La Presse Anarchiste

Ce qui se passe

Le regroupe­ment des forces syn­di­cales, éparpil­lées du fait de la scis­sion, se con­tin­ue et les résul­tats obtenus se mon­trent satisfaisants.

La pro­pa­gande active que fait la C.G.T.U. porte ses fruits, tous les mil­i­tants syn­di­cal­istes appor­tant et joignant leurs efforts pour redonner au véri­ta­ble mou­ve­ment ouvri­er la puis­sance et la vital­ité dont il a tant besoin et qu’il n’aurait jamais dû perdre.

Con­traire­ment aux désirs exprimés par les politi­ciens, le syn­di­cal­isme pour­suit sa route en se débar­ras­sant de leur emprise. Alors que les Par­tis se débat­tent au milieu de l’indifférence des mass­es et per­dent à la fois leur influ­ence et leurs adhérents, les syn­di­cats, au con­traire, attirent l’attention, s’affirment plus puis­sants et aug­mentent leurs effectifs.

Con­stata­tion intéres­sante au plus haut degré, qui ne fait que con­firmer ce que nous avons tou­jours dit ; à savoir que, mal­gré les événe­ments défa­vor­ables, les dévi­a­tions et les reniements, l’organisation économique pré­domin­era, car elle fait par­tie inté­grante de la Vie, en s’appuyant exclu­sive­ment sur le Travail.

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Quoique étant absorbés par la pro­pa­gande, les mil­i­tants se doivent de ne pas oubli­er que nous vivons aus­si la péri­ode préparatoire.

Deux mois env­i­ron nous sépar­ent du Con­grès con­sti­tu­tif de notre C.G.T.; aus­si devons-nous être d’accord pour dire que cet événe­ment doit faire l’objet de nos préoccupations.

En effet, à St-Éti­enne, où se dérouleront ces débats, les mil­i­tants auront à dis­cuter et à se pronon­cer sur les statuts de cet organisme.

Les erreurs passées nous sont un enseigne­ment suff­isant pour que nous ne lais­sions rien au hasard. Dans la struc­ture de la C.G.T. décédée, il se trou­vait tant de lacunes et d’imperfections, que les dévi­a­tions étaient non seule­ment pos­si­bles, mais permises.

La forme cen­tral­iste, y était en hon­neur, et ce qu’il y a de plus regret­table, c’est que l’état d’esprit de ses com­posants parais­sait s’y prêter de telle sorte, que ceux qui essayaient de s’élever con­tre elle, voy­aient leurs efforts ren­dus vains et stériles, le règle­ment ne per­me­t­tant pas à l’initiative de se faire jour et de dépass­er le cadre que lui assig­nait ce qui com­po­sait le som­met de l’organisation.

La Fédéra­tion d’industrie était toute puis­sante, alors que l’union locale où départe­men­tale se voy­ait reléguée au dernier plan.

Le fonc­tion­nar­isme floris­sant aidait à l’amoindrissement de l’organisation d’abord, du syn­diqué ensuite, tant et si bien que le syn­di­cal­isme n’était plus l’expression du sen­ti­ment des pro­duc­teurs, pas plus qu’il ne représen­tait leurs aspirations.

Aus­si bien, pour par­er aux dif­fi­cultés qui peu­vent sur­gir, comme pour assur­er au mou­ve­ment ouvri­er économique la place qui lui revient, est-il indis­pens­able d’envisager dès main­tenant quelle forme il doit avoir et sur quelle base il doit s’appuyer.

En faisant partager aux autres les con­nais­sances acquis­es, en amenant par une pro­pa­gande appro­priée, tous les syn­diqués à une plus nette com­préhen­sion du prob­lème social, en faisant con­naître à cha­cun la part d’action qui est la sienne, en per­me­t­tant à l’initiative de se dévelop­per, on éten­dra du même coup le champ d’activité et de responsabilité.

Les mil­i­tants ne se con­sid­éreront plus comme des « gou­verneurs de pen­sée » où des « directeurs de con­science» ; ils pour­chas­seront l’ignorance et l’erreur. L’aide vien­dra de tous les côtés, les efforts s’accompliront partout à la fois, les volon­tés s’exprimeront simul­tané­ment. En décen­tral­isant, la tête ne pour­ra être atteinte, le corps ne pour­ra être privé de sa vie, puisque la tête sera partout où se trou­veront des hommes, ayant con­fi­ance en leur valeur et con­science de leur dignité.

Le lien local, départe­men­tal ou région­al ne devra pas être sac­ri­fié, il fau­dra au con­traire lui don­ner toutes les pos­si­bil­ités de développe­ment, pour qu’il donne les résul­tats que l’on attend de lui.

Les tra­vailleurs n’auront pas seule­ment des rela­tions suiv­ies sur le lieu même du tra­vail, ils appren­dront en out­re à se mieux con­naître, par con­séquent à se mieux défendre, en se retrou­vant dans les réu­nions inter­cor­po­ra­tives, interindus­trielles, qui seront leurs assem­blées locales.

La besogne pré­para­toire au Con­grès de St-Éti­enne est considérable.

Que cha­cun donc, se mette à l’étude des ques­tions qui se posent et se pré­pare à apporter sa pierre à l’édifice en con­struc­tion ; souhaitons, d’ores et déjà, qu’il soit ce que nous espérons.

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La com­mis­sion admin­is­tra­tive de la C.G.T.U., réu­nie le 15 mars dernier a voté une réso­lu­tion qui a provo­qué dans le clan des néo-com­mu­nistes une indig­na­tion prévue et bien peu dan­gereuse, heureusement.

Que dis­ait-elle donc ?

Ceci ! Entre autres choses :

« Anti-Éta­tique par essence et par déf­i­ni­tion, rigoureuse­ment adver­saire de toute forme de gou­verne­ment, QUELLE QU’ELLE SOIT, le syn­di­cal­isme révo­lu­tion­naire français tient essen­tielle­ment à rester en dehors des luttes engagées par les par­tis par­ti­sans du Pou­voir d’État exer­cé tour à tour par les uns et par les autres. Pou­voir qui ne peut que repos­er sur la vio­lence et l’arbitraire ».

C’était une affir­ma­tion assez nette et pré­cise pour que l’organe, qui s’intitule com­mu­niste « L’Humanité » prit la mouche, par la voix de ses « employés » et regim­bât con­tre l’organisation qui osait l’exprimer.

Mais au fait, qu’ont-ils répon­du à cela ?

Rien !

Il est vrai qu’ils n’osent peut-être pas aller trop loin dans leur désir de boy­cottage, car ils n’ignorent pas que leurs lecteurs sont surtout les syn­di­cal­istes, privés d’un organe qu’ils devraient posséder.

Et puis, ils savent bien que cette réso­lu­tion reflète exacte­ment la pen­sée de ceux qui appor­tent au syn­di­cal­isme leur activ­ité, comme elle représente les aspi­ra­tions légitimes des producteurs.

Qu’ils le veuil­lent ou non, il ne peut en être autrement : l’émancipation des tra­vailleurs n’est pas seule­ment d’ordre cap­i­tal­iste, l’oppression n’existe pas par­ti­c­ulière­ment du fait du salari­at, elle est égale­ment d’ordre social dans le sys­tème que représente la société que l’on supporte.

Cette éman­ci­pa­tion sera totale ou ne sera qu’un leurre, aus­si espérons que, dans son désir de con­quête révo­lu­tion­naire, le pro­lé­tari­at ira vers la dis­pari­tion de l’arbitraire, de la con­trainte, de la dom­i­na­tion, de l’autorité, en un mot de l’État qui les ren­ferme toutes.

Donc, en prenant la posi­tion de clarté et de pré­ci­sion indis­pens­ables, nos cama­rades de la C.G.T.U. n’ont fait qu’enregistrer en réal­ité, ce qui déjà est dans les faits, et espérons qu’ils con­tin­ueront dans cette voie ; sans cela le con­fu­sion­nisme aurait tôt fait de réa­gir et à nou­veau nous seri­ons plongés dans l’obscurantisme.

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Nous allons vers l’Apothéose que je prévoyais.

En grande pompe tous les « numéros » de l’Internationale poli­tique se sont réu­nis à Berlin pour réalis­er le Front Inique.

Ce n’est donc pas une sur­prise pour nous, qui une fois de plus, sommes traités de con­tr­erévo­lu­tion­naires par les dirigeants de la IIIe et par l’Exécutif élar­gi, si je m’en rap­porte à la réso­lu­tion qui a été votée, sans l’être, tout en l’étant, même par les man­datés du Par­ti français, dont l’opinion à ce sujet paraît suiv­re les ori­en­ta­tions du vent.

Il est vrai que nous ne restons pas seuls cette fois à hérit­er de ce qual­i­fi­catif tout gra­tu­it. N’y a‑t-il pas tous les syn­di­cal­istes et bon nom­bre d’adhérents du par­ti lui-même qui s’en voient grat­i­fiés ? Je voudrais que ceux-ci con­tin­u­ent à mérit­er le cour­roux de leurs dic­ta­teurs, ce serait d’un excel­lent augure pour le véri­ta­ble esprit révo­lu­tion­naire, ce qui n’a rien de com­mun avec la pas­siv­ité et la lâcheté.

Cela dit, con­sta­tons que mal­gré quelques légers écarts de lan­gage, l’accord est inter­venu entre les Bracke, Paul Fau­re, Radeck, Adler, Van­dervelde, Rakows­ki et autres Frossard.

Jusque là, rien de mal, pas de bobo. Mais où ils devi­en­nent amu­sants, c’est quand ils invi­tent Moscou et Ams­ter­dam à sceller un accord sur le ter­rain syn­di­cal après avoir si bien réus­si a tout briser.

Est-ce de l’exagération ?

Non

Ils ne font que nous prou­ver une fois de plus que nous avions rai­son quand nous disions : « Ams­ter­dam est sous la coupe de la IIe et Moscou sous celle de la IIIe. »

Notons générale­ment que la con­ver­sa­tion est engagée depuis quelques temps déjà entre les Inter­na­tionales syn­di­cales à ce sujet et que la Norvège a elle aus­si péché dans cette eau trouble.

Voyons un peu jusqu’où ils poussent la rigolade !

À Gênes, les représen­tants de la Russie, mem­bres de la IIIe réalisent où ten­tent de réalis­er le front Inique avec le con­cours des gou­verne­ments cap­i­tal­istes et impéri­al­istes sur un pro­gramme exces­sive­ment min­i­mum, puisqu’il s’agit du redresse­ment économique de tous les États.

À Berlin, même tableau, avec les délégués de l’Exécutif de la IIIe, mem­bres du gou­verne­ment russe ; mais là, c’est sous pré­texte de lutte de classe et de boule­verse­ment mondial.

Et voilà ! aurait dit Robert Houdin.

Avec de pareils pres­tidig­i­ta­teurs, rien ne peut nous sur­pren­dre, pas même la réu­nion en une seule de l’Internationale syn­di­cale dite « Jaune » avec celle dite « Rouge» ; l’ambiance aidant, les tra­vailleurs n’y ver­ront que du « Bleu » et c’est nous qui res­teront « choco­lat » n’ayant d’autres ressources que de broy­er du « noir ».

Tout l’étalage d’un marc­hand de couleurs, quoi !

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Mon atten­tion a été retenue à la lec­ture de deux arti­cles, l’un de Mon­mousseau, l’autre de Quinton.

Pour jus­ti­fi­er son « Moscou, quand même » le pre­mier s’évertue a inter­préter la dic­tature du pro­lé­tari­at. Pour appuy­er sa démon­stra­tion il l’assimile à la ges­tion du Con­seil syn­di­cal, à l’activité d’un comité de grève, à l’administration d’un con­seil de coopérative.

Il aurait rai­son, si le mot dic­tature n’avait un sens véri­ta­ble et s’il pou­vait s’accoler sans réserve aux deux mots « du pro­lé­tari­at », puis encore, si une ressem­blance quel­conque exis­tait avec les fig­ures qu’il emploie.

Mais voilà, il n’a pas de chance, ça ne va pas du tout ensem­ble et c’est si vrai que ceux qui ont fait tant de pub­lic­ité autour de cette for­mule recon­nais­sent et avouent qu’il s’agit de dic­tature sur le pro­lé­tari­at — il ne peut en être autrement — et même de dic­tature sur le par­ti dont ils sont à la fois les chefs et les dictateurs.

Nous en repar­lerons quand tu le voudras. Mon­mousseau, et où il te fera plaisir, tu entends ?

Quant à mon ami Quin­ton, il aurait dû, de son côté, rechercher la déf­i­ni­tion du mot Anar­chie et la pass­er sous sa rabo­teuse, à con­di­tion que son réglage ne fût pas défectueux. Cela lui eût évité la peine de nous sor­tir cette galé­jade : « la poli­tique anarchiste ».

Il se serait tout de suite ren­du compte com­bi­en ces deux ter­mes sont opposés et inc­on­cil­i­ables, et la crainte qu’il éprou­ve d’un péril anar­chiste dans le syn­di­cal­isme, aurait égale­ment dis­paru de son cerveau.

Comme c’est faire une bonne action que de ramen­er un peu de tran­quil­lité dans une âme trou­blée, j’invite tous les com­pagnons à la lui pro­cur­er en lui démon­trant par leur atti­tude et par leur activ­ité com­bi­en il serait heureux que le syn­di­cal­isme ne comp­tât pas de plus mau­vais servi­teurs que ceux qui se font les pro­tag­o­nistes de l’Anarchie.

[/Veber./]


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