tie directe, le fédé­ra­lisme et l’autogestion éco­no­mique géné­ra­li­sée sans aucun inter­mé­diaire bureaucratique.

Antimilitarisme et perspective révolutionnaire

Le rôle tra­di­tion­nel­le­ment dévo­lu à l’armée est le nivel­le­ment des per­son­na­li­tés, la néga­tion de l’individu sous l’uniforme et de la liber­té de conscience, la réduc­tion des fortes têtes et de faire de la jeu­nesse une jeu­nesse ran­gée. « Consi­dé­rant l’armée comme une école de ser­vi­lisme et d’automatisme dégra­dant, comme l’apprentissage du meurtre, comme un centre de pros­ti­tu­tion intel­lec­tuelle et morale, comme un labo­ra­toire qui anes­thé­sie les consciences en culti­vant la perte du sen­ti­ment de culpa­bi­li­té chez les hommes, per­met­tant ain­si les san­glantes héca­tombes de mil­lions d’êtres. » (Jean Van Lierde). De plus, les tra­vailleurs sous les dra­peaux peuvent être ame­nés à tra­hir le milieu dont ils sont issus en inter­ve­nant comme agents de répres­sion aux côtés de la gen­dar­me­rie et de la police.

Seule­ment, l’évolution actuelle du mili­ta­risme nous oblige à trou­ver de nou­velles réponses pour la lutte anti­mi­li­ta­riste, un cer­tain effort d’imagination dans les moyens d’action (de la déso­béis­sance civile à l’action directe contre l’appareil mili­ta­riste). La résis­tance au mili­ta­risme se situe à plu­sieurs niveaux : à l’intérieur ou à l’extérieur de l’armée, contre l’infrastructure éco­no­mique (usines d’armement), son infra­struc­ture idéo­lo­gique (écoles mili­taires)… Si l’armée moderne devient de plus en plus une armée de métier, c’est sur­tout une consé­quence iné­luc­table de l’évolution tech­no­lo­gique du capi­ta­lisme et cela n’exclut pas la conscrip­tion. Réci­pro­que­ment, l’antimilitarisme se doit de lut­ter à la fois contre la conscrip­tion et contre l’armée de métier, tout en sachant qu’il sera plus facile d’abolir la conscrip­tion que le reste du mili­ta­risme, mais cela per­met­tra de libé­rer des forces vives pour le reste du combat.

Solidarité révolutionnaire

La solu­tion révo­lu­tion­naire à la guerre d’Indochine, pour nous « Occi­den­taux » loin des maquis, ne peut être qu’un sou­tien plus effec­tif à la résis­tance amé­ri­caine à deux niveaux : expri­mer notre soli­da­ri­té avec les déser­teurs, insou­mis, objec­teurs, ren­for­cer les réseaux, l’aide finan­cière, dif­fu­ser leur lutte, lut­ter contre l’Otan, s’attaquer à l’infrastructure éco­no­mique, diplo­ma­tique, mili­taire de l’impérialisme yan­kee sur notre ter­ri­toire et ren­for­cer la lutte contre notre propre appa­reil militaire.

Accep­ter le ser­vice mili­taire, c’est consciem­ment faire le jeu de l’impérialisme amé­ri­cain au Viet­nam et per­mettre le ren­for­ce­ment du poten­tiel mili­taire occi­den­tal en Alle­magne de l’Ouest, favo­ri­sant ain­si l’escalade de l’agression impé­ria­liste en Extrême‑Orient. En contre­par­tie, c’est admettre le mili­ta­risme sovié­tique et par là jus­ti­fier l’impérialisme des armées d’occupation russes (pacte de Var­so­vie) en Tché­co­slo­va­quie, en Pologne, en Hon­grie… Mais que pen­ser des mili­tants de gauche qui, sou­te­nant la lutte du peuple viet­na­mien (d’une manière ver­bale, bien sûr), par­ti­cipent pra­ti­que­ment — en accom­plis­sant leur ser­vice mili­taire — à la poli­tique impé­ria­liste de l’Otan ?

La col­la­bo­ra­tion avec l’État, au tra­vers du ser­vice civil, ne peut que ren­for­cer l’emprise bour­geoise sur l’action des OC. Le sabo­tage à l’intérieur de cer­tains orga­nismes employeurs est en effet répri­mé par une remise à la dis­po­si­tion de l’OC au minis­tère de l’Intérieur. Mais toutes les ASBL ne sont pas récupérées…

Théo­ri­que­ment, notre oppo­si­tion au ser­vice civil est donc com­plète, la lutte anti­mi­li­ta­riste révo­lu­tion­naire ne peut se four­voyer sur un tel ter­rain de « conscrip­tion civile ».

Mais alors, que reste‑t‑il à l’objecteur révolutionnaire ?

Le refus des com­pro­mis­sions mène néces­sai­re­ment au radi­ca­lisme. La résis­tance aux struc­tures répres­sives, mises en place par l’État pour enca­drer la jeu­nesse, est néces­saire pour mener une véri­table lutte révo­lu­tion­naire. Seule­ment, le refus du ser­vice mili­taire et du ser­vice civil signi­fie­ra, en toute logique bour­geoise, l’emprisonne­ment.

Pour ceux qui hési­te­raient devant cette ultime consé­quence, le ser­vice civil pour­rait néan­moins s’avérer valable, mais comme « com­pro­mis pro­vi­soire », à condi­tion de fixer dès le départ les limites de par­ti­ci­pa­tion au ser­vice civil, étant enten­du que le ser­vice civil n’est pas un but en soi, mais uni­que­ment un moyen de militer.

Bien que nous pen­sions que la trans­for­ma­tion radi­cale de notre socié­té ne pour­ra se faire que par un mou­ve­ment révo­lu­tion­naire du pro­lé­ta­riat, les objec­teurs de conscience peuvent jouer un rôle d’appoint, de cata­ly­seur aus­si, dans la résis­tance au capi­ta­lisme. En accep­tant pro­vi­soi­re­ment le ser­vice civil, l’OC peut en effet se mettre à la dis­po­si­tion du mou­ve­ment révolutionnaire.

Objec­tion libertaire

(groupe de l’Internationale des résis­tants à la guerre, 35, rue Van Ele­vi­jck ‑ 1050 ‑ Bruxelles.)


Quelques remarques

La relec­ture du texte publié par Objec­tion liber­taire me pousse à émettre quelques précisions.

Il est clair que pour moi le refus du ser­vice mili­taire et l’opposition radi­cale à l’armée se basent sur une ana­lyse préa­lable du rôle de l’armée dans le sys­tème capi­ta­liste (à ges­tion pri­vée ou à ges­tion bureau­cra­tique d’État), sou­tien indis­pen­sable du sys­tème d’exploitation en place.

Le texte n’est pas assez expli­cite à cet égard. Il s’agit pour moi bien plus d’une oppo­si­tion à un sys­tème répres­sif, embri­ga­dant les jeunes dès leur sor­tie de l’encasernement sco­laire et sus­cep­tible de ser­vir le pou­voir en place contre les luttes anti­capitalistes des tra­vailleurs, que d’un éven­tuel dan­ger de guerre entre nations (cette der­nière pro­pa­gande est bien faite par les mou­ve­ments pacifistes).

Il était aus­si utile d’attirer notre atten­tion sur la tra­di­tion anti­mi­li­ta­riste dans le mou­ve­ment ouvrier. Peut‑être que le texte n’approfondit pas assez les exemples cités. Il existe une rup­ture nette entre les pra­tiques révo­lu­tion­naires des tra­vailleurs créant un sché­ma d’organisation anti­mi­li­taire pour défendre la révo­lu­tion et les pra­tiques mili­taires tra­di­tion­nelles. L’antimilitarisme signi­fie le refus de la hié­rar­chie, de l’ordre idiot, de l’irresponsabilité, de l’encasernement. C’est pour cela que le mou­ve­ment makh­no­viste, sans vou­loir le récu­pé­rer, est d’essence anti­mi­li­ta­riste : refus de la hié­rar­chie, auto­no­mie et démo­cra­tie ouvrières au sein des diverses uni­tés. Ici, on pour­rait poser le pro­blème de la défense de la révo­lu­tion. Les mar­xistes ont une réponse toute faite à ce sujet : la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, qui jusqu’à pré­sent s’est illus­trée par la dic­ta­ture de la bureau­cra­tie du par­ti bol­che­vik sur le pro­lé­ta­riat au tra­vers de la mili­ta­ri­sa­tion, dont la liqui­da­tion de la révo­lu­tion (Armée rouge, com­mis­saires poli­tiques…). Il est évident que nous ne pou­vons sous­crire à un tel rai­son­ne­ment, mais qu’il est aus­si indis­pen­sable de cher­cher à don­ner une réponse cohé­rente. La pra­tique des milices ouvrières en Rus­sie, en Alle­magne, en Espagne doit être envi­sa­gée sous un tel aspect. His­to­ri­que­ment, elles ont répon­du à des cri­tères liber­taires : auto­no­mie, démo­cratie directe, res­pon­sa­bi­li­té col­lective. Cela, bien sûr, n’est qu’un début de réponse…

Est récu­pé­ré qui veut.

Il est cer­tain aus­si que le dan­ger de récu­pé­ra­tion des objec­teurs de conscience par l’État n’existe pas encore en Belgique.

Il s’agit d’une vue pro­phé­tique (on peut le contes­ter et dire que les anars sont cou­pés de la réa­li­té quo­ti­dienne des OC et se limitent à avoir rai­son sur le papier, ques­tion de bonne conscience). Pour­tant, en Bel­gique, au cours de la cam­pagne élec­to­rale 1971, divers bruits quant à la créa­tion d’un ser­vice civil géné­ra­li­sé de tous les jeunes ont été avan­cés (pro­po­si­tion socia­liste). Il s’agirait de consti­tuer une armée de métier stra­té­gi­que­ment effi­cace tout en gar­dant une main­mise sur les jeunes pour des besognes huma­ni­taires : créa­tion d’une main‑d’œuvre à bon mar­ché pour com­bler les lacunes les plus appa­rentes de l’incurie de l’État au niveau des besoins socio­cul­tu­rels de la population.

La pra­tique actuelle des OC belges.

Pra­ti­que­ment, il n’y a presque aucun contrôle de l’État sur les occu­pa­tions des OC en ser­vice civil, mais cer­tains signes du ren­for­ce­ment de la répres­sion ne doivent nul­le­ment nous lais­ser indifférents.

Les OC font ce qu’ils veulent : l’amour, la pop musique, de la pein­ture… Mais comme leur enga­ge­ment n’est pas poli­tique, ils ne dérangent pas trop le pou­voir éta­bli : ils consti­tuent une mani­fes­ta­tion mar­gi­nale de la révolte des jeunes et res­tent incom­pris, voire igno­rés dans la grande masse du public (pour­tant à plu­sieurs reprises ils ont eu les hon­neurs de la presse et de la radio).

Cepen­dant, un virage qualitati­vement impor­tant vient d’être pris par cer­tains OC. En effet, quelques‑uns ont par­ti­ci­pé à la cam­pagne anti-élec­tions (lan­cée ini­tia­le­ment par le Groupe com­mu­niste liber­taire, à Bruxelles, contre l’obligation de voter).

Cet enga­ge­ment a cer­tai­ne­ment une valeur poli­tique et peut appa­raître comme une volon­té d’action col­lec­tive diri­gée vers l’extérieur. En tout cas, c’est un pre­mier effort pour sor­tir du ghet­to com­mu­nau­taire dans lequel ils s’étaient enli­sés en 1971.

Mais il est évident aus­si que je peux dif­fi­ci­le­ment juger d’une pra­tique du ser­vice civil. C’est avant tout aux OC eux‑mêmes à répondre, et l’engagement au côté du mou­ve­ment révolution­naire, tel qu’il est pré­co­ni­sé dans le texte Objec­tion liber­taire, c’est à l’individu lui‑même de le décider.

Mais il était utile de dire qu’une action mili­tante radi­cale et effi­cace ne peut être menée à l’armée, à cause des struc­tures répres­sives en place. Le ser­vice civil offre cette pos­si­bi­li­té actuel­le­ment. Il fal­lait atti­rer l’attention des mili­tants révolutionnaires.

Je tiens à rap­pe­ler que le refus de tout ser­vice — civil ou mili­taire — est une vieille reven­di­ca­tion de l’IRG (oppo­si­tion radi­cale à toute conscrip­tion au pro­fit de l’État). Il ne fau­drait pas l’oublier sous pré­texte que nous avons lut­té pour l’obtention du sta­tut et que, dès lors, tout comme les anciens com­bat­tants, il faut défendre le ser­vice civil. Il s’agit uni­que­ment d’une étape qu’il faut dépas­ser aujourd’hui puisque le sta­tut est voté.

Pour moi, le ser­vice civil est un pis‑aller, une voie de garage. Seule­ment, je ne me sens pas le droit de conseiller ver­ba­le­ment à des cama­rades de faire de la taule, alors que cela ne m’engage pas per­son­nel­le­ment. C’est pour cela que j’accepte momen­ta­né­ment cette contradiction.
Quant à défi­nir une stra­té­gie radi­cale à l’intérieur du ser­vice civil, la posi­tion que je retien­drai, c’est avant tout de cher­cher à ne pas se cou­per de la réa­li­té sociale, à ne pas se lais­ser enfer­mer dans une quel­conque bureau­cra­tie ou com­mu­nau­té sans cher­cher à res­ter en contact avec la vie, avec les luttes quo­ti­diennes du peuple pour sa survie.

Fran­çois Destryker 

La Presse Anarchiste