La Presse Anarchiste

La maladie des « colonies » communistes

I. Les expé­riences tirées du fonc­tion­ne­ment des asso­cia­tions com­mu­nistes ont démon­tré que l’exis­tence et le déve­lop­pe­ment de ces groupes étaient mena­cés d’un grand danger.

Il est néces­saire de pro­cé­der à leur égard comme pour toutes les mala­dies. Tout méde­cin hon­nête com­mence par éta­blir un diag­nos­tic, c’est-à-dire qu’il cherche en pre­mier lieu le siège des souf­frances de son malade, puis qu’il essaye de trou­ver la cause de la mala­die, de décou­vrir les cir­cons­tances qui y pré­dis­posent l’in­di­vi­du et les germes qui troublent et détruisent le fonc­tion­ne­ment de l’or­ga­nisme. Peut-être sera-t-il assez heu­reux pour ter­ras­ser le mal et pré­ve­nir son retour par un accrois­se­ment des forces de résis­tance indi­vi­duelle et la sup­pres­sion des germes redoutables !

Il se peut que la diag­nose (exa­men de l’en­semble des symp­tômes) ne soit pas la même chose que l’é­tio­lo­gie (connais­sance des causes de la mala­die). Leur connais­sance n’en­traîne pas tou­jours celle des moyens de gué­ri­son et de pré­ven­tion. Et connût-on ceux-ci que des malades meurent quand même. Cela n’empêche pas qu’une connais­sance appro­fon­die des causes et des phé­no­mènes des mala­dies, des moyens de pré­ven­tion et de gué­ri­son est indis­pen­sable au médecin.

Or, la mala­die des grou­pe­ments com­mu­nistes pré­sente les symp­tômes et les phé­no­mènes sui­vants (je m’oc­cupe spé­cia­le­ment des affec­tions du pre­mier âge, car les seuls ren­sei­gne­ments que nous pos­sé­dions à ce sujet concernent des ten­ta­tives dans leur toute pre­mière enfance):

Dès l’a­bord, si quelques tra­vailleurs habiles. hommes et femmes, se sont asso­ciés pour for­mer un groupe com­mu­niste, tout peut bien mar­cher. Il y a bien des petits enfants morts-nés à foi­son, mais il y en a aus­si d’autres qui pré­sentent toutes les appa­rences de la san­té et de la force. C’est un moment de vie intense, fraîche. Cha­cun s’ef­force d’ap­por­ter de l’argent pour consti­tuer le groupe, on cherche et on trouve les demeures, les moyens de labeur et le tra­vail. Les tra­vailleurs, unis, com­prennent qu’ils ont besoin de l’ap­pui mutuel, que toute leur atten­tion, toute leur éner­gie est néces­saire pour l’ef­fort com­mun. Ils se sentent à l’é­gard du monde exté­rieur comme un petit groupe soli­daire, ce qui crée une soli­da­ri­té per­son­nelle. Il se forme réel­le­ment un lien fraternel.

Mais voi­ci le groupe consti­tué et le tra­vail réglé. Alors appa­raissent les pre­miers symp­tômes de la mala­die, presque imper­cep­tibles à l’œil inat­ten­tif ils se montrent sous la forme de confi­dences et de bavar­dages échan­gés dans l’in­ti­mi­té, leur insi­gni­fiance n’empêche pas qu’ils soient les pro­dromes d’un mal fré­quem­ment inguérissable.

A. raconte à B. que C. met beau­coup trop de sucre dans son café au lait.

 — Oui, appui B., cela vient de ce que C. sort de la bourgeoisie.

 — Il fau­dra qu’il s’en désha­bi­tue, conclut A. L’é­tat finan­cier du groupe ne per­met pas de le sup­por­ter nous sommes à court de tout, et si on ne se montre pas plus éco­nome, c’est la ruine. Ou bien : 

― Il a été assez long­temps sans tra­vail et sans pou­voir se payer du sucre pour s’i­ma­gi­ner que notre groupe doit com­pen­ser toutes ses pri­va­tions d’autrefois.

Le len­de­main matin. A. et B. décochent à C. des regards furieux dès qu’ils le voient atti­rer à lui le sucrier. À la longue, le scan­dale devient si grand que D. et E. sont mis au cou­rant de la chose. E. trouve cela enfan­tin et le raconte à C. comme preuve de l’é­troi­tesse de A. et. B.

C. est piqué au vif. Il est irri­té que A. et B. l’aient espion­né et (bien qu’il s’a­gisse peut-être d’une remarque naïve sans mau­vaise inten­tion) il y voit la preuve que A. et B. se méfient de lui. Or, lui, C., tra­vaille beau­coup plus pour le groupe que A. et B. Chaque. matin, il est debout une heure plus tôt qu’eux et déjà au tra­vail tan­dis qu’eux dorment encore.

C. a assez de la cri­tique. Après tout, dit-il, quand on mange tous ensemble à la même table et qu’on habite tous ensemble dans la même mai­son, on perd toute liber­té et on est encore plus esclave que dans la socié­té bour­geoise. C. se décide donc à aller habi­ter à part avec sa com­pagne. Et il a agi comme le font de nom­breux méde­cins, qui font dis­pa­raître un symp­tôme déter­mi­né en lais­sant intacte la cause de la maladie.

C. habite donc à part. Un jour, D. vient chez C. et aper­çoit du beurre natu­rel sur sa table. Cela tan­dis que les autres membres du groupe consomment du beurre végé­tal, qui coûte presque la moi­tié moins ! Or. C. ne met jamais de sucre dans le café qu’il prend entre les repas, ce que font les autres, et il pré­fère employer l’argent qu’il éco­no­mise ain­si à se pro­cu­rer du vrai beurre, sa com­pagne ne pou­vant sup­por­ter le beurre végé­tal. ce que D. ignore.

Un autre jour. Mme C. essaye à sa petite fille une robe qu’elle a reçue de sa tante. Une robe déli­cieuse certes. Et, dans la plé­ni­tude de sa joie, elle court vers Mme B., sa voi­sine, pour qu’elle vienne aus­si l’ad­mi­rer. Mme B. la trouve jolie, ― trop jolie, même, dit-elle à Mme …, autre voi­sine, après que Mme C. est par­tie. Voyons, est-ce que ce n’est pas mal de son­ger à vêtir pareille­ment les enfants de tra­vailleurs ? Mme D. a aus­si remar­qué autre chose : Mme C. a ache­té un ther­mo­mètre pour les bains du futur petit « colon» ; or, elle-même a tou­jours fait jus­qu’i­ci sans cet acces­soire. Est-ce qu’on ne peut pas sen­tir avec la main si l’eau du bain est trop froide ou trop chaude ?

À la fin du mois, les membres du groupe se réunissent. On exa­mine les comptes. Hélas ! on a dépen­sé plus qu’il n’est ren­tré. Que faire ? A. remarque qu’on met trop de sucre dans le café au lait. Certes, appui D., je ne vois pas la néces­si­té que C. se serve de beurre natu­rel au lieu de beurre végé­tal. Voyez-vous, ren­ché­rit Mme B. si l’on veut habiller les petits comme les reje­tons de la classe pos­sé­dante, un salaire plus éle­vé que la moyenne est néces­saire. — Dou­ce­ment. réplique Mme C. mon mari tra­vaille plus dure­ment et plus long­temps que n’im­porte qui de vous autres et il nous arrive plus d’une fois de nous pas­ser de déjeuner.

En fin de compte, on pro­pose des éco­no­mies géné­rales, mais les remarques faites ont alour­di l’at­mo­sphère. Dans le champ des luttes com­munes a été jetée une petite semence de la mau­vaise herbe « méfiance ». — La petite semence a pris racine, elle s’est repro­duite avec usure, et le champ est per­du pour les bonnes récoltes.

Il en est des mala­dies de la méfiance comme de nom­breuses affec­tions du sang que dans le corps humain, appa­raissent tan­tôt ici, tan­tôt là et chas­sées d’un endroit, res­sortent à une autre place.

Sup­po­sons un groupe de tra­vailleurs à la fois manuels et intel­lec­tuels, la mala­die peut revê­tir une autre forme :

Les manuels sortent géné­ra­le­ment de la classe ouvrière. les intel­lec­tuels pro­viennent plu­tôt des classes possédantes.

Les manuels s’a­per­çoivent par exemple que E. tra­vailleur intel­lec­tuel, accom­plit son labeur très faci­le­ment. Tan­dis qu’eux tra­vaillent, dix heures de suite, sans inter­rup­tion, ils voient. un bel après-midi E. sor­tir et reve­nir une heure et demie plus tard. Il vient visi­ble­ment de faire une pro­me­nade ! Cela se répète le len­de­main. Tous les jours de la semaine. Tan­dis qu’ils sont cour­bés au tra­vail, ils voient E. et F. gaie­ment conver­ser ensemble. Un jour même qu’il pleu­vait, A. en se rendent. chez E. pour lui deman­der un ren­sei­gne­ment, trouve ce der­nier assis dans un fau­teuil occu­pé à lire un livre. Il ne s’en ouvre à per­sonne, sauf pour­tant à son plus proche com­pa­gnon de labeur.

À la pre­mière réunion du groupe, E. et F. pro­posent de prendre G. avec eux. G. est quel­qu’un de très habile qui pour­ra les sou­la­ger dans leur tra­vail intel­lec­tuel, deve­nu trop consi­dé­rable pour eux deux. C’en est trop. A. se lève et pro­teste, « Ils peuvent faire davan­tage et c’est jeter l’argent du groupe par les fenêtres. C’est un reste des manières bour­geoises de E. et F. qui ne sau­raient trou­ver place dans leur groupe de tra­vailleurs communistes. »

E. et F.. se fâchent. Les autres pensent qu’ils ne font rien, mais ils ne com­prennent pas qu’une jour­née de tra­vail intel­lec­tuel est chose impos­sible, — que des ins­tants de repos leur sont néces­saires ― qu’il est indis­pen­sable que, de temps à autre, ils inter­rompent leur tra­vail pour se pro­me­ner ou s’as­seoir dans un fau­teuil. D’ailleurs, ce repos n’en­traîne aucune paresse. Durant la pro­me­nade. E. et P. ont l’ha­bi­tude de par­ler de leur tra­vail et quand A, a trou­vé E. dans un fau­teuil, il par­cou­rait un roman pour en faire le compte ren­du ou un jour­nal pour se tenir au cou­rant des événements.

Et lors­qu’ils reprochent à G. d’ac­com­plir si peu de pro­duc­tion, ils oublient que G. est faible de san­té, de muscles ou de tête, qu’il est vite fati­gué, et qu’en dépit de sa bonne volon­té et de tous ses efforts, il ne peut pas pro­duire la moi­tié de ce que pro­duit A., un gars robuste, ou R. encore jeune et dont, le cer­veau est tout frais, ou C., point encore bri­sé par les sou­cis ou épui­sé par le surmenage.

II — Je me suis éten­du lon­gue­ment sur tous les symp­tômes, parce que, tout futiles qu’ils paraissent, ils revêtent une grande impor­tance dans la pra­tique. Ils four­nissent le signe infaillible de la pré­sence du poi­son de la « méfiance » dans l’organisme.

La méfiance, en effet, est le germe de la mala­die. Son exis­tence se com­prend. Notre monde est un monde de bas égoïsme, de convoi­tise, de domi­na­tion, où cha­cun se tire d’af­faire au risque d’é­cra­ser les autres. C’est la règle et le contraire est une rare excep­tion. Il est vrai aus­si que, dès qu’un groupe com­mu­niste se forme sur des hases de droi­ture et de soli­da­ri­té mutuelle, des para­sites arrivent de tous côtés qui s’a­battent sur le groupe comme des mouches sur le miel : des gens qui cherchent à s’in­tro­duire dans le grou­pe­ment pour un pro­fit maté­riel ; qui veulent bien par­ti­ci­per aux béné­fices mais non aux sacri­fices ; qui se sou­cient peu des prin­cipes, mais beau­coup du pro­fit qu’ils espèrent recueillir.

Lors­qu’au prix de décep­tions, de pré­cau­tions, de luttes, de répu­gnances de toutes sortes, on est par­ve­nu à chas­ser et à tenir à dis­tance les para­sites et les cher­cheurs d’a­ven­tures — voi­ci que la méfiance s’é­ta­blit dans l’âme des sin­cères et des convaincus !

Elle pro­fite du moindre défaut de la cui­rasse : un manque de sym­pa­thie per­son­nelle, un défaut de soli­da­ri­té, l’im­pos­si­bi­li­té de se pla­cer dans les cir­cons­tances d’au­trui, l’in­com­pré­hen­sion des besoins par­ti­cu­liers de cer­tains tra­vaux. Bien d’autres choses encore. Les que­relles, les divi­sions, les cabales déchirent le groupe, bien­tôt réduit à néant.

Des symp­tômes, venons-en au diag­nos­tic nous appren­drons à connaître la cause de la mala­die, les cir­cons­tances des consti­tu­tions par­ti­cu­lières et celles qui donnent lieu à la contagion.

C’est une mala­die très spé­ciale aux jeunes grou­pe­ments com­mu­nistes ; le régime capi­ta­liste ne la connaît point. Cela parce qu’on entre en ser­vice chez un patron et qu’en échange d’un salaire fixe on doit four­nir une telle pro­duc­tion, ce salaire fixé, tout est dit.

Mais dans les groupes com­mu­nistes, tout est dif­fé­rent. Il n’y a plus ni patron ni obéis­sants ser­vi­teurs. Si cela exis­tait, la mala­die ne trou­ve­rait aucune fis­sure par où s’in­tro­duire. Il en serait de même si un grou­pe­ment com­mu­niste était fon­dé par des hommes qui met­traient l’un d’eux à leur tête et se ran­ge­raient à son auto­ri­té. En Amé­rique, cer­tains groupes com­mu­nistes, reli­gieux ont atteint un haut degré de pros­pé­ri­té, grâce à une per­son­na­li­té remar­quable pre­nant en mains la direc­tion des choses et obte­nant de tous qu’ils se sou­mettent à son avis. Or, dans nos contrées, le « colo­nisme » revêt un carac­tère anar­chiste. Chaque membre de groupe se sent l’é­gal de son voi­sin. Nos com­mu­nistes sont tous gens de carac­tère ; c’est d’ailleurs la rai­son qui les a pous­sés à sor­tir de la masse. Ce carac­tère par­ti­cu­lier, de valeur inap­pré­ciable en régime de concur­rence capi­ta­liste, devient gênant en régime de tra­vail en com­mun. Tous ces carac­tères angu­leux, tran­chés, entiers, se trou­vant réunis, il s’en­suit un choc inévi­table, des frot­te­ments impos­sibles à pré­ve­nir. Il règne un sen­ti­ment pro­fond de valeur indi­vi­duelle qui relègue a l’ar­rière-plan aspi­ra­tions et buts. Tout en tra­vaillant en com­mun, on reste indé­pen­dant les uns des autres ; on se lie rare­ment. On se pré­oc­cupe davan­tage du grou­pe­ment consi­dé­ré en géné­ral que des per­sonnes consti­tuant le grou­pe­ment. Voi­là pour­quoi la méfiance pro­duit de faciles déchi­re­ments et rompt sans peine l’harmonie.

Tout cela admis. expli­qué, qu’y a‑t-il faire ? Com­ment les jeunes groupes peuvent-ils se pro­té­ger contre la mala­die mena­çante, dan­ge­reuse ? La ques­tion n’est pas de décrire la « méfiance », de démon­trer son exis­tence, de par­tir en guerre contre elle, il s’a­git de trou­ver le remède. Eh bien ! il est pos­sible de faire pour le microbe de la méfiance ce qui se fait pour les microbes de la tuberculose.

Tout ce que nous pou­vons faire, c’est d’ac­croître la résis­tance de l’or­ga­nisme contre le bacille, le douer d’im­mu­ni­té contre les essais de péné­tra­tion et de repro­duc­tion du germe. Le rendre imper­méable en un mot. Il existe un sérum infaillible contre le microbe : c’est l’a­mour, autre­ment dit : l’u­nion, la sym­pa­thie per­son­nelle, la com­pré­hen­sion per­son­nelle. Celui qui aime ne se méfie pas. Celui qui veut et peut se mettre réel­le­ment à la place d’au­trui, qui peut et veut s’y trans­plan­ter — ou si vous vou­lez, qui pos­sède une sym­pa­thie réelle et une réelle com­pré­hen­sion des choses — celui-là peut com­prendre l’u­nion et nour­rir une affec­tion sin­cère pour autrui.

Mais hélas ! même par­mi les plus avan­cés d’entre nous, que la puis­sance de l’a­mour est limi­tée ! Très peu d’êtres pos­sèdent notre pleine sym­pa­thie. Com­bien peu sont en état de bien com­prendre les besoins d’autrui !

De là pro­vient que seul un petit, très petit nombre d’in­di­vi­dus peuvent se lier et consti­tuer un groupe de tra­vail en com­mun. Les grou­pe­ments sûre­ment à l’a­bri du microbe de la méfiance ne se com­posent guère que de quelques per­sonnes — deux ou trois, peut-être une ou deux en plus, au grand maxi­mum. Là on peut vrai­ment connaître une affec­tion véri­table, consti­tuer un grou­pe­ment réel­le­ment fraternel.

Je ne crois pas à la pos­si­bi­li­té d’exis­tence d’un groupe de tra­vail com­mu­niste-anar­chiste [[J’emploie à des­sein l’ex­pres­sion groupe « com­mu­niste-anar­chiste » afin de lais­ser hors de la ques­tion les groupes reli­gieux com­mu­nistes ayant à leur tête un chef recon­nu de tous.]], où le lien d’af­fec­tion per­son­nelle seront incon­nu et qui serait basé, soit sur l’u­ni­té de but éco­no­mique, soit sur la simple cama­ra­de­rie. Si de pareils groupes existent encore, la mala­die de la méfiance est secrè­te­ment à l’œuvre ; tôt ou tard elle écla­te­ra, inévitablement.

Mieux vaut la dis­so­lu­tion du grou­pe­ment, accom­plie de la libre volon­té des membres, que d’at­tendre toute la longue suite des dif­fi­cul­tés, des frois­se­ments de toutes sortes qui ne font que rendre plus aiguë l’i­ni­mi­tié et l’amertume.

On peut encore sau­ver un grou­pe­ment où la mala­die est déjà à l’œuvre, mais c’est à la condi­tion de l’am­pu­ter des élé­ments atteints.

Il est par­fois pos­sible de se sépa­rer des quelques per­sonnes qui se méfient spé­cia­le­ment des autres et dont les insi­nua­tions obtiennent cré­dit. Le groupe peut ain­si conti­nuer à sub­sis­ter. Mais cette sépa­ra­tion est dou­lou­reuse pour les amis, par­fois trop dou­lou­reuse, et ceux qui res­tent se sentent repris en leur conscience. On peut encore sépa­rer le groupe en dif­fé­rents élé­ments, qui peuvent être sains cha­cun pris sépa­ré­ment, mais dont les points de contact, très faibles, per­mettent au microbe de péné­trer. Dans ce cas, on peut conti­nuer le grou­pe­ment en sépa­rant com­plè­te­ment les diverses par­ties. Les per­sonnes ayant le plus d’af­fi­ni­té entre elles se réunissent, rompent le lien qui les atta­chait aux autres ; chaque élé­ment vit d’une vie par­ti­cu­lière. Les motifs de mécon­ten­te­ment et de méfiance dis­pa­raissent, puisque les faits et gestes des com­po­sants d’un élé­ment ne sau­raient por­ter pré­ju­dice à l’autre.

Ain­si les pers­pec­tives que nous laisse la mala­die des groupes com­mu­nistes ne sont pas brillantes. Il ne nous ser­vi­rait à rien de les dissimuler !

Mais elles ne sont pas déses­pé­rées. Il reste la pos­si­bi­li­té de « fédé­ra­tions coopé­ra­tives » de petits groupes com­mu­nistes. Là où il n’y a pas pos­si­bi­li­té d’at­teindre des formes plus éle­vées, on doit se conten­ter de la forme la plus réa­li­sable. L’é­vo­lu­tion de l’hu­ma­ni­té se pour­suit régu­liè­re­ment. De sorte que ces fédé­ra­tions nous semblent comme le pre­mier éche­lon, la pre­mière école d’ap­pli­ca­tion de l’i­déal qui, de loin, nous appa­raît comme la plus haute forme de socié­té : LA VIE EN COMMUN.

Félix Ortt (1905)

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