Proudhon naquit à Besançon le 15 janvier 1809. Il est mort à Paris, au 10 de la rue de Passy, le 19 janvier 1865. Il était l’ainé de cinq enfants. Ses parents étaient pauvres. Son père était tonnelier, sa mère cuisinière. Lui, petit bouvier dans son enfance jusqu’en 1820, où il entra, après Pâques, au collège de Besançon pour y rester jusqu’en 1826.
En 1827, il devint typographe et assura la subsistance de sa famille.
Puis, plus tard, il devint prote ; en cette qualité, tout en étudiant les philosophes, il apprit le latin, le grec et l’hébreu.
Enfin, en 1840, un coup de canon formidable le fit connaître en Europe par son fameux mémoire « La propriété, c’est le vol », où l’idée de justice, qui n’est autre que celle de l’égalité des conditions, éclate dans chaque feuillet. « Qu’il soit lu, écrit-il à son ami le savant linguiste Bergmann, et c’en est fait de la vieille société. »
En 1841, lettre à M. Blanqui, professeur d’économie politique au Conservatoire des Arts et Métiers, sur la propriété ; en 1842, un « avertissement aux propriétaires » lui valut de passer en cour d’assises ; il fut acquitté. En 1845, « De la création de l’ordre dans l’humanité, ou principe d’organisation politique ». 1848 : les articles de journaux écrits par Proudhon au temps de la II
Il serait fastidieux d’énumérer ici toute la production de Proudhon. tant en livres qu’en articles de journaux, qui ne s’arrête qu’en 1864. Nul n’a produit autant d’œuvres variées à l’adresse du monde du travail. L’influence marquante que cet anarchiste a exercée sur son époque à abouti à la Confédération Générale du Travail première manière.
En 1846, il correspondait avec Karl Marx, fondateur (avec Engels) du socialisme d’État. Dès cette période, la démarcation se fit entre le socialiste étatiste qu’était Karl Marx et le fédéraliste antiautoritaire qu’était Proudhon. Ce qui faisait dire à ce dernier, dans une lettre qu’il adressait à son contradicteur :
« Cherchons ensemble, si vous voulez, les lois de la société, le mode dont ces lois se réalisent ; le progrès suivant lequel nous parvenons à les découvrir ; mais, pour Dieu ! après avoir démoli tous les dogmatismes « a priori », ne songeons point à notre tour à endoctriner le peuple. »
C’est au cours de la même période que Proudhon écrivait sa « Philosophie de la misère », à laquelle Marx répondit par sa « Misère de la philosophie ». La doctrine anarchiste était née. Le marxisme aussi. Et c’est au sein de la Ire Internationale que les deux thèses commencèrent à se heurter violemment, l’une soutenue par Marx, l’autre par Bakounine.
L’influence de Proudhon demeure considérable, même de nos jours. Nous ne prétendons point que les œuvres de ce précurseur doivent aujourd’hui être prises à la lettre. Il faut, pour en comprendre le sens et en juger la portée, se reporter à l’époque où elles furent écrites.
La Grande Révolution de 1789 avait détruit la féodalité, mais en même temps elle avait donné le jour au centralisme étatique. C’est Proudhon qui, le premier, jette le cri d’alarme contre les dangers de cette centralisation de l’autorité. C’est dans ses écrits que Bakounine puisera la sève d’un fédéralisme qu’il saura rendre plus facile à divulguer. Les théoriciens qui suivront adapteront la doctrine aux déroulements de l’histoire, mais tous reviendront à la source du fédéralisme pour lui garder toute sa pureté. Cette source, c’est Proudhon.
Et c’est avec raison que lorsque Pierre Kropotkine fut jugé à Lyon en janvier 1883, comme le président du tribunal lui reprochait d’avoir donné naissance à l’anarchie, répondit simplement : « C’est me faire trop d’honneur ; le père de l’anarchie, c’est l’immortel Proudhon. »