Un groupe de militant anarchiste parisisiens a décidé la parution d’un nouvel hebdomadaire.
L’utilité de cet hebdomadaire se fait sentir, mais à une condition : c’est que ses dirigeants, s’élevant au-dessus des questions de chapelles, battent le rappel de toutes les libres activités qui luttent pour le même idéale contre les vieux préjugés que séparent plus souvent des différences de forme, de tempérament, d’éducation, de milieu que des différences de fond.
Individualistes, communistes-anarchistes sont les deux pôles de cette conception idéale qu’est l’anarchisme. C’est pour avoir méconnu cette vérité que de nombreuses individualités s’entre-déchirèrent avec un fanatisme qui nous rappelle les atroces luttes religieuses du moyen-âge.
Il faut que la politique de violence, de polémique personnelle soit remplacée par de saines discussions d’idées. Ne prétend-on pas, dans nos milieux, que c’est de la discussion que naît la lumière ? Nos théories antiautoritaires, s’appuyant sur la raison et les connaissances scientifiques, nous font un devoir de respecter la liberté d’autrui ; il est indispensable qu’une large tolérance remplace les excommunications majeures.
L’idéal anarchiste est trop vaste pour qu’un groupement, aussi vivant soit-il, puisse l’accaparer, car c’est la vie en action et en réaction contre le milieu et l’individu, autrement complexe que nos sottes prétentions à tout connaître.
Ne pas demander à l’individu plus qu’il ne peut donner, respecter ses erreurs en cherchant à lui démontrer la fausseté ; être indulgent aux autres, dur à soi-même ; opposer des idées aux idées ; éveiller l’esprit critique ; faire des hommes qui obéiront à leur conscience plutôt qu’aux ordres ou suggestions de chefs souvent sincères, toujours tyranniques ; à se dire que toute vérité est relative, transitoire et difficile à découvrir.
Nulle idée ne porte en elle plus d’avenir, nulle aussi ne comporte de plus beaux-enseignements à la tolérance, cette dernière découlant de notre conception scientifique où chaque chose et chacun est déterminé par des causes qui enlèvent à l’individu ce libre arbitre, base de toutes les religions, qui en fait un être idéal, bon ou mauvais, sur lequel s’échafaudent toutes les morales religieuses et leurs conséquences autoritaires.
Ouvert à toutes les tendances du mouvement antiautoritaire, groupant tous les éléments des contempteurs de l’autorité, animateur, stimulateur d’énergies, tel devra être le but poursuivi par le nouvel organe s’il veut faire œuvre utile à l’heure où les forces de réaction, d’autorité, de violence systématique semblent l’emporter. C’est à cette seule condition que l’Idée Anarchiste sera le journal des anarchistes, qu’il répondra à un besoin, que je lui donnerai mon entière collaboration.
En attendant, faisons confiance à ses dirigeants.
A. Barbé