La Presse Anarchiste

Le Congrès des métaux de la région parisienne

Le der­nier Congrès des Métaux, qui a tenu ses assises les same­di 9 et dimanche 10 juin, a revê­tu une phy­sio­no­mie par­ti­cu­liè­re­ment typique de l’é­tat d’es­prit des mili­tants qui dirigent la Fédé­ra­tion des métaux.

Peut-on dire que les réso­lu­tions votées comme les inter­ven­tions à la tri­bune reflètent les véri­tables sen­ti­ments des tra­vailleurs métal­lur­gistes de la région pari­sienne ? Nous ne le pen­sons pas ; la pré­pa­ra­tion de ce congrès a revê­tu un aspect assez clas­sique, que les mili­tants syn­di­ca­listes connaissent bien.

Orga­ni­sa­tion de réunions pré­pa­ra­toires dans les usines au cours des­quelles sont pas­sées en revue les reven­di­ca­tions propres à la sec­tion. Et si dans les « tôles » impor­tantes on peut dire que le pro­blème de l’o­rien­ta­tion géné­rale du syn­di­cat est posé, par contre, dans les petites boîtes, ces ques­tions sont rare­ment trai­tées, et toute lati­tude est lais­sée au délé­gué qui vote sui­vant ses pré­fé­rences per­son­nelles et sou­vent sans avoir eu connais­sance en temps utile des pro­blèmes sur les­quels il doit se prononcer.

L’on peut dire, par exemple, que le prin­cipe de l’aug­men­ta­tion des coti­sa­tions n’a pas été sou­mis à bon nombre d’en­tre­prises, alors que les délé­gués appe­lés à se pro­non­cer au congrès ont voté l’aug­men­ta­tion qui figu­rait — oh ! diplo­ma­tie — dans une réso­lu­tion géné­rale qui com­por­tait d’autres questions.

Eh bien ! que l’on fasse un réfé­ren­dum auprès des syn­di­qués, et l’on s’a­per­ce­vra que la majo­ri­té est hos­tile à cette aug­men­ta­tion. Et ce qui est vrai pour cette ques­tion l’est aus­si, par exemple, pour la par­ti­ci­pa­tion du syn­di­cat aux luttes élec­to­rales ou à la col­la­bo­ra­tion avec des orga­ni­sa­tions poli­tiques. La direc­tion syn­di­cale se plaint du manque de mili­tants et elle les incite à aller se four­voyer chez les poli­ti­ciens pour une col­la­bo­ra­tion qui n’au­ra pour seul résul­tat que de pla­cer des hommes dans des situa­tions où ils seront per­dus pour le mou­ve­ment syndical.

Pour citer un exemple : le Syn­di­cat des métaux s’est pro­non­cé pour la col­la­bo­ra­tion avec le Front natio­nal, qui, lui, sol­li­cite les sec­tions d’en­tre­prise ; or, dans ces entre­prises, il se trouve des tra­vailleurs qui sont plu­tôt par­ti­sans du mou­ve­ment Libé­ra­tion, d’autres qui ne sont ni pour l’un ni pour l’autre. L’on voit tout de suite les dis­cus­sions que cela peut pro­vo­quer dans la sec­tion syn­di­cale : nuire à la bonne entente sur le ter­rain de l’en­tre­prise, sans pré­ju­dice de tout le mal que peut faire le virus poli­tique au sein du mou­ve­ment syndical.

Heu­reu­se­ment que le prin­cipe de la pré­sen­ta­tion de listes com­munes pour les élec­tions a sou­le­vé un mou­ve­ment de pro­tes­ta­tion au congrès et que la direc­tion syn­di­cale a été obli­gée de faire machine arrière et de recon­naître que cette mesure était toute provisoire.

Quant aux États Géné­raux, nou­velle pièce mon­tée pour des fins poli­ti­ciennes dans les­quelles quelques bons mili­tants syn­di­ca­listes vont aller perdre leur temps, on peut dire qu’ils consti­tuent la plus grande dupe­rie du siècle, un essai de replâ­trage du régime capi­ta­liste, lais­sant l’illu­sion aux tra­vailleurs qu’on va détruire le capi­ta­lisme en fai­sant l’é­co­no­mie d’une révo­lu­tion. Une réso­lu­tion votée sur ces États Géné­raux laisse d’ailleurs l’im­pres­sion que ceci n’in­té­res­sait que de très loin les mili­tants présents.

Une ques­tion impor­tante a été débat­tue assez lar­ge­ment concer­nant une modi­fi­ca­tion des sta­tuts. Il s’a­gis­sait de don­ner une nou­velle forme plus en rap­port, paraît-il, avec la situa­tion éco­no­mique actuelle. On semble là oublier que les contra­dic­tions du régime capi­ta­liste sont une chose et la struc­ture des syn­di­cats en est une autre.

Or, disons-le for­te­ment : c’en est assez de ces pro­cla­ma­tions sur les néces­si­tés pour la classe ouvrière de faire des conces­sions qui ne pro­fitent qu’aux pri­vi­lé­giés du régime.

Cama­rades métal­los, même si vous êtes en désac­cord avec le syn­di­cat, ne déser­tez pas l’organisation.

Lut­tez pour l’in­dé­pen­dance du mou­ve­ment syn­di­cal. Lut­tez contre l’a­ban­don de la pla­te­forme révo­lu­tion­naire qui a dans le pas­sé fait l’o­ri­gi­na­li­té de cette organisation.

Lut­tez contre la cen­tra­li­sa­tion qui empêche les tra­vailleurs de contrô­ler à tout moment l’or­ga­ni­sa­tion. Et sur­tout n’ou­bliez pas que si le syn­di­ca­lisme est d’a­bord une orga­ni­sa­tion qui com­bat pour l’a­mé­lio­ra­tion du sort des tra­vailleurs en régime capi­ta­liste, il est autre chose aus­si : une des colonnes prin­ci­pales sur les­quelles s’ap­puient les liber­taires pour construire la com­mune libre de demain.

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