La Presse Anarchiste

La marche sur Washington

Il n’est pas sur­prenant qu’en France vous sachiez peu de chose sur ce qui se passe aux États-Unis. Nous mêmes savons peu de chose, ou rien, sur ce qui se passe en France, en Ital­ie ou en Alle­magne. Occa­sion­nelle­ment, lorsque les événe­ments pren­nent des pro­por­tions telles que Mai 1968, les nou­velles passent, bien que trans­for­mées et virtuelle­ment inin­tel­li­gi­bles, mais enfin nous savons que quelque chose se passe. 

Depuis, plusieurs per­son­nes et groupes qui ont par­ticipé aux bagar­res de rues à Paris sont venus comme pro­pa­gan­distes, et nous ont dit pas mal de choses sur ce qui s’é­tait passé. Il sem­ble que la plu­part de ces gens soient d’obé­di­ence situationniste.

La marche sur Wash­ing­ton était con­sti­tuée essen­tielle­ment d’é­tu­di­ants et d’autres élé­ments extérieurs à la classe ouvrière. Env­i­ron 20.000 per­son­nes y ont par­ticipé, et ont bel et bien blo­qué le gou­verne­ment ce jour-là. Son avant-garde était con­sti­tuée de 1.000 vétérans de la guerre du Viet­nam, la plu­part amputés, quelques-uns paralysés, qui ont détru­it toutes leurs médailles comme sym­bole de protes­ta­tion. Un plein panier en a ain­si été expédié. Je crois que c’é­tait bon au niveau de la pro­pa­gande. Cela a été suivi par de nom­breuses appari­tions, à la télé, de vétérans de la lutte con­tre la guerre, qui dénonçaient la guerre avec véhé­mence. Cela sem­ble avoir fait un assez grand effet sur la pop­u­la­tion, bien que le gou­verne­ment, con­fi­ant dans son pou­voir absolu, n’ait rien changé à son attitude.

Je ne pense pas qu’il y aura de nou­velles inva­sions pour le moment, mais là encore, que reste-t-il à envahir ? À la man­i­fes­ta­tion, env­i­ron 4000 per­son­nes ont été arrêtées, ce qui dépas­sait large­ment les capac­ités des pris­ons. Elles ont donc été par­quées dans des ter­rains de foot­ball, etc., entourés de troupes armées — les gardes nationaux — qui s’en­ga­gent tous là-dedans pour ne pas être envoyés faire la guerre au Viet­nam. Aus­si, le résul­tat, c’est qu’ils ont été en général très bien­veil­lants et très sym­pa­thisants envers les man­i­fes­tants. Ceci est peut-être, pour le gou­verne­ment, le plus grand dan­ger qui ait jamais existé ; les troupes fédérales régulières s’adon­nent à la drogue ; les mil­i­taires viet­namiens, cam­bodgiens, lao­tiens, et les politi­ciens se font des for­tunes avec le traf­ic de drogue, plus per­son­ne ne croit plus qu’il s’ag­it d’un « com­plot com­mu­niste ». Main­tenant, tous les GI’s qui ren­trent du Viet­nam doivent pass­er des tests pour déter­min­er s’ils s’adon­nent à la drogue. Tout cela réduit de fait la base sur laque­lle le gou­verne­ment s’ap­puie pour se main­tenir, et sur­vivre. Si la police ne peut pas con­tenir une sit­u­a­tion, elle appelle la garde nationale ; si celle-ci sym­pa­thise et prend cause pour les man­i­fes­tants, on appelle les troupes fédérales ; s’ils se trou­vent être tous con­tre la guerre et adeptes de la drogue, le gou­verne­ment se retrou­ve isolé dans son coin avec comme seul choix le sui­cide, ou la reddition.

Je crois qu’il est d’une impor­tance cap­i­tale que nous com­pre­nions nos prob­lèmes respec­tifs et que nous créions des liens de sol­i­dar­ité à tra­vers le monde, afin que l’on ne puisse pas utilis­er cer­tains tra­vailleurs con­tre les autres.


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