La Presse Anarchiste

Réflexions sur le récent congrès anarchiste tenu à Berlin

Anarchisme et antimilitarisme

Le socia­lisme moderne, sous sa forme pri­mi­tive et au début de sa lutte, a expli­ci­te­ment recon­nu que le mili­ta­risme doit être com­bat­tu comme un des symp­tômes les plus signi­fi­ca­tifs du capi­ta­lisme. Dès 1868, au congrès de Bruxelles, les socia­listes ont réso­lu de pro­pa­ger l’idée de grève géné­rale comme moyen de pré­ve­nir des guerres bour­geoises. Mais dans la mesure où le socia­lisme s’adapta à l’ère capi­ta­liste et devint inter­na­tio­na­le­ment un ins­tru­ment aux mains de la démo­cra­tie natio­na­liste, la résis­tance qu’il avait tout d’abord oppo­sée à l’esprit mili­ta­riste s’affaiblit et se cor­rom­pit de plus en plus au contact du patrio­tisme. Quand Dome­la Nieu­wen­huis, aux congrès inter­na­tio­naux de Bruxelles (1891) et de Zurich (1893), pro­po­sa aux socia­listes de pré­ve­nir le péril de plus en plus pres­sant de la guerre mon­diale par une pro­pa­gande accrue, en faveur de l’idée de grève géné­rale et le refus de ser­vir en masse, il se heur­ta en par­ti­cu­lier à l’hostilité des socia­listes alle­mands, et la réso­lu­tion pro­po­sée par lui fut repous­sée à la majorité.

Les anar­chistes sont seuls à avoir main­te­nu vivante la tra­di­tion anti­mi­li­ta­riste du socia­lisme moderne. Dans leur pro­pa­gande, ils ont fait res­sor­tir, avec une insis­tance tou­jours accrue, que le mili­ta­risme n’est pas seule­ment un phé­no­mène propre à l’état de guerre, mais encore un phé­no­mène propre à l’état de paix, s’il faut appe­ler paix cette forme à peine moins san­glante et plus sour­noise de la guerre. L’industrie moderne n’est autre chose qu’une pro­duc­tion mili­ta­ri­sée, de même que la guerre moderne n’est autre chose qu’une tue­rie machi­nale et machi­niste. Dans les ate­liers comme à la caserne, il règne exac­te­ment le même esprit : l’esprit de subor­di­na­tion auto­ma­tique. Et ain­si que la menace des douze balles font du sol­dat au front un assas­sin par obli­ga­tion, l’ouvrier est enchaî­né à l’usine par la menace aus­si meur­trière de la faim. On voit par­tout la même cen­tra­li­sa­tion méca­nique, que l’homme ne domine pas, mais dont il est dominé.

C’est pour­quoi des congrès anti­mi­li­ta­ristes inter­na­tio­naux furent tenus en 1904 et en 1907 sur l’initiative d’anarchistes de plu­sieurs pays. C’est pour­quoi en 1904 l’Union anti­mi­li­ta­riste inter­na­tio­nale fut fon­dée sur l’initiative de Dome­la Nieu­wen­huis. C’est pour­quoi on voit par­tout des anar­chistes et des syn­di­ca­listes conscients de leurs ori­gines lut­ter cou­ra­geu­se­ment contre le patrio­tisme, le natio­na­lisme et le mili­ta­risme, par la grève géné­rale, le refus de ser­vir en masse, la ces­sa­tion de la pro­duc­tion guer­rière et le refus de ser­vir per­son­nel. Cela explique qu’au début de la guerre mon­diale, en France, en Ita­lie, en Rus­sie, en Amé­rique et dans les pays neutres, des cen­taines d’anarchistes — mal­gré un cer­tain déve­lop­pe­ment tar­dif au point de vue de la théo­rie éco­no­mique et phy­sique — com­bat­tirent le mili­ta­risme impé­ria­liste au nom de la per­son­na­li­té humaine et ris­quèrent la vie pour leurs principes.

Il y a deux mili­ta­rismes : celui d’en haut… actif, dic­ta­to­rial, et celui d’en bas, pas­sif, récep­tif et sou­mis. Ces deux aspects du mili­ta­risme se sont mons­trueu­se­ment déve­lop­pés au cours de la guerre mon­diale. La classe gou­ver­nante, exa­gé­rant sa contrainte, a pris des allures de plus en plus domi­na­trices ; les masses gou­ver­nées ont com­plè­te­ment dégé­né­ré par leur mili­ta­risme pas­sif. En fin de compte, le mili­ta­risme est un état d’esprit : il figure la men­ta­li­té typique des gou­ver­nants et des gou­ver­nés à une époque d’impérialisme. Non seule­ment le bureau­cra­tisme, le par­le­men­ta­risme, la démo­cra­tie et les par­tis, mais encore et sur­tout le mili­ta­risme pas­sif ont cor­rom­pu les grandes masses du pro­lé­ta­riat international.

C’est pour­quoi dès 1917 des anar­chistes appar­te­nant à dif­fé­rents pays déci­dèrent de réunir, aus­si­tôt que pos­sible, un congrès inter­na­tio­nal, anti­mi­li­ta­riste et révo­lu­tion­naire. Ce congrès eut lieu à La Haye, en 1921, et invi­ta le pro­lé­ta­riat inter­na­tio­nal à se ser­vir de nou­veau des vieilles armes révo­lu­tion­naires et anti­mi­li­ta­ristes. On y fit res­sor­tir la néces­si­té de lut­ter, non seule­ment contre la menace de nou­velles guerres mon­diales, mais encore contre la ter­reur blanche, l’intervention armée dans les pays en révo­lu­tion et l’exploitation oppres­sive où sont main­te­nues les races soi-disant mineures.

Le cours de la révo­lu­tion euro­péenne depuis 1917 a révé­lé dans le mili­ta­risme, tant actif que pas­sif, l’un des plus grands dan­gers pour la réus­site des révo­lu­tions sociales. Le mili­ta­risme soi-disant pro­lé­ta­rien dont Bucha­rin a par­lé avec un tel enthou­siasme et qui forme l’envers de la dic­ta­ture des chefs bol­che­viks, four­nit la preuve la plus claire de ce que la révo­lu­tion pro­lé­ta­rienne n’a pas encore abou­ti. Il appa­raît donc que l’anarchisme, qui demande le plein épa­nouis­se­ment de la per­son­na­li­té dans une socié­té libre, doit com­battre sans trêve et avec les méthodes les plus appro­priées la démo­ra­li­sa­tion opé­rée par l’état d’esprit militariste.

Tout cela, le congrès de Ber­lin l’a for­mu­lé dans la réso­lu­tion suivante :

« Le congrès anar­chiste inter­na­tio­nal sié­geant à Ber­lin on décembre 1921 attire l’attention des tra­vailleurs sur les ten­ta­tives dou­teuses des gou­ver­ne­ments bour­geois fai­sant sem­blant de désar­mer et d’instituer un ordre plus rai­son­nable dans les rap­ports inter­na­tio­naux, éco­no­miques et politiques.

« Pen­dant que les repré­sen­tants des États capi­ta­listes dis­cutent à Washing­ton au sujet du désar­me­ment géné­ral, les hommes de science, ingé­nieurs et chi­mistes, enfer­més dans leurs labo­ra­toires, sont en train de per­fec­tion­ner les engins de des­truc­tion exis­tants et d’y ajou­ter de nou­veaux, plus ter­ribles encore.

« Mais ce ne sont pas seule­ment les rap­ports des grandes puis­sances entre elles qui four­nissent de grands sujets d’inquiétude, c’est encore l’opposition entre les races de cou­leurs et leurs exploi­teurs blancs qui s’accroît de jour en jour.

« La bour­geoi­sie s’efforce dans chaque pays à prendre les mesures néces­saires pour répri­mer la révo­lu­tion chez elle, et pour s’entr’aider par delà les fron­tières, au cas où le besoin s’en ferait sen­tir. Tout cela montre clai­re­ment que nous tra­ver­sons une époque des plus réactionnaires.

« Les dan­gers qui menacent le monde ne résultent pas seule­ment de l’activité mili­ta­riste de ceux qui sont à la tête de la socié­té bour­geoise, mais encore de la pas­si­vi­té des grandes masses populaires.

« Le Congrès invite tous les cama­rades à faire une large pro­pa­gande anti­mi­li­ta­riste sur le plan inter­na­tio­nal et d’agir avec éner­gie dans l’esprit même de la réso­lu­tion adop­tée par le congrès inter­na­tio­nal anti­mi­li­ta­riste (de La Haye). Il est néces­saire de se ser­vir de toutes les armes anti­mi­li­ta­ristes : refus de ser­vir en masse, ces­sa­tion de la fabri­ca­tion du maté­riel mili­taire, grève géné­rale en cas de guerre, etc.

« En outre, le congrès exprime ses sym­pa­thies les plus vives aux cama­rades de tous pays qui ont refu­sé le ser­vice mili­taire, ain­si qu’à tous ceux qui ont contri­bué d’une façon quel­conque à saper la dis­ci­pline de l’armée.

« Par suite de la guerre mon­diale et des méthodes dic­ta­to­riales, essen­tiel­le­ment bour­geoises, que la révo­lu­tion a employées dès 1917, les masses pro­lé­ta­riennes se trouvent péné­trées d’esprit mili­ta­riste. En par­fait accord avec la décla­ra­tion de Karl Marx, à savoir qu’une révo­lu­tion inté­rieure des esprits doit pré­cé­der la révo­lu­tion sociale, le congrès invite les ouvriers à agir, non seule­ment en vue d’une révo­lu­tion des condi­tions exté­rieures, mais encore direc­te­ment sur les esprits.

VII. Anarchisme et Dictature

En ce qui concerne l’attitude de l’anarchisme en face de la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, le congrès a adop­té la réso­lu­tion suivante :

« Le congrès anar­chiste inter­na­tio­nal de Ber­lin constate avec satis­fac­tion que les anar­chistes de tous les pays sont adver­saires de la dic­ta­ture. Les évé­ne­ments de Rus­sie n’ont fait que confir­mer la jus­tesse de notre conception.

« En s’appuyant sur cette expé­rience, les anar­chistes se déclarent plus que jamais adver­saires de toute dic­ta­ture, qu’elle vienne de droite ou de gauche, de la bour­geoi­sie ou du prolétariat.

« Le congrès déclare que sur cette ques­tion, mise au pre­mier rang par les récents évé­ne­ments, l’unanimité est complète. »

Géné­ra­le­ment, on com­prit sous ce mot de dic­ta­ture une cer­taine forme de la puis­sance de l’État : comme Rocker la dit : « La dic­ta­ture, c’est l’État sous l’état de siège… Ain­si que tous les autres par­ti­sans de l’idée éta­tiste, ceux de la dic­ta­ture partent de ce prin­cipe que ce qu’ils appellent le bien ou les néces­si­tés pro­vi­soires puisse être dic­té d’en haut et impo­sé au peuple par la force. »

Par l’échange d’idées des congres­sistes on rece­vra l’impression que plu­sieurs délé­gués pas­saient un peu légè­re­ment sur l’important pro­blème de l’époque tran­si­toire entre le capi­ta­lisme et l’anarchisme. Il est facile en théo­rie de repous­ser la dic­ta­ture et le mili­ta­risme révo­lu­tion­naires, mais c’est une grave erreur de croire que, seul, par cette néga­tion, l’avancement révo­lu­tion­naire se fera sans dif­fi­cul­té par manière spon­ta­née et dans le sens d’une libre orga­ni­sa­tion du pro­lé­ta­riat par lui-même. Ce qu’on est trop ten­té d’oublier en de pareils débats, c’est le fait que les bou­le­ver­se­ments sociaux et les troubles révo­lu­tion­naires n’attendent pas, pour écla­ter, que tous les pro­lé­taires soient deve­nus des anar­chistes ni même que la pro­pa­gande anar­chiste ait atteint la masse ouvrière tout entière [[On découvre des symp­tômes bour­geois et pré-bour­geois jusque dans l’esprit de mili­tants qui, sous le rap­port poli­tique et éco­no­mique, appar­tiennent aux pre­miers rangs de la révo­lu­tion. La lit­té­ra­ture révo­lu­tion­naire inter­na­tio­nale n’est pas tou­jours exempte d’idées de revanche et de ven­geance, qui ont leur petit air baby­lo­nien et pré-baby­lo­nien. Il arrive qu’on va cher­cher ses argu­ments jusque dans le Vieux-Tes­ta­ment : œil pour œil, dent pour dent. Trop sou­vent la pro­pa­gande se sert de concep­tions sur­an­nées et essen­tiel­le­ment païennes de la culpa­bi­li­té. L’antique morale du talion, de la rétri­bu­tion, de la com­pen­sa­tion nous est mal­heu­reu­se­ment entrée dans le sang. En France, des cama­rades ont pro­po­sé d’exercer des repré­sailles sur les repré­sen­tants bol­che­viks, afin d’obtenir la libé­ra­tion des anar­chistes empri­son­nés en Rus­sie (Liber­taire du 2 décembre 1921). C’est là une méthode dont l’emploi s’est déjà vu repous­sé par les meilleurs pen­seurs bour­geois et les plus géné­reux esprits du pas­sé. Si d’autres délé­gués au Congrès ont pro­tes­té contre les méthodes de repré­sailles pro­lé­ta­riennes, on n’en a pas moins sen­ti dans l’assemblée un cer­tain pen­chant à pas­ser sur une meilleure connais­sance des choses et des consi­dé­ra­tions plus humaines, pour faire entrer dans la pra­tique des concep­tions qui sont essen­tiel­le­ment contraires à l’anarchisme. À‑t-on bien remar­qué com­bien l’application de pareilles méthodes pré-bour­geoises res­semble à un pre­mier pas vers la dictature ?

Il existe de meilleurs moyens pour obli­ger le gou­ver­ne­ment sovié­tique à libé­rer les anar­chistes russes, des moyens qui s’accordent mieux avec nos buts révo­lu­tion­naires. Tels seraient : l’appel aux ouvriers de ces­ser tout tra­vail au ser­vice du gou­ver­ne­ment (mais non du peuple russe); le manie­ment sys­té­ma­tique de l’opinion publique du pro­lé­ta­riat inter­na­tio­nal par la presse ; la mise en dis­cus­sion de cette ques­tion en toute réunion orga­ni­sée par la Troi­sième Inter­na­tio­nale ; le refus de coopé­rer avec toute sec­tion de la Troi­sième Inter­na­tio­nale qui, sous ce rap­port, se décla­re­rait soli­daire du gou­ver­ne­ment sovié­tique ; et enfin des appels renou­ve­lés au pro­lé­ta­riat russe, l’invitant à ten­ter lui-même la libé­ra­tion des révo­lu­tion­naires empri­son­nés, non seule­ment au moyen de pro­tes­ta­tions pla­to­niques, mais en payant de sa personne.

Il n’en est pas moins pos­sible qu’à la der­nière extré­mi­té, et en cas de force majeure, des moyens extra­or­di­naires, enfrei­gnant ce prin­cipe, seront employés pour pro­té­ger les conquêtes révo­lu­tion­naires. Cepen­dant, on doit s’abstenir de prê­cher que « la fin jus­ti­fie les moyens », et ten­ter l’impossible pour en réa­li­ser l’harmonie. L’application des moyens étran­gers, impropres ou essen­tiel­le­ment hos­tiles à la cause révo­lu­tion­naire, ne feraient qu’éloigner le com­bat­tant de son but. Il ne faut pas perdre de vue le péril d’une dic­ta­ture des moyens.]]. On a pré­ten­du par exemple qu’en Suède un pro­lé­ta­riat révo­lu­tion­naire pour­rait, en temps de guerre, sup­pri­mer toute l’industrie des muni­tions et ain­si rendre impos­sible l’activité de l’armée. Mais ce n’est pas aus­si simple que cela dans les autres pays, par exemple en Alle­magne ou aux États-Unis. Dans la plu­part des pays il y aura de grandes crises révo­lu­tion­naires, diri­gées par une forte mino­ri­té ou, au cas le plus favo­rable, une petite majo­ri­té révo­lu­tion­naire. L’opposition, fort nom­breuse, ne com­pren­dra pas seule­ment des hommes appar­te­nant à la classe bour­geoise — en ce cas la lutte pour la réno­va­tion sociale ne serait qu’un jeu d’enfants. La réac­tion ne dis­pose pas seule­ment de la richesse finan­cière, de la presse, de l’École, de l’Église, des pri­sons et des armées, mais par l’ensemble de ces moyens elle exerce encore une forte dic­ta­ture spi­ri­tuelle et domine com­plè­te­ment une par­tie du pro­lé­ta­riat, qui ne se contente pas de pen­ser avec la bour­geoi­sie — ce ne serait rien encore — mais qui sent avec la bour­geoi­sie et se sacri­fie gaie­ment pour des buts pro­pre­ment bour­geois, comme si c’étaient là les buts mêmes de l’humanité. Il y avait au congrès un cama­rade alle­mand qui, chaque fois qu’un anar­chiste, per­dant de vue les dif­fi­cul­tés de la réa­li­sa­tion, maniait l’idéal un peu légè­re­ment, l’interrompait par ces mots : « Et l’époque de tran­si­tion, qu’en faites vous ? » Ce cama­rade avait rai­son. Il tou­chait là à un des pro­blèmes his­to­riques et moraux les plus dif­fi­ciles de l’anarchisme.

Il faut que les anar­chistes se pénètrent du fait que l’humanité devra encore pas­ser, au cours de son déve­lop­pe­ment inté­rieur, par bien des révo­lu­tions poli­tiques et éco­no­miques, avant d’avoir réa­li­sé les condi­tions, non seule­ment tech­niques, mais encore psy­cho­lo­giques, intel­lec­tuelles et morales, d’une com­mu­nau­té véri­ta­ble­ment anar­chiste, orga­ni­sée par l’humanité entière. Tout au moins il faut recon­naître qu’au cours de la pré­sente géné­ra­tion, empes­tée d’esprit bour­geois et d’habitudes mili­ta­ristes, il n’est guère pro­bable que le grand jour de l’anarchisme se lève­ra sur le monde — encore que ce ne soit pas là pour nous une rai­son de ces­ser la lutte qui consiste à hâter la venue de ce jour. Tant qu’il y aura un mili­ta­risme pas­sif, il y aura éga­le­ment un mili­ta­risme actif ; tant qu’il y aura des trou­peaux, il y aura des ber­gers, et tant qu’il y aura des esclaves, il y aura des maîtres. Mais ce mili­ta­risme actif et pas­sif, ces trou­peaux et ces ber­gers, ces esclaves et ces maîtres figurent jus­te­ment le plus grand dan­ger pour le pro­grès de la révo­lu­tion. C’est pour­quoi tous ceux qui ont échap­pé à cet esprit per­ni­cieux doivent com­battre sans trêve pour la for­ma­tion d’un esprit libre et d’une socié­té libre.

Cela ne veut pas dire que les anar­chistes doivent assis­ter en spec­ta­teurs oisifs aux luttes du jour, sus­pendre leur juge­ment et, les yeux fer­més, doivent se conduire indif­fé­rem­ment aux grands cou­rants cultuels, éco­no­miques et poli­tiques. Sur tous les domaines de l’activité humaine, on ren­contre déjà des germes anar­chistes et des pos­si­bi­li­tés liber­taires qu’il s’agit de favo­ri­ser et de déve­lop­per le plus pos­sible. En par­ti­cu­lier sur le domaine éco­no­mique, on remarque bon nombre de ten­dances anti­mi­li­taires, anti-éta­tistes et anti­dic­ta­to­riales, ayant comme ten­dance l’organisation des masses par elles-mêmes. Pour ce qui est des com­bats révo­lu­tion­naires, il y a tou­jours moyen de les ins­pi­rer, en y par­ti­ci­pant, et de réveiller l’action spon­ta­née du peuple. Mais la coopé­ra­tion avec des révo­lu­tion­naires qui essaient de fixer et de limi­ter dic­ta­to­ria­le­ment les conquêtes de la révo­lu­tion, ne peut se faire sans réserves. Nous com­bat­tons avec tous ceux, groupes ou indi­vi­dus, qui essaient de battre en brèche l’oppression, l’exploitation et la force, sous quelque forme qu’elles se mani­festent. Nous nous ser­vons, autant que pos­sible, de toute orga­ni­sa­tion ou ins­ti­tu­tion qui, de près ou de loin, concourt à la même fin liber­taire. Mais nous nous effor­çons de détruire toute ins­ti­tu­tion qui entrave la réa­li­sa­tion de notre but et nous fai­sons la guerre jusqu’au bout à toutes les puis­sances qui, niant le prin­cipe dyna­mique de l’anarchisme, tentent de main­te­nir à l’état sta­tique et rigide les résul­tats acquis et les conquêtes pro­vi­soires d’une révo­lu­tion quelconque.

[/​B. de Ligt./​]

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