Un nombre d’écrivains, dont Romain Rolland, Séverine,. Georges Pioch, Han Ryner et bien d’autres, viennent de publier une protestation,contre la détention prolongée et arbitraire de notre camarade Lazarevitch dans les prisons bolchevistes. Cette protestation a été envoyée à Rakovsky et il y est dit qu’elle est faite « dans le privé de cette lettre, ne voulant pas entreprendre une campagne publique dont nos adversaires essaieraient de profiter ».
Avouons que nous n’y comprenons rien. Est-ce que Romain Rolland, Mme Séverine et tous les autres signataires de la lettre auraient peur de protester publiquement contre un crime pour la seule raison que « quelqu’un pourrait en profiter ? Profiter contre qui ? Est-ce que, par hasard, les signataires sont encore si peu renseignés sur ce qui se passe en Russie qu’ils mélangent encore la révolution russe avec le gouvernement du Kremlin ? Ne savent-ils pas que durant des mois et des mois une agitation énergique
Il serait bien temps d’en finir avec ces protestations privées, secrètes, froussardes, quand tout le monde sait bien qu’en matière de libertés fondamentales, la Russie bolcheviste en a moins que l’Italie fasciste.
Du reste, est-ce que Lazarevitch est le seul ayant souffert en Russie ? Et Aron Baron, dont le calvaire a été raconté plus d’une fois dans la presse d’avant-garde en France et qui paye chèrement chaque fois qu’il reçoit une lettre privée de ses amis de l’étranger ? On ne l’a jamais jugé non plus, citoyens Romain Rolland, Séverine et autres ; et voilà déjà plus de
Et Rubintchik ? Après avoir été, pour chaque lettre reçue de l’étranger, relégué dans des régions toujours plus lointaines de la Sibérie, il a tout d’un coup complètement disparu, et sa propre femme ne peut obtenir un renseignement sur la localité où il se trouve. Tué ? Probablement. Lui non plus n’a jamais été jugé. Car on ne juge pas en Russie soviétique. On emprisonne, on exile, on fusille, mais la victime est toujours bâillonnée.
Et les centaines et centaines d’autres ?
Craindre, neuf années après la révolution, six années après la nouvelle politique économique, que nos adversaires pourraient profiter de l’arbitraire d’un gouvernement dont la brutalité ne connaît pas de bornes, ce n’est pas un sentiment bien digne chez des hommes qui devraient pouvoir dire ce qu’ils pensent sans qu’ils pussent être exploités par des adversaires.
Quant au cas particulier de Lazarevitch, nous lisons dans la Révolution Prolétarienne que la « Ligue Syndicaliste », qui tâche toujours de jouer double jeu, a aussi fait une démarche auprès de l’ambassadeur Rakovsky au sujet de l’élargissement de notre camarade. Il parait que Rakovsky a répondu que Lazarevitch serait bientôt mis en liberté et aurait la possibilité d’aller à l’étranger (lire : sera expulsé). La « Ligue Syndicaliste », hypocritement, ajoute :
« Il n’en est pas moins douloureux qu’une affaire comme la sienne ait pu se produire en Russie des Soviets, au détriment de la révolution russe et de son rayonnement dans le monde… Il reste à se demander si ce n’est pas aujourd’hui (et hier ?) une erreur de ne pas permettre en Russie la propagande syndicaliste pour laquelle Lazarevitch a été emprisonné pendant près de deux années. »
La Ligue Syndicaliste sait très bien que Lazarevitch n’est pas le seul, qu’il y a des
Et, à propos, que dit la section française du Secours Rouge International ? S’est-elle intéressée à notre camarade ? À‑t-elle commencé une campagne publique, car elle, au moins, ne craint pas la publicité ? Ou est-elle tout d’un coup devenue muette et paralysée ?
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Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, que notre camarade Lazarevitch a été effectivement expulsé de Russie. Il est à l’heure actuelle à Reval, en Esthonie.