La Presse Anarchiste

Politisation du service civil

Depuis 1963, le pou­voir s’est ingé­nié à faire pas­ser les objec­teurs pour des jeunes dont la seule pré­oc­cu­pa­tion était de ne jamais tou­cher un fusil. Et, par consé­quent, ces jeunes ne pou­vaient qu’être satis­faits du ser­vice civil qu’on leur pro­po­sait (ou plus exac­te­ment qu’on leur impo­sait), puisque c’était pour eux l’occasion de ser­vir le pays (ou le régime?) sans por­ter les armes. Cer­tains objec­teurs refusent ce rôle qu’on veut leur faire jouer et élar­gissent le champ de leur objec­tion à une contes­ta­tion glo­bale du sys­tème capi­ta­liste et non plus seule­ment à un refus de col­la­bo­rer avec l’armée. Cela n’est pas nou­veau mais tend à se généraliser.

Cette forme d’objection, cou­ram­ment et assez mal­adroi­te­ment qua­li­fiée d’objection poli­tique, peut se déve­lop­per concrè­te­ment de dif­fé­rentes, façons : refus du sta­tut, demande de béné­fice du sta­tut en termes poli­tiques, accom­plis­se­ment d’un ser­vice civil à signi­fi­ca­tion poli­tique claire, etc. C’est cette troi­sième pos­si­bi­li­té que je vais ten­ter de déve­lop­per ici, à savoir com­ment poli­ti­ser le ser­vice civil ou com­ment remettre en cause cette notion de ser­vice obli­ga­toire. Dif­fé­rentes solu­tions s’offrent à l’objecteur ayant obte­nu le béné­fice du sta­tut. C’est à cha­cun selon sa situa­tion et ses exi­gences propres de déter­mi­ner la forme du ser­vice qu’il va effectuer.

Quelques sug­ges­tions :

1. Accep­ter d’effectuer un ser­vice civil cou­vert par une asso­cia­tion agréée, mais recher­cher une affec­ta­tion ayant un conte­nu suf­fi­sam­ment sub­ver­sif. À Besan­çon, lors de la jour­née de tra­vail du 2 octobre sur l’objection poli­tique, il avait été sug­gé­ré que des équipes d’OC partent au Ben­gale (la res­pon­sa­bi­li­té du gou­ver­ne­ment fran­çais dans le conflit pakis­ta­nais n’étant plus à démontrer).

2. Accep­ter la cou­ver­ture d’une asso­cia­tion agréée par le minis­tère, mais conti­nuer de vivre comme avant son « incor­po­ra­tion », l’action poli­tique se situant d’abord au niveau du quo­ti­dien. On peut repro­cher à cette solu­tion d’être ambi­guë, dans la mesure où la posi­tion de l’OC par rap­port à l’association qui le couvre n’est pas très claire. Les par­ti­sans de cette solu­tion diront bien sûr que les asso­cia­tions et le pou­voir ne­ font qu’un.

3. Refu­ser la cou­ver­ture d’une asso­cia­tion agréée et soit effec­tuer un ser­vice civil, soit conti­nuer de mener une action poli­tique au niveau de son tra­vail. Dans la mesure où l’objecteur refuse d’être cou­vert par une asso­cia­tion, il remet en cause la notion de ser­vice obli­ga­toire, et le ser­vice qu’il effec­tue est volon­taire. Le risque d’une telle posi­tion est impor­tant puisque l’OC sera décla­ré insou­mis ; c’est pour­quoi une telle posi­tion doit être prise mas­si­ve­ment, si elle est prise.

Ces quelques pro­po­si­tions ne­ consti­tuent pas une liste exhaus­tive des solu­tions à appor­ter au pro­blème de la poli­ti­sa­tion de l’objection, et le débat reste rouvert.

Bru­no Dulac 

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