[(« La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’État », prescrit la Constitution de 1958 reprenant par là le préambule de celle de 1946. Conscients que la loi d’aide à l’enseignement privé est une violation directe de ce texte, les instituteurs, institutrices et P.E.G.C. de ce pays ont décidé de se mettre en grève le lundi 26 avril.)]
Cette journée ne fut pas toujours bien comprise, certains doutant de l’utilité d’une grève de vingt-quatre heures. Ce qu’il faut répéter, c’est qu’il ne s’agissait pas de faire échouer le projet de loi gouvernemental mais de montrer au pouvoir notre refus de cautionner une politique de privatisation et de démantèlement du service public. C’est ce qu’ont bien compris les plus de 90% de ceux qui n’ont pas enseigné ce jour-là car de l’aveu même du très officiel O.R.T.F. et de la presse bourgeoise la journée fut un succès.
À Nantes, ce fut une réussite totale. Pratiquement tous les instituteurs étaient en grève, l’après-midi meeting avec les parents d’élèves puis manifestation au cours de laquelle vinrent se joindre à nous de nombreux camarades ouvriers. À Saint-Nazaire, ce fut la même chose, une fois encore la classe ouvrière du département a su se retrouver unie contre ceux qui la dominent.
Cette défense de l’école, c’est la défense du service public : après les autoroutes, après le téléphone sur lesquels le patronat tend d’avoir la mainmise, on s’attaque à l’école. Rappelons-nous l’offensive contre les maternelles, qui a échoué. À présent c’est le service public d’éducation qui est menacé. Nul n’ignore que par les accords du 9 juillet 1970 entre le patronat et les grandes centrales syndicales, c’est l’entrée de ce patronat dans l’enseignement technique et professionnel. Il en est de même pour la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, qui prétend contrôler tous les niveaux d’enseignement. Cette privatisation nous est présentée sous des aspects alléchants, il ne faut donc pas s’étonner que certains collègues ont pu s’égarer en s’échauffant l’esprit avec les mots de décentralisation, d’autonomie, de gestion. La contreproposition du « Colloque de Nantes » réclame une école rénovée… dont une certaine autonomie limitera l’uniformité et le centralisme. La gestion devra se faire à un niveau géographique restreint par « un conseil paritaire comportant des représentants de l’administration, des enseignants, des usagers ainsi que des représentants d’organisations permettant une ouverture à la vie sociale et économique. Ce conseil sera permanent, il aura droit de regard et de participation à l’élaboration des projets prévisionnels. Il répartira effectivement le budget et contrôlera sa gestion » « en outre, la collaboration enseignants-parents d’élèves devra s’étendre aux problèmes pédagogiques…».
Dans le cadre de cet article, je n’ai malheureusement pas le temps de reprendre tout ce qui est significatif dans le texte du colloque, je note seulement que l’extrait ci-dessus est clair, et il est intéressant de le rapprocher d’un article paru dans « l’Éducation » d’avril 1971. Seule différence, le terme secteur est remplacé par district.
« Tout organe de décentralisation est par nature un organe de concentration. Le district ne peut échapper à cette règle. »
Le district serait dirigé par un coordinateur ; « laissons de côté pour l’instant la façon dont serait recruté et nommé le coordinateur » « Il faut voir à long terme… la séparation rigoureuse entre enseignants et non-enseignants est tout simplement aberrante et passons de « corps enseignant » à la « société enseignante ». Passage dont la conséquence évidente sera de faire éclater cet organe déjà hypertrophié que nous nommons aujourd’hui « ministère ». On ne peut être plus clair que le Colloque de l’Éducation ; cependant vu son audience restreinte, nous ne devons pas être étonnés que Chaban-Delmas soit obligé de reprendre ces thèses de décentralisation de « renforcement de l’autonomie » je crois me souvenir pourtant qu’il y a exactement deux ans, le 27 avril 1969 les Français se sont déclarés hostiles à cette participation, à cette décentralisation à cette régionalisation ce qui n’empêche pas notre premier ministre de nous dire que la région doit devenir « l’outil de la participation ». Le gouvernement proposera de réaliser par la création d’établissements publics disposant de ressources propres et des compétences nécessaires, et dotés de deux assemblées l’une émanant des élus, l’autre de caractère consultatif, formée de représentants des activités socio-professionnelles. »
La loi a été votée.
Continuons le combat. Camarades, qui avez le souci de gérer l’école, qui rêvez d’une école rénovée, vous souvenez-vous que dans notre société, il ne peut y avoir d’autogestion, il ne peut y avoir absence de classes. Nous ne sommes pas rendus dans une société sans classes ni État. En attendant notre lutte est une lutte de tous les jours, contre le patronat, contre la hiérarchie catholique, une lutte de la classe ouvrière tout entière. Actuellement, le statut de la fonction publique nous garantit, à nous enseignants, une sécurité et aux enfants la possibilité de se voir enseignés en dehors de tout endoctrinement philosophique. Nous devons défendre ce statut, non dans l’absolu, mais contre ceux qui veulent s’approprier la conscience des enfants et la force physique potentielle qu’ils représentent.
Notre mot d’ordre doit être :
PAS DE CURÉS À L’ÉCOLE
PAS DE PATRONS À L’ÉCOLE
Groupe de Nantes
Claude Menet.