La Presse Anarchiste

Ce qui se passe

Le conseiller Bou­char­don. — Une face de pleutre, à mous­taches épaisses, un regard froid, vis­queux ; la parole lente et céré­mo­nieu­se­ment bête, telle est la pre­mière impres­sion que donne l’ex-juge d’instruction Bouchardon.

Il a de nom­breuses cam­pagnes « judi­ciaires » à son actif. Il y a une ving­taine d’années, c’était une de ces innom­brables médio­cri­tés du Par­quet de X… et de celui de Paris.

La guerre le fit capi­taine… de quoi ? Mys­tère ! D’une sec­tion de potences ; ou d’une dou­zaine de pelo­tons d’exécution ? Jamais on ne l’a su !

Capi­taine-ins­truc­teur… après, pour­voyeur infa­ti­gable des fos­sés de Vin­cennes, il eut son heure de célé­bri­té. Valet des basses-œuvres de la bour­geoi­sie capi­ta­liste-mili­ta­riste, et exé­cu­teur sou­mis des ordres du sieur Cle­men­ceau, au même titre qu’Ignace, Mor­net, Abert, Prio­let, etc…

Et cela à l’abri du dan­ger : il a été de l’immense foule de ceux qui n’ont rien per­du, mais tout gagné à la mort des autres. Cor­beau ou hyène ? Il ne pour­rait pas le dire lui-même.

Seule­ment il y a le posi­tif : une grasse siné­cure, des fétiches de toutes cou­leurs, une espé­rance, un siège au Sénat et ensuite l’apothéose de la rue des Mar­tyrs… et tout sera parfait!!!

L’Illustre « Lemer­cier ». — Ce n’est pas le pre­mier des « juges », mais c’est bien le pre­mier des « drôles»». Il est « drôle » par tem­pé­ra­ment. Lorsqu’on voit sa figure maigre et bar­bue, quand on aper­çoit sa som­no­lence mala­dive, inhé­rente au métier, on com­prend la répu­gnance des « jus­ti­ciables » à avoir affaire à lui.

Dans le monde des loups, l’ours doit paraître un per­son­nage bien tyran­nique, c’est sans doute l’impression que fait 1’«honorable pré­sident » sur la foule des pape­ras­siers du Palais.

Il a acquis une par­tie de sa célé­bri­té dans les « affaires » anar­chistes ! Les liber­taires ne lui ont pas ména­gé leurs bonnes paroles — paroles qui ont le don de le mettre dans des colères froides.

Il rem­place Bulot, de grais­seuse mémoire et s’efforce d’être à sa hauteur.

Y arrive-t-il ? Dans le mépri­sable, il n’est pas besoin de faire de grands efforts et, dans l’oc­cur­rence, on peut dire qu’il est au-des­sus de sa tâche.

[/​M. Ray­mond./​]

[|EXPLICATION|]

Un lec­teur de La Revue Anar­chiste m’a fait tenir le mot sui­vant : Quoique n’étant guère par­ti­san du régime judi­ciaire actuel, j’estime cepen­dant que vous outran­cez un peu le tableau. S’il peut y avoir de bien mau­vais juges, il y en a aus­si de bons. Je ne cite­rai, pour mémoire que le pré­sident Magnaud, appe­lé de son temps le « bon juge»…»

Je réponds à ceci : il a tou­jours été dans mon inten­tion la plus for­melle, en fai­sant res­sor­tir du bour­bier judi­ciaire cer­taines faces hideuses, de clouer au pilo­ri la « jus­tice bour­geoise » tout entière !

J’ai vou­lu aus­si faire connaître qu’en sus de sa mal­fai­sance jour­na­lière ladite « jus­tice » donne fata­le­ment nais­sance à des monstres de bas­sesse et de corruption.

Ce que l’on peut déduire de l’affirmation de mon contra­dic­teur, c’est que toute la « magis­tra­ture » est mau­vaise, puisqu’un seul « juge », fai­sant tache dans la géné­ra­li­té des « Brid’oison » modernes, méri­ta — ô douce iro­nie — le sur­nom de « bon »!!

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