La Presse Anarchiste

Grève victorieuse dans l’intérim

[(L’A.V.S. (À votre ser­vice), entre­prise de tra­vail tem­po­raire, emploie dans la région sidé­rur­gique de Lor­raine plus de 1000 ouvriers sans qua­li­fi­ca­tion, en majo­ri­té nord-afri­cains. Le foyer d’hé­ber­ge­ment de Riche­mont (Moselle), vrai tau­dis, regroupe envi­ron 250 ouvriers nord-afri­cains ; il est loué à l’A.V.S. par une autre entre­prise, la Socié­té géné­rale d’en­tre­prise, à rai­son de 60 F par mois et par loca­taire. Bien que l’hé­ber­ge­ment fasse par­tie du contrat de tra­vail pas­sé entre les ouvriers et l’A.V.S., celle-ci sous-loue les lits à 90 F!)]

Le foyer de Riche­mont devant être rasé pour rai­sons d’ur­ba­nisme, l’A.V.S., qui ne veut pas s’oc­cu­per du relo­ge­ment des ouvriers, double subi­te­ment le loyer qui de 90 F passe à 180 F pour un lit minable et une armoire bran­lante, afin que les loca­taires quittent d’eux-mêmes les lieux ; une mise en demeure d’ex­pul­sion dans les cinq jours est envoyée à cha­cun d’eux, car ce sont de fortes têtes qui ne com­prennent rien à l’urbanisme.

Le lun­di 26 juillet 1971, tous les tra­vailleurs de l’A.V.S. qui habitent le foyer de Riche­mont et qui sont « loués » à dif­fé­rentes usines du coin grâce aux bons offices de l’A.V.S. se mettent en grève sau­vage, una­nimes, sans syn­di­cat. Ils sai­sissent l’oc­ca­sion pour mettre en avant d’autres revendications.

Huit jours de com­bat dur, sans conces­sions, avec dis­tri­bu­tions de tracts, mee­tings, réunions, dis­cus­sions, contacts avec les ouvriers fran­çais et le comi­té de lutte anti­ra­ciste de Moselle. Pas de fric­tion avec la police, qua­si absente. La grève est entiè­re­ment orga­ni­sée et diri­gée par les Nord-Afri­cains intéressés.

Le 2 août, les patrons cèdent :

— 40 cen­times de plus par heure pour les 50 deman­dés (4.10 F de l’heure au lieu de 3,70);

— la prime de panier por­tée de 6 à 10 F ;

— cer­taines primes spé­ciales accor­dées (cha­leur, salissures…);

— un bleu tous les six mois, une paire de chaus­sures de sécu­ri­té tous les ans ;

— quatre jours fériés chô­més et payés par an ;

— les loyers rame­nés à 90 F, un contrat de pro­lon­ge­ment (50 sont déjà assu­rés), aucune expul­sion sans relo­ge­ment garan­ti, sta­bi­li­té et per­ma­nence de l’emploi.

L’ins­pec­tion du tra­vail s’est enga­gée à faire res­pec­ter ces acqui­si­tions. Nous enga­geons pour­tant nos cama­rades à n’a­voir en cette pro­messe qu’une confiance limi­tée. En effet, les abus que nous dénon­çons auraient dû depuis long­temps atti­rer son atten­tion pour y por­ter remède ; rien n’a­vait été fait et seule l’ac­tion réso­lue des inté­res­sés a pu amé­lio­rer leurs condi­tions de vie et de tra­vail ; et seule la conti­nua­tion de cette action pour­ra faire res­pec­ter les acquis et les améliorer.

La Presse Anarchiste