Un nouveau danger – C’est la trouvaille dernier cri de la « Guerre Sociale », organe des antimilitaristes militaristes, ce nouveau fléau, c’est la Napoléonite ! Il y est expliqué comment se fait la propagande bonapartiste sous différentes formes. Dans le « Libertaire » du 14 avril G. Yvetot me semble en faire bonne justice.
À nous autres peu nous chault !
Où trouver des femmes… conscientes ? – Dans son article, É. Durand (Vie A. du 20 mars) nous fait entrevoir, sous une forme humoristique qui n’en contient pas moins des choses exactes, la pénurie de femmes… conscientes dans les groupements anarchistes ; c’est du reste, ce que j’ai essayé de préciser dans mon article « Types de ménages demi-anarchistes » (« Vie Anarchiste » 1er février 1912) et Fernand-Paul dit excellemment : « Le meilleur est de s’adjoindre une compagne dont les sentiments correspondent aux vôtres : la vie à deux est si agréable quant, sans faire abnégation de sa propre liberté, on se fait mutuellement des concessions » « V. A. 8 avril 12. »
Cela est très bien, mais où les trouver ces compagnes idéales ?
Coopération, « La ruche africaine », retour à la terre. – Un nouvel essai de coopération, des plus intéressants puisqu’il comprendra consommation et production « s’attaquant à la source même de toute souveraineté : à la possession et à la culture du sol. » va être tenté en Tunisie, par des travailleurs voulant se libérer du joug patronal ; c’est en même temps un « Retour à la terre » ainsi que nous l’explique la brochure « L’œuvre de coopération réelle en face du problème social » publiée sous les signatures de L. Silve et R. de Fonclare et lancée par le comité d’initiative (« La Ruche africaine », 5 Place de la Gare, à Tunis, prix, 0,50)
Entr’autres arguments décisifs, citons ceux-ci :
« Faute d’une organisation appropriée nous voyons les groupements syndicaux déposer dans une grande banque les sommes provenant des cotisations de leurs membres ; celle-ci en nantit le patronat, et nous assistons à ce spectacle, peu banal, d’une unité de lutte sociale fournissant à son adversaire des armes pour la vaincre ! (page 8)
« Étrange mentalité, tout de même que celle de ces hommes (militants syndicalistes) qui, de la meilleure foi du monde, nous proposent de faire une révolution économique par le bulletin de vote, la grève, l’émeute ou l’instruction théorique, qui ne sont que des moyens politiques ! » (p. 5)
Je crois qu’un peu de précision ne nuirait pas ici, car je ne vois pas du tout que la grève, l’émeute et l’instruction théorique soient des moyens politiques, cela dépend surtout de l’orientation qu’on leur fait prendre.
« Mais que représente donc le salaire du travailleur, sinon la plus-value que son industrie donne à la matière, quelle qu’elle soit, diminuée du prélèvement opéré par le capitaliste-exploiteur ? Espère-t-on que celui-ci abandonnera son privilège ? Une telle naïveté ne serait pas croyable. Ce sera donc toujours le montant du prix de ce salaire qui déterminera le prix de la marchandise consommable ? Il en résulte, quoi qu’on ne veuille pas en convenir, que le coût de la vie augmente au fur et à mesure que les salaires s’élèvent et que tous les sophismes qu’on débitera autour de ce dilemme n’en changeront pas la portée » (p. 9)
« Certes, l’idée première d’organiser pour nous le travail libre sur le champ libre, avait séduit nos sentiments individualistes et libertaires, dont, on se défend difficilement ; surtout lorsqu’on s’est donné la peine de constater, autour de soi, l’égoïsme mesquin qui guide les hommes dans leurs rapports sociaux. Nous l’avons sacrifié à nos convictions altruistes. Aussi restons-nous convaincus que les travailleurs ne seront véritablement libres que le jour où le dernier des salariés aura disparu. Et si nous venons d’énoncer une vérité, notre devoir comme révolutionnaire nous commande de rechercher les moyens susceptibles de nous apprendre à nous passer de maîtres, en nous nous initiant aux mystères de la production de la matière première, indispensable à l’existence de l’humanité » p. 41. 42.
« Notre Ruche africaine sera donc une société anonyme à personnel et capital variables. Nous caressons l’espoir que cette forme d’association soit appelée demain à constituer une sorte de caisse d’épargne où nos camarades pourront confier leurs économies au lieu de les placer dans les caisses des banques et des entreprises gérées par l’oligarchie capitaliste » (p.46)
« Pour vivre seul, sans le concours d’autrui il faudrait accepter la doctrine des naturiens — ou retourner d’un seul bond, aux époques reculées de la préhistoire » (p. 51)
Il reste évident que si l’individu veut vivre le plus près possible de la nature il n’en sera que plus indépendant parce qu’il saura se satisfaire des besoins normaux et ainsi aura plus de facilité pour se passer du concours d’autrui.
Et pour conclure, une dernière citation :
« Et puis, enfin, ne peut-on pas envisager le moment où un ensemble de groupements semblables à celui que nous voulons créer, détenant une partie de la terre, ayant à leur disposition une quantité énorme de produits pourrait tenir la société bourgeoise en échec ? Par le fait que ces groupements seraient libres de garder ou d’apporter sur les marchés les produits qu’ils détiendraient, ils deviendraient les maîtres. Investis du pouvoir formidable de déchaîner à leur guise une crise économique dont le monde du travail serait à l’abri, ils peuvent matérialiser s’il leur plaît la doctrine féconde du travail tout puissant. Pensons‑y donc, camarades ! Nous pouvons réaliser ce tour de force si nous voulons. Notre méthode n’exclut pas les autres, au contraire, elle les complète ; c’est l’organisme essentiel dont nous parlions au début qui permettra de profiter de la victoire et d’en accumuler les bénéfices. » (p. 58. 59)
Bandits illégaux – Le 16 avril, Sébastien Faure a donné une conférence, aux Sociétés Savantes, sur « les Bandits », les enseignements qu’il fallait en tirer. Tout en faisant les distinguos nécessaires entre l’idéal communiste anarchiste, révolutionnaire et l’individualisme, Sébastien Faure su mettre en opposition des actes reprochés aux bandits illégaux ceux bien autrement néfastes des bandits légaux, lesquels agissent avec plus de confortable et en toute sécurité ; puis après, Lorulot vint, tout en revendiquant hautement. les emprisonnés, dire qu’il n’avait jamais conseillé ni fait l’apologie de l’illégalisme, et qu’il avait même mis en garde les jeunes camarades non encore suffisamment préparés à cette vie de luttes, de ruses et d’audaces contre les dangers inévitables de l’illégalisme ; et ceci est exact, en effet, pour quiconque a suivi les écrits de Lorulot dans « l’anarchie » et ailleurs. Ensuite il dissipa certains malentendus et finalement S. Faure se félicita d’être presque d’accord avec lui ; et ce fut une bonne soirée pour la propagande du communisme anarchique révolutionnaire et pour une meilleure compréhension de l’individualisme-anarchiste.
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