La Presse Anarchiste

Joël Chapelle insoumis

Le mou­ve­ment de l’ob­jec­tion poli­tique, issu de l’ob­jec­tion de con­science tra­di­tion­nelle, s’est rad­i­cal­isé depuis 1968. Ce mou­ve­ment refuse de se laiss­er neu­tralis­er par les divers­es formes de « ser­vice civ­il » et demande aujour­d’hui le droit à la parole.

Bien que nous appré­cions pro­fondé­ment ce refus caté­gorique de cau­tion­ner de quelque manière que se soit l’ar­mée — sup­port impor­tant du sys­tème cap­i­tal­iste — il nous sem­ble qu’il y a d’autres moyens — peut-être moins impor­tants — mais qui peu­vent plus facile­ment être repris par beau­coup de tra­vailleurs. De l’ar­mée comme tous les autres obsta­cles que nous ren­con­trons dans notre vie, ce n’est que col­lec­tive­ment que nous pour­rions nous en sor­tir. Nous pen­sons notam­ment aux dif­férentes actions directes entre­pris­es pen­dant la guerre d’Al­gérie par des tra­vailleurs qui n’avaient aucune envie d’aller recevoir des pruneaux dans le ven­tre et de cau­tion­ner l’im­péri­al­isme français. Nous citons égale­ment, au pas­sage, les faux et les vrais acci­dents de tra­vail provo­qués volon­taire­ment et entrainant un juste degré d’in­va­lid­ité qui per­me­t­tait de ne pas par­tir aux colonies.

Insoumis

Un jeune ouvri­er ajus­teur de vingt-deux ans, Joël Chapelle a com­paru jeu­di 29 juil­let devant le tri­bunal per­ma­nent des forces armées siégeant à la caserne de Reuil­ly, à Paris. Il était inculpé du délit d’in­soumis­sion. Joël Chapelle ne s’est en effet ren­du à aucune des con­vo­ca­tions que lui ont adressées les autorités mil­i­taires. Déclaré apte d’of­fice au ser­vice armé, Joël Chapelle n’a pas obéi à son ordre de route. Le 28 novem­bre 1969. il était déclaré insoumis. Le 2 avril 1970, un man­dat d’ar­rêt était lancé con­tre lui. Il était arrêté le 7 mai dernier, à l’oc­ca­sion d’une véri­fi­ca­tion d’identité.

« Je n’en ai rien à foutre de votre tribunal »

Le tri­bunal, com­posé de deux juges civils et trois mil­i­taires, fai­sait face à une rangée de sol­dats présen­tant les armes.

Dès le début de l’au­di­ence, Chapelle fail­lit être expul­sé. Le prési­dent lui ayant demandé de se lever, il refusa en déclarant : « Je n’en ai rien à foutre de votre tri­bunal» ; som­mé de s’ex­pli­quer cor­recte­ment, il répli­qua qu’à l’u­sine « on n’ap­prend pas à s’ex­primer aris­to­cra­tique­ment ». Puis il deman­da au juge « de quel droit me jugez-vous ? Je ne recon­nais pas vos lois et votre con­sti­tu­tion, pas plus que vous ne recon­nais­sez ma manière de vivre. Êtes-vous représen­tatif du peu­ple français ? » Récu­sant ses juges, Chapelle préfère se taire et les laiss­er se référ­er à une longue let­tre qu’il avait envoyée et dans laque­lle il explique sa position.

Me Felice, son avo­cat, ten­ta pour­tant d’ébran­ler leurs cer­ti­tudes. « Je vais vous dire des choses désagréables…» « Et si Chapelle avait rai­son pour le monde de demain ? Si le monde de guerre, d’u­ni­formes et de casernes était le monde d’hier ? »

« L’honneur aujourd’hui, c’est de désobéir »

Plus qu’une plaidoirie, ce fut un réquisi­toire d’une rare vio­lence con­tre tout ce que représente l’ar­mée. « Chapelle refuse votre obéis­sance qui ressem­ble à celle de l’ou­vri­er ser­vant son patron, Chapelle est d’un autre monde que le vôtre, vous ne pou­vez le juger. Si je vous dis­ais à vous, mil­i­taires, que vous êtes des hommes désor­mais inutiles, que l’hon­neur aujour­d’hui c’est de désobéir ? »

Joël Chapelle a été déclaré coupable sans cir­con­stances atténu­antes et con­damné à dix mois de prison. Mais lorsqu’il sor­ti­ra de prison, en jan­vi­er 1972, ce sera pour être ren­voyé à l’ar­mée faire son ser­vice. Il refusera et sera inculpé de refus d’obéis­sance. Peine max­i­mum : deux ans.

Il faut not­er que seule­ment un jour­nal­iste de « Com­bat « et de l’APL étaient présents.


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