La Presse Anarchiste

Le syndicalisme est révolutionnaire

Quand les maîtres – ceux qui se croient tels – se que­rellent, les subor­don­nés – ceux pré­ten­dus tels – réflé­chissent et prennent conscience de leur sort com­mun. Ce qui est vrai dans la vie domes­tique l’est aus­si dans la socié­té. La flo­rai­son des par­tis révo­lu­tion­naires, leurs dis­putes, leurs chi­ca­ne­ries, leurs divi­sions se révèlent aujourd’­hui sous un jour béné­fique. Ce n’est pas un para­doxe ; for­més dans leur qua­si-tota­li­té par la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle, qui pro­pose aux tra­vailleurs la forme d’or­ga­ni­sa­tion qui est adé­quate à sa nature : com­po­sée d’in­tel­lec­tuels, elle offre un choix idéo­lo­gique, le par­ti – dont le recru­te­ment est sup­po­sé se faire par­mi toutes le couches sociales – contre d’autres choix idéo­lo­giques : les autres par­tis. Cha­cun de ces par­tis, pos­ses­seur de la bonne idéo­lo­gie, réclame donc pour lui-même le rôle diri­geant ; la véri­té habi­tant ses rangs, c’est à lui de diri­ger la lutte sociale.

Il existe pour­tant des moments pri­vi­lé­giés dans l’his­toire où le pro­lé­ta­riat – pas son image mythique, mais les tra­vailleurs en chair et en os – sol­li­ci­té par trop de maîtres les rejette tous, les pré­sents et les futurs.

Nous ne devons pas nous éton­ner donc d’en­tendre le cama­rade Kri­vine se lamen­ter en voyant « cer­tains cou­rants qui risquent de trans­for­mer ce syn­di­cat, il parle de la C.F.D.T., en un cou­rant poli­tique par­mi d’autres… Ceux-ci, et c’est beau­coup plus grave (que la droite, atti­rée par le par­ti socia­liste ou une frac­tion influen­cée par le P.S.U., les maoïstes ou les trots­kistes), com­mencent à théo­ri­ser le fait que les par­tis ne sont pas néces­saires et que le syn­di­cat est capable d’é­la­bo­rer une stra­té­gie révo­lu­tion­naire. On assiste à la renais­sance d’un cou­rant dis­pa­ru : le syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire [[ Le Monde du 1er juin 1971.]]».

Notre cama­rade Kri­vine consi­dère cela comme un grand dan­ger, et il a rai­son. Qu’ils renaissent ces syn­di­cats révo­lu­tion­naires et les par­tis for­més d’in­tel­lec­tuels retrou­ve­ront le rôle mineur qu’ils auraient dû gar­der ! Après cin­quante ans d’in­fluence sur le mou­ve­ment ouvrier, on peut voir où ils l’ont mené !

Mais citons quelques faits.

L’O.R.T.F., une fois n’est pas cou­tume, a inter­viewé l’autre ven­dre­di des métal­los ita­liens. Ils ont fait part de leur expé­rience. Leur ten­ta­tive de réuni­fi­ca­tion s’est accom­plie par la base. Elle est dési­rée par les tra­vailleurs « du rang », en dehors de tout par­ti poli­tique ; le mou­ve­ment syn­di­cal en voie de réuni­fi­ca­tion sort de l’u­sine, brise la démar­ca­tion arbi­traire entre tra­vail social et syn­di­cal et trouve là son épa­nouis­se­ment com­plet en liant tous les aspects de la vie du tra­vailleur ; les tra­vailleurs, sans négli­ger les reven­di­ca­tions maté­rielles et immé­diates, envi­sagent peu à peu autre chose, de la reven­di­ca­tion quan­ti­ta­tive, ils sautent à la pro­po­si­tion qua­li­ta­tive ; le conseil ouvrier de chaque usine groupe des syn­di­qués et des non-syn­di­qués, il tend à fusion­ner les diverses sec­tions syn­di­cales, il devient la repré­sen­ta­tion locale des confé­dé­ra­tions et, par là même, se révèle être la base du syn­di­cat. Le syn­di­ca­lisme, dans son aspect orga­nique, n’est que la fédé­ra­tion hori­zon­tale et ver­ti­cale des conseils ouvriers.

Quoi de moins éton­nant pour­tant ? Le pro­lé­ta­riat existe par sa base éco­no­mique ; c’est parce que des hommes ne pos­sèdent rien d’autre dans la pro­duc­tion des richesses que leur force de tra­vail qu’il existe un pro­lé­ta­riat. Qui peut être éton­né que l’or­ga­ni­sa­tion adé­quate à sa nature soit à base économique ?

Nous pour­rions retour­ner la phrase célèbre de Lénine : « L’his­toire de tous les pays prouve que les tra­vailleurs livrés à leur propre force trouvent la conscience socia­liste dans leurs orga­ni­sa­tions de classe, à base éco­no­mique. » Sur­tout s’ils se débar­rassent du car­can des repré­sen­tants des autres couches sociales qui tentent de pré­ser­ver leur place dans la socié­té du tra­vail libéré.

C’est dans la lutte éco­no­mique que les tra­vailleurs font leur appren­tis­sage de révo­lu­tion­naires, c’est par le poids jour­na­lier de l’ex­ploi­ta­tion et de l’op­pres­sion – là où ils sont exploi­tés et oppri­més au plus haut point, l’a­te­lier ou le bureau – que naît cette conscience de classe socia­liste, conscience qui ne peut leur être appor­tée par per­sonne de l’extérieur !

Enfin, cama­rades, il reste tou­jours le dan­ger, le grand dan­ger pour une révo­lu­tion vic­to­rieuse. L’his­toire de tous les pays qui ont fait une révo­lu­tion sous la direc­tion d’un par­ti éli­taire de révo­lu­tion­naires pro­fes­sion­nels prouve que ce par­ti, ces hommes triés sur le volet qui devaient conduire le pro­lé­ta­riat vers son éman­ci­pa­tion, est deve­nu une nou­velle couche d’ex­ploi­teurs, pos­sé­dant glo­ba­le­ment toutes les richesses créées par le tra­vail et ne les gérant que dans son intérêt.

Les métal­los ita­liens nous montrent la voie. Le syn­di­ca­lisme est révo­lu­tion­naire ; il est la forme stra­té­gique et tac­tique de la révo­lu­tion prolétarienne.

L’Al­liance syndicaliste.

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