[[De notre délégué spécial au Congrès radical]]
Qui a dit que l’esprit de résistance était mort, que nul mouvement ne tenait compte des engagements pris en commun au moment du danger ? Des plaisantins sans doute, des agents de la 5e colonne sûrement. Un congrès radical était nécessaire pour nous remettre dans le bain, pour nous replonger dans l’atmosphère.
Le maquis, camarades, mais il était dans le distinguo radical derrière les barbes barbelées de nos chers comitards, camouflé par la fumée des pipes hériotiques et accrédité par un papyrus authentique de Herriot à Pétain. Vous savez, une certaine lettre de félicitations.
Le congrès radical, c’est l’image de ce qu’est toute Chambre des Députés, c’est ce qu’elle restera, c’est ce qu’elle ne peut qu’être. Patrie et Liberté ! Ça change un tout petit peu de « Pain, Paix, Liberté », mais le résultat est identique. C’est Daladier et son poing levé de la Bastille à la Nation un certain 14 juillet 1936. Ah ! il n’y a pas de doute, Daladier est bien l’homme de demain pour remettre un peu d’ordre dans les affaires françaises, un peu de clarté dans les relations internationales !
Et si Daladier semble un peu trop… compromis, lors des réunions électorales préliminaires, bien vite l’autre Édouard le remplacera à la tête des renforts ténébreux de « infanterie lourde de la République. » « Patrie et Liberté ! » Patrie ? Ils s’y connaissent, les bougres. Surtout avec un colonel honoraire de l’armée rouge comme chef de file. (Car, n’oubliant aucun de ses glorieux titres, nous nous souvenons que le bon gros Édouard l’est en réalité.) Édouard Ier sur un cheval cosaque. Liberté ? Édouard II, digne successeur de Thiers, fusilleur des communards de 1871, remplaçant le pernod par la vodka, après avoir flanqué quelques dizaines de milliers de staliniens en camps de concentration. Assimilation des populations indigènes ? Steeg ferait bien de se rappeler certains accrochages avec Lyautey. « Solidarité internationale ? » Là aussi les radicaux qui ne veulent « pas de fraternisation avec l’Allemagne et bien plutôt fraternisation entre les Alliés » en connaissent un bout sur la question, preuve Munich. Même que Daladier s’est drôlement défendu devant les bonzes et sous-bonzes barbus ou rasés. Et il est fort, le « décorné », puisque l’«Huma » du 1er octobre 1938 déclarait : « Il n’y a pas eu à Munich de capitulation. » Quant à Herriot, il possède les délégués par le sentiment : « France, ma mère…» Alors c’est du délire. Tout le Congrès se dresse, applaudit, trépigne, lance des actions de grâce au ventripotent Bouddha. À propos…, il paraît qu’il a connu les camps de la mort lente !
Alors, en avant pour une Chambre des Députés et un Sénat ! « Pas de moteur sans frein ! » Des fois qu’il s’emballe.
Nous, ce qui nous amuse, c’est que le Kayser a déclaré sans rire : « Les radicaux sont les mêmes qu’en 1939…» Ça promet pas mal de tripatouillages, pas mal de saletés, pas mal de nouvelles factures que les prolétaires couvriront. Et que penser de ces braves réfractaires ? Ils ont bonne mine après le « nous, les résistants, ceux de la première heure ! » du « président ».
P. S. – À la suite de l’incident Anxionnaz-Mazé, et à seule fin d’éviter un malaise latent au sein du parti, iI serait question de sortir Misler, Chautemps, Bonnet et Malvy de la tanière où ils… maquisent, pour leur confier les postes de présidents et secrétaires non parlementaires. Comme de bien entendu.
2e P. S. – Il a été question, les 25 et 26 août 1945, de la réunion d’un certain Conseil National du Mouvement Républicain Populaire. Ah ! pour un parti jeune, c’est un parti jeune ! Schumann s’en porte garant. Dieu surveillant le tout. Et pour un « parti efficace » (Colin dixit), c’est un parti efficace. Nous, on veut bien. Nous attendons pourtant le capitaine-commentateur de l’«Espoir » au pied du mur lorsque les révolutionnaires authentiques espagnols demanderont des comptes à l’archevêque de Tolède…
Pour plus amples renseignements, et pour ceux que ça intéresse, se reporter à « Forces Nouvelles », n° 30, hebdomadaire du M.R.P. Qu’ils se tranquillisent : il n’y a aucun danger.