La Presse Anarchiste

CFDT, quel syndicalisme ?

Se faire entendre en tant que syn­di­ca­listes et liber­taires sans user de pra­tiques bureau­cra­tiques ni détour­ne­ment de man­dats au sein de la CFDT ; telle semble être la moti­va­tion du nou­veau groupe de mili­tants qui vient d’éditer dis­crè­te­ment le n° 1 du bul­le­tin « Réflexion syn­di­ca­liste et liber­taire ». Qui sont ces mili­tants ? Dans leur lettre de pré­sen­ta­tion parue en juin ils se défi­nissent ain­si : « Nous sommes un groupe de mili­tants CFDT dési­reux de faire entendre nos concep­tions appuyées sur une pra­tique de tous les jours. » 

N’acceptant pas les méthodes bureau­cra­tiques de la « contri­bu­tion », ils veulent « avant tout, conser­ver l’unité de la CFDT gra­ve­ment mena­cée à l’heure actuelle par les affron­te­ments, ouverts ou feu­trés, entre la « majo­ri­té confé­dé­rale », la « contri­bu­tion » et l’extrême gauche révo­lu­tion­naire » ! Le groupe « Réflexion » accuse les som­mets fédé­raux d’avoir pro­vo­qué la situa­tion actuelle de la CFDT consé­cu­ti­ve­ment aux appels pour les Assises du socia­lisme qui auraient exa­cer­bé les luttes de ten­dances, dan­ger pour l’unité et l’efficacité de la CFDT. 

Le lec­teur note­ra sans doute la simi­li­tude de conso­nance entre le groupe « Réflexion » avec celle du groupe « Recons­truc­tion », groupe qui a été à l’origine de la trans­for­ma­tion de la CFTC en CFDT. 

Nous sommes assez réti­cents quant à la for­ma­tion de groupes intra-confé­dé­raux. Sou­vent, et l’expérience le prouve, ceux-ci finissent par déna­tu­rer les idées et l’action syn­di­ca­listes liber­taires. La cause en est la néces­saire et l’inévitable défense de l’unité confé­dé­rale qui est la contre-par­tie indis­pen­sable à don­ner pour se faire tolé­rer et ne pas atti­rer immé­dia­te­ment les réac­tions répres­sives de l’appareil. C’est le cas des pseu­do-syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires de F.O. de l’ancien bul­le­tin « Pour nous le com­bat conti­nue », regrou­pés aujourd’hui dans le groupe Fer­nand-Pel­lou­tier d’Alexandre Hébert, per­ma­nent F.O. depuis des lustres. Ce groupe qui passe l’essentiel de son temps à la cri­tique de l’Église catho­lique, ency­cliques à l’appui, et à celle de la CFDT accu­sée d’être un paravent à curés. Mais de com­pro­mis en com­pro­mis­sion, ces cama­rades en sont arri­vés à ne plus rien faire d’autre que d’assurer le sou­tien de F.O. et Ber­ge­ron, garant de l’unité de F.O., et la péren­ni­té de l’appareil de Force Ouvrière quoi qu’il en coûte. Deman­dez aux cama­rades confron­tés loca­le­ment à cette réa­li­té ce qu’il en est exac­te­ment du syn­di­ca­lisme liber­taire de ces messieurs !

Rap­pe­lons que le groupe « Recons­truc­tion » repo­sait presque uni­que­ment sur des res­pon­sables bien implan­tés dans l’appareil de la CFTC dont la figure la plus mar­quante aura été Eugène Des­camps. Les anciens membres de ce groupe sont les actuels per­ma­nents fédé­raux et confé­dé­raux accu­sés aujourd’hui de frac­tion­nisme et qui, ne l’oublions pas, sont rom­pus aux pra­tiques obs­cures, bureau­cra­tiques et de ten­dances, tel qu’ils ont pu le démon­trer dans les affaires récentes que dénonce le groupe « Réflexion ».

L’Alliance Syn­di­ca­liste est heu­reuse de consta­ter que des ini­tia­tives liber­taires se mani­festent avec viva­ci­té, mais que ce sen­ti­ment n’empêche pas la cri­tique néces­saire et le débat public. 

Quand les anar­cho­syn­di­ca­listes et les syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires anti­au­to­ri­taires ont déci­dé de consti­tuer l’ASRAS, leur but était de construire une orga­ni­sa­tion d’expression et d’action syn­di­ca­liste liber­taire qui puisse regrou­per l’ensemble des anar­cho­syn­di­ca­listes et syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires sans aucune consi­dé­ra­tion d’appartenance syn­di­cale ni et sur­tout de ne pri­vi­lé­gier aucune confé­dé­ra­tion quel­conque. Il appar­te­nait à cha­cun de se déter­mi­ner en fonc­tion des réa­li­tés locales et d’être là où son action aurait été le plus effi­cace et où la défense des inté­rêts ouvriers serait le mieux défen­du. Dans la pra­tique, la CFDT a été pri­vi­lé­giée de fait : le choix de la majo­ri­té des cama­rades se por­tant sur la CFDT, seule struc­ture démo­cra­tique et d’action ouvrière du moment qui ne soit tom­bée dans la col­la­bo­ra­tion de classe comme F.O.

Nous sou­hai­tons de tout cœur que le jeune groupe « Réflexion » sache pas­ser au tra­vers des mailles de cet obs­tacle et ne pas, non plus, dégé­né­rer en un groupe de défense de rela­tive auto­no­mie des syn­di­ca­listes de sym­pa­thie libertaire. 

Le n°1 de « Réflexion » ne répond pas à notre seconde inquié­tude. Ce numé­ro sur le fédé­ra­lisme est un peu trop gen­tillet, rien de trop cho­quant pour la bureau­cra­tie, ni de très moti­vant pour des mili­tants qui recher­che­raient une struc­ture d’action ; même si les ques­tions sou­le­vées sont assez per­ti­nentes et que les pro­po­si­tions de réforme, visant à amé­lio­rer le fonc­tion­ne­ment de la CFDT, sont hon­nêtes. Notamment :
– l’institution sys­té­ma­tique du vote sépa­ré dès lors qu’une mino­ri­té (dont le seuil reste à fixer) le réclame ;
– la publi­ca­tion inté­grale des votes lors des congrès ou conseils afin d’assurer un meilleur contrôle des mandats ;
– sur le droit des struc­tures mino­ri­taires à ne pas s’inscrire dans des actions d’ensemble déci­dées majo­ri­tai­re­ment ain­si que le droit à leur expression. 

Par contre, les pro­po­si­tions sur la charte finan­cière de la CFDT sont très timo­rées et ne s’inscrivent que très peu dans la vision fédé­ra­liste liber­taire des struc­tures. Le sys­tème finan­cier de la CFDT est extrê­me­ment cen­tra­li­sé et ne peut être réfor­mé sans deve­nir boi­teux. Qui détient les cor­dons de la bourse détient le pou­voir réel. 

Voi­la pour­quoi nous res­tons fidèles à ce prin­cipe d’être ouverts à tous et de ne pas limi­ter notre action aux dédales de cou­loirs d’une confé­dé­ra­tion, mais tout au contraire de tou­jours consi­dé­rer l’ensemble des pro­blèmes de la classe ouvrière. Com­ment les syn­di­ca­listes liber­taires pour­raient-ils par­ler d’unité de la classe ouvrière si eux, les pre­miers, se divi­saient en une kyrielle de clubs intra-confé­dé­raux, tous igno­rants de l’action des autres cama­rades des autres confé­dé­ra­tions. Ce serait une pra­tique qui entraî­ne­rait la divi­sion ouvrière, qui serait incom­prise de l’ensemble des travailleurs. 

Nous assu­rons ces cama­rades de notre soli­da­ri­té, mais ne cau­tion­ne­rons pas cette ini­tia­tive. La consti­tu­tion de l’Alliance Syn­di­ca­liste est une condam­na­tion sans appel des patrio­tismes confé­dé­raux qui nuisent à l’action des tra­vailleurs et retardent l’avènement du socialisme. 

Par­lons d’unité bien sûr, mais de celle des travailleurs. 

La Presse Anarchiste