La Presse Anarchiste

Sur les compagnes

Je constate avec regret que par­mi nous les femmes sont rares et celles qui viennent dans nos grou­pe­ments ne sont pour ain­si dire pas anar­chistes et ne font rien pour le devenir.

Les unes sont far­dées, pou­drées, atti­fées à la der­nière mode, ornées de bijoux et de plumes tout comme des sau­vages, ne venant par­mi nous que pour paraître, agui­chant à droite et à gauche, cha­hu­tant avec Pierre et Paul.

La plu­part de ces femmes n’ayant aucune conscience, exploi­tant leur pré­ten­due beau­té ou leur jeu­nesse ne sont en bonne par­tie que des femmes entre­te­nues, leur goût du luxe fut une des causes qui pous­sèrent des copains à l’illé­ga­lisme et à ses consé­quences fatales : la pri­son et le bagne.

Ces femmes aux sen­ti­ments contra­dic­toires pleur­nichent lors­qu’il est arri­vé un acci­dent à leur copain, qu’il tombe dans les griffes de la jus­tice. Que n’ont-elles pas ten­té de se pri­ver de telle toi­lette ou de tel plai­sir pour évi­ter au copain de cou­rir les risques qui l’ont conduit là ? Mais leurs larmes se sèchent vite et le sou­rire aux lèvres, elles aguichent à nou­veau un nou­vel entre­te­neur pos­sible ; c’est d’ailleurs leur seule res­source, ces femmes n’ayant ni cou­rage ni dignité.

D’autres viennent par­mi nous parce que leur copain est anar­chiste ; demain si les cir­cons­tances étaient telles, elles se met­traient avec un flic et épou­se­raient sa men­ta­li­té. Inutile de leur deman­der une opi­nion sur les articles qui paraissent dans nos jour­naux ? la ques­tion sociale ne les, inté­resse pas et elles ne font pas d’ef­forts pour la comprendre.

Par contre elles pour­ront vous racon­ter le feuille­ton jour­na­lier et le der­nier crime com­mis, elles vous diront que X a quit­té Z ou la cou­leur de la robe de telle copine à la réunion. Enfin bref, des femmes ayant une indi­vi­dua­li­té, des femmes qui luttent on n’en ren­contre guère, elles sont rares, très rares et la femme est une des entraves à l’évolution.

S’il est dif­fi­cile de ren­con­trer la vraie cama­rade anar­chiste, c’est que l’homme ayant des besoins sexuels à satis­faire, s’a­baisse à la men­ta­li­té de la femme pour la conqué­rir au lieu de ten­ter d’é­le­ver à la hau­teur de la sienne la men­ta­li­té de celle-ci.

Je n’ad­mets pas l’ex­cuse du copain qui pré­tend que pour avoir une femme il lui faut aller au bal. Il faut être un homme vrai­ment faible pour faire pas­ser la ques­tion sexuelle avant la ques­tion morale, il me semble que la satis­fac­tion est minime à côté de la conces­sion énorme qui dimi­nue par trop la personnalité.

Com­ment un anar­chiste peut-il faire le cabo­tin à ce point, faire tant de chi­qué et le bluff qu’exige le bal, dan­ser avec la petite ouvrière qui pour aller au bal et avoir une toi­lette de cir­cons­tance se pri­ve­ra ou fera qua­torze ou quinze heures, alors que l’on est pour la dimi­nu­tion des heures de tra­vail. Com­ment peut-on cau­ser d’im­bé­cil­li­tés avec une femme au cer­veau étroit alors que cela vous ennuie, être enne­mi des parures et des bijoux et en offrir à une femme dans le but d’ob­te­nir ses faveurs, endu­rer d’al­ler au ciné­ma, s’a­bru­tir, alors que ce temps sot­te­ment gâché serait si utile ailleurs — n’est-ce pas là un abais­se­ment moral ?

Les copains vrai­ment sont trop faibles : ils cèdent par trop sou­vent, les uns pour leur tran­quilli­té, les autres pour avoir les faveurs de madame. Puis, la plu­part se laissent sot­te­ment influen­cer par l’es­thé­tique d’une femme, sans cher­cher à connaître sa men­ta­li­té, ses concep­tions et c’est pour cela que la femme est si réfrac­taire aux idées. D’ailleurs où trou­ve­raient-elles le temps de les appro­fon­dir ? Vous vou­lez des femmes belles ? Ce n’est pas devant un miroir que l’on s’éduque !

Et voi­là pour­quoi vous avez des pou­pées aux coif­fures com­pli­quées, enru­ban­nées et dont le gigan­tesque cha­peau abrite un cer­veau étroit et mesquin.

[/​Henriette Rous­se­let/​]

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