La Presse Anarchiste

Matériaux pour le congrès des syndicats Autonomes de France (Lyon, 15 – 16 novembre 1926)

S’ins­pi­rant des néces­si­tés pré­sentes, la Com­mis­sion a vou­lu rompre avec un pas­sé récent. L’a­dop­tion par la C.G.T.U. du plan dres­sé par l’an­cienne C.A. pro­vi­soire en ce qui concerne les unions régio­nales est une preuve que ces Unions, fonc­tion­nant sui­vant nos prin­cipes, sont d’im­por­tance vitale pour le mou­ve­ment syndicaliste.

Par­tant de ce point de vue que le syn­di­ca­lisme sera dans l’ordre nou­veau ce qu’est le capi­ta­lisme dans l’ordre actuel, c’est-à-dire le ges­tion­naire de la chose publique, la Com­mis­sion a pen­sé qu’il conve­nait que, sans plus attendre, le syn­di­ca­lisme se pré­pa­rât à jouer le rôle qui lui est dévo­lu : L’ad­mi­nis­tra­tion et la ges­tion d’une socié­té repo­sant sur le travail.

Il est tout de suite appa­ru à la Com­mis­sion que les cadres et les rouages fonc­tion­nels du syn­di­ca­lisme sont vieillis et usés, qu’ils ne cor­res­pondent plus à la besogne qui leur incombe au triple point de vue : pro­pa­gande, action pré­sente et pré­pa­ra­tion à la ges­tion prolétarienne.

Sur quoi reposent donc, en effet, les cadres de notre mou­ve­ment syn­di­cal ? Sur la déli­mi­ta­tion ter­ri­to­riale en dépar­te­ments effec­tuée en 1790 par la Constituante.

Nul ne nie­ra qu’à cette époque, l’in­dus­trie était presque inexis­tante, que les grands cou­rants d’ap­pro­vi­sion­ne­ments et d’é­change, de même que les voies de com­mu­ni­ca­tion étaient rudi­men­taires ou embryonnaires.

On peut dire, sans exa­gé­ra­tion, qu’à ce moment, le capi­ta­lisme moderne avec ses exploi­ta­tions gigan­tesques, ses car­tels, ses consor­tiums et ses trusts, sa for­mi­dable orga­ni­sa­tion ban­caire, n’é­tait pas né. L’ex­ploi­ta­tion des richesses natu­relles était presque nulle. Les immenses gise­ments de fer, de houille, de pétrole, de métaux de toutes sortes n’é­taient que fort peu uti­li­sés ou incon­nus. En outre, la pro­duc­tion avait plu­tôt pour base l’ar­ti­sa­nat que l’u­sine ; les centres indus­triels qui acca­parent aujourd’­hui toute l’ac­ti­vi­té d’une région, qui la spé­cia­lisent, étaient tota­le­ment inexis­tants à cette époque de même qu’en 1805, lors de la révi­sion des départements.

Bien que les géo­mètres qui ont effec­tué ces déli­mi­ta­tions aient cer­tai­ne­ment tenu compte des condi­tions éco­no­miques de l’é­poque, il est per­mis de décla­rer qu’ils se sont sur­tout atta­chés à par­ta­ger le ter­ri­toire en un cer­tain nombre de dépar­te­ments ayant, à peu près, une éten­due égale. Il est indé­niable qu’ils visaient plu­tôt à effec­tuer une divi­sion poli­tique et admi­nis­tra­tive répon­dant à des néces­si­tés d’ordre gou­ver­ne­men­tal qu’à déter­mi­ner une clas­si­fi­ca­tion pure­ment éco­no­mique. La période qui s’est écou­lée depuis cette date jus­qu’à nos jours le démontre sur­abon­dam­ment. Ce n’est guère que depuis ces der­nières années, au moment où, par son déve­lop­pe­ment extra­or­di­naire, le capi­ta­lisme a à peu près éli­mi­né l’État, en met­tant l’é­co­no­mie à sa véri­table place et en relé­guant les ques­tions d’ordre poli­tique, et admi­nis­tra­tif au second plan, que les grandes régions éco­no­miques, les grands centres indus­triels ten­ta­cu­laires sont apparus.

Si l’an­cien sys­tème poli­ti­qué de l’État conti­nue à exis­ter en face du sys­tème éco­no­mique capi­ta­liste, c’est incon­tes­ta­ble­ment parce que ce der­nier n’en éprouve que fort peu d’in­con­vé­nients et que la dis­pa­ri­tion du pre­mier n’est plus qu’une ques­tion de temps. La Com­mis­sion est d’ailleurs convain­cue que ce sys­tème aurait vécu, si, demain, la bour­geoi­sie, à la faveur d’un bou­le­ver­se­ment quel­conque, par­ve­nait à asseoir le régime qui a la faveur de la par­tie la plus éclai­rée des capi­ta­listes actuels : la démo­cra­tie éco­no­mique, ou si les adeptes de la vio­lence, du triomphe de la finance réus­sis­saient à ins­tau­rer le fascisme.

Cette bour­geoi­sie .ne disait-elle pas, dès 1869, à Nan­cy, dans son pro­gramme : ce qui est com­mu­nal est à la com­mune ; ce qui est régio­nal est à la région ; ce qui est natio­nal est à l’État. Bien enten­du, par là, elle vou­lait dire : ce qui est natio­nal est à la nation, à l’en­semble du pays.

Ain­si, elle indi­quait son désir for­mel de décen­tra­li­ser ; de spé­cia­li­ser, de coor­don­ner sui­vant des néces­si­tés éco­no­miques, pour s’op­po­ser à l’Em­pire qui vou­lait cen­tra­li­ser poli­ti­que­ment. Elle ajou­tait : élar­gir le cadre trop étroit dans lequel se meut la vie locale, des­ser­rer les liens de la cen­tra­li­sa­tion. Tels sont les deux objets que veut atteindre le mou­ve­ment régionaliste.

Com­pre­nant toute la valeur de ce qui pré­cède, la bour­geoi­sie n’a ces­sé, depuis cette époque, de pour­suivre les objec­tifs impo­sés en 1869.

Le déve­lop­pe­ment du capi­ta­lisme, l’é­clo­sion des grands trusts indus­triels et des grandes banques lui ont fait un devoir d’at­teindre au plus tôt les résul­tats cher­chés qui sont indis­pen­sables pour assu­rer la vie de l’ordre éco­no­mique, deve­nu de plus en plus, par l’é­vin­ce­ment gra­duel mais conti­nuel de l’État, le fac­teur essen­tiel de l’exis­tence du régime actuel.

Les grandes régions indus­trielles sont nées de ces néces­si­tés éco­no­miques. Leur coopé­ra­tion, leur soli­da­ri­té en ont fait non seule­ment de for­mi­dables organes de ges­tion, mais encore de ter­ribles adver­saires dis­po­sant, dans l’of­fen­sive comme dans la défen­sive, de moyens d’ac­tion redou­tables, souples et variés. Ce sont à la fois des appa­reils de pro­duc­tion extra­or­di­nai­re­ment puis­sants et des for­te­resses véri­ta­ble­ment armées pour s’op­po­ser à la réa­li­sa­tion des dési­rs des tra­vailleurs et pour per­pé­tuer les pri­vi­lèges établis.

Tel est le capi­ta­lisme d’au­jourd’­hui. Soli­daire dans l’ex­ploi­ta­tion des richesses et dans la défense de ses inté­rêts ; dis­po­sant des moyens de com­mu­ni­ca­tion qu’il exploite ou qu’il contrôle, il repré­sente un rival ter­ri­ble­ment dan­ge­reux pour le Syn­di­ca­lisme qui, lui, n’a sui­vi que de fort loin la concen­tra­tion indus­trielle et n’a pas su adap­ter ses organes aux exi­gences des néces­si­tés de la lutte.

C’est là la rai­son domi­nante des échecs suc­ces­sifs qu’a subi le Syn­di­ca­lisme au cours de ces der­nières années. Pla­cé en face d’un adver­saire orga­ni­sé « en pro­fon­deur et en lar­geur », capable d’a­gir à sa guise et sui­vant les condi­tions de la lutte, soit loca­le­ment, régio­na­le­ment ou natio­na­le­ment, le Syn­di­ca­lisme a dû bais­ser pavillon devant un adver­saire plus scien­ti­fique et mieux outillé. La mul­ti­pli­ci­té de ses organes soli­daires et conju­gués, pou­vant entrer en action à tout ins­tant dans l’u­sine, dans le chan­tier, dans la loca­li­té, etc., a per­mis au capi­ta­lisme de venir à bout de toutes les ten­ta­tives faites par le Syn­di­ca­lisme pour rompre à son pro­fit l’é­qui­libre éco­no­mique bour­geois. Et, chose para­doxale, à mesure que les expé­riences suc­cé­daient aux expé­riences, que les ensei­gne­ments qui s’en déga­geaient étaient plus pré­cis, le capi­ta­lisme ren­for­çait ses organes de ges­tion et de défense pen­dant que le Syn­di­ca­lisme ne tirait aucune leçon des défaites qui lui étaient infli­gées d’une façon presque conti­nue et avec une pré­ci­sion mathématique.

Toutes ces consta­ta­tions, tous ces faits nous obligent à recon­naître que pour être, dans tous les domaines, à la hau­teur de sa mis­sion, le Syn­di­ca­lisme doit modi­fier et trans­for­mer ses organes, les adap­ter et les faire mou­voir d’une façon nou­velle. C’est ce que nous avons ten­té de faire en indi­quant que, comme le capi­ta­lisme, le Syn­di­ca­lisme devait avoir ses bases et ses fon­de­ments dans l’a­te­lier, dans l’u­sine, dans la com­mune ou la loca­li­té et dans la région.

En pré­ci­sant que son action, qui doit être éco­no­mique, comme celle du capi­ta­lisme ; qui doit s’exer­cer, comme celle de son adver­saire, sur le plan de la pro­duc­tion, mais pour des fins et des buts dif­fé­rents, nous avons enten­du par là qu’il conve­nait de ces­ser de faire cadrer cette action sur les déli­mi­ta­tions ter­ri­to­riales poli­tiques et admi­nis­tra­tives d’un régime éco­no­mique disparu.

Le but du Syn­di­ca­lisme étant : la prise des moyens de pro­duc­tion et d’é­change et leur exploi­ta­tion par le Pro­lé­ta­riat, il nous a sem­blé que les rouages fonc­tion­nels du mou­ve­ment ouvrier devaient être orga­ni­sés, dis­tri­bués et uti­li­sés sur ce plan.

Si le , il faut qu’il se pré­pare à cette tâche.

Il est donc de toute uti­li­té que toute sa pro­pa­gande, toute son action soient diri­gées en vue des fonc­tions de ges­tion future.

Si nous ne pen­sons pas que les U.R. doivent être consti­tuées par la réunion de plu­sieurs U.D. prises au hasard, sans consi­dé­ra­tion des néces­si­tés éco­no­miques, nous pen­sons, par contre, que, dans leur pre­mière phase d’ac­ti­vi­té, il est par­fai­te­ment pos­sible qu’elles ne soient, au début, que des centres de propagande.

Recher­chons donc les meilleures règles de divi­sion régio­nale. Quelle sera la gran­deur de la Région ? Elle sera telle que la ou les formes d’ac­ti­vi­té qui la carac­té­risent soient entiè­re­ment conte­nues dans sa super­fi­cie. Par exemple, la région du Nord est sur­tout région houillère, la pré­sence de la houille y a concen­tré la métal­lur­gie. Elle contient aus­si un fort grou­pe­ment tex­tile. Cet ensemble est conte­nu dans les deux dépar­te­ments du Nord et du Pas-de-Calais. Les mêmes méthodes indus­trielles doivent être appli­quées dans les deux, l’ac­tion syn­di­cale doit y être commune.

La région doit-elle conte­nir deux ou plu­sieurs dépar­te­ments ? La règle sera variable, fonc­tion de l’ac­ti­vi­té locale. Dans cer­taines par­ties du pays, il faut grou­per un grand nombre de dépar­te­ments pour y trou­ver plus d’un centre vrai­ment ani­mé. Com­bien de pré­fec­tures ne sont que de gros villages !

Sui­vra-t-on les contours des dépar­te­ments ou, en d’autres termes, la région contien­dra-t-elle un nombre exact de dépar­te­ments ? En prin­cipe, oui, parce que si nous tra­çons d’autres limites, nous fai­sons sur­gir des consta­ta­tions infi­nies qui ne man­que­raient pas d’ar­rê­ter tout tra­vail. Cher­chons plu­tôt à réa­li­ser une règle de grou­pe­ment qui per­mette tou­jours, à l’a­ve­nir, des per­mu­ta­tions amiables. Cela sera réa­li­sé si nous sup­pri­mons quelques-uns des groupes inter­mé­diaires. Dans l’exemple de décou­page don­né plus loin, nous avons, en géné­ral, sui­vi des déli­mi­ta­tions déjà éta­blies, sauf à dis­traire quelques ter­ri­toires d’ar­ron­dis­se­ments de leur dépar­te­ment d’origine.

Nous pro­po­sons, après d’autres per­sonnes qui,ont étu­dié sérieu­se­ment le pro­blème, de prendre comme point de départ un choix de villes impor­tantes par les acti­vi­té indus­trielle, intel­lec­tuelle, com­mer­ciale et par leur situa­tion géo­gra­phique natu­relle ou arti­fi­cielle. Il suf­fit alors de cher­cher leurs limites d’at­trac­tion. Il se trouve for­cé­ment que l’ac­ti­vi­té de ces villes est repré­sen­ta­tive de l’ac­ti­vi­té régio­nale. Nous Pren­drons comme élé­ments d’ap­pré­cia­tion le chiffre de popu­la­tion, les diverses formes d’ac­ti­vi­té, la posi­tion, la pré­sence d’une voie navi­gable, d’un port, d’un nœud de voies fer­rées, celle d’une Uni­ver­si­té ou d’un groupe impor­tant d’é­coles, le voi­si­nage d’une riche région agri­cole, d’un gise­ment de mines, de sources natu­relles de forces.

L’im­por­tance d’un centre peut gran­de­ment se modi­fier au cours des siècles, mais il ne s’a­git pas du tout de faire œuvre éter­nelle ; en tous cas, c’est cepen­dant l’élé­ment le plus stable que nous trou­vions. Qu’un centre nou­veau gran­disse, il devien­dra à son tour capi­tale. Qu’une région entière se déve­loppe spé­cia­le­ment, elle dédou­ble­ra. Qu’elle Péri­clite au contraire, elle s’ag­glo­mé­re­ra alors à une région plus riche. Nous ne cher­chons pas l’é­qui­libre abso­lu entre régions. Nous ne cher­chons pas à créer des régions qui se suf­fisent entiè­re­ment à elles-mêmes. Nous ne le vou­lons même pas. Il est dési­rable que, com­plètes en un sens, cha­cune d’elles dépende des autres pour divers besoins, comme nous vou­drions que toute les nations dépendent les unes des autres à un point tel qu’elles ne puissent ou n’osent entrer en lutte. Les régions se spé­cia­li­se­ront, selon leur richesse maté­rielle, leur cli­mat et la répar­ti­tion dès pro­duits entre elles sera assu­rée ‑par la direc­tion géné­rale d’é­co­no­mie natio­nale, pou­voir cen­tral des travailleurs.

Au-des­sous ‘de la région, qu’au­rons-nous ? Dans l’ordre admi­nis­tra­tif nous pro­po­sons de sup­pri­mer com­plè­te­ment, non seule­ment le dépar­te­ment, mais aus­si l’ar­ron­dis­se­ment et le can­ton. Selon les besoins, on envi­sa­ge­ra des grou­pe­ments de com­munes variables, néces­saires dans cer­tains cas : créa­tion d’hô­pi­tal inter­com­mu­nal, d’é­cole secon­daire, de sta­tions d’es­sais agri­coles ou indus­triels par exemple. Les diverses admi­nis­tra­tions de la région auront des suc­cur­sales dis­sé­mi­nées selon les besoins, mais ceci ne néces­site en rien la créa­tion de séries infi­nies de bureau­crates plus ou moins galonnés.

L’ex­pé­rience montre que là où il y a trop grand nombre d’é­che­lons, il en appa­raît d’i­nu­tiles. L’u­sage conserve le mètre et le kilo­mètre, il oublie le déca­mètre et l’hec­to­mètre. L’exemple absurde est don­né par l’in­ter­mi­nable hié­rar­chie militaire.

Nous aurons le clas­se­ment suivant :

l’in­di­vi­du

la famille,

la com­mune,

la région,

la nation,

le monde.

Si nous trans­por­tons cette suite dans le plan syn­di­cal, nous aurons, en l’é­tat actuel ou immé­dia­te­ment réalisable :

l’ou­vrier, ,

l’a­te­lier (et sa com­mis­sion d’atelier),

le syn­di­cat local

(s’il y a plu­sieurs indus­tries dans la com­mune, la com­mis­sion intersyndicale),

la fédé­ra­tion, régionale,

l’u­nion, régio­nale intersyndicale

(avec la com­mis­sion régio­nale de contrôle et de statistique),

la fédé­ra­tion nationale,

la confé­dé­ra­tion (ser­vices centraux),

l’u­nion inter­na­tio­nale syndicale.

On voit qu’il y a cor­res­pon­dance directe à tous les degrés.

À l’ob­jec­tion qu’il est déjà dif­fi­cile de faire vivre cer­tains orga­nismes dépar­te­men­taux et qu’ils péri­ront sous une tâche plus lourde, il est facile de répondre d’a­bord que jus­te­ment l’ac­crois­se­ment de tra­vail est une assu­rance de vie, et ensuite qu’il est facile de ren­for­cer des orga­nismes moins nom­breux. Avec les centres dis­pa­rus ne dis­pa­raî­tront pas tous ceux qui les ani­maient puis­qu’on en aura besoin dans un centre plus fort.

Comme nous avons dit qu’il faut ins­crire dans la règle le droit qu’au­ront les com­munes de faire des alliances tem­po­raires entre elles, droit qu’au­ront de même les syn­di­cats locaux, on ins­cri­ra le même droit pour les régions. Plus loin encore, sans rien abdi­quer bien enten­du des pou­voirs des com­mis­sions natio­nales, on ‘ins­cri­ra le droit, pour les régions fron­tières, d’en­trer en rela­tions avec les orga­ni­sa­tions voi­sines étran­gères. Nous voyons très bien les cama­rades lil­lois en contact avec Bruxelles, ceux de Gre­noble avec Genève, de Stras­bourg avec Franc­fort, de Mont­pel­lier avec Bar­ce­lone, du Havre avec les Anglais. Il fau­dra encou­ra­ger les affi­ni­tés, gage de paix (notre paix).

Nous pré­sen­tons sur­tout à titre d’exemple, un essai de divi­sion. II nous conduit à un nombre (29) plus éle­vé que celui du décret Clé­men­tel (grou­pe­ment des Chambres de com­merce) cal­qué à peu près par la Fédé­ra­tion Natio­nale des Coopé­ra­tives, plus grand aus­si que celui de la Fédé­ra­tion du Bâti­ment (25 sans l’Al­gé­rie). Les diver­gences, quant au choix des centres, ne sont pas très grandes.

Pour tra­cer les contours, il fau­dra agir avec une grande pru­dence. Si l’on heurte les ten­dances de quelques syn­di­cats, leur attrac­tion vers un cer­tain pôle, on sou­lè­ve­ra chez eux d’ar­dentes résis­tances qui, c’est à craindre, absor­be­ront fâcheu­se­ment toute leur action, au grand détri­ment de leurs objec­tifs réguliers.

Nous pré­sen­tons, dans le tableau qui suit, un clas­se­ment, une sélec­tion des villes impor­tantes non pas pour les ran­ger dans un ordre géné­ral, mais pour déter­mi­ner les régions bien carac­té­ri­sées par la for­ma­tion, plus ou moins ancienne, d’une métro­pole, et aus­si pour choi­sir entre les villes qui, dans une région peu déve­lop­pée, pour­raient pré­tendre en être le chef-lieu.

tableau.png

Nous avons don­né à chaque ville des cotes arbi­traires en valeur abso­lue, mais en rap­port rela­tif de l’une à l’autre.

Nous avons consi­dé­ré sou­vent des couples de villes ayant entre elles des échanges intenses.

Nous pro­po­sons donc les régions suivantes :

  1. Lille (Nord et Pas-de-Calais).
  1. Reims (cou­plée avec Châ­lons et Eper­nay) (Aisne, Marne, Ardennes et arron­dis­se­ment de Bar-le-Duc).
  2. Nan­cy-Metz (Meuse- moins Bar-le-Duc, Moselle, Meurthe, Vosges).
  3. Stras­bourg (Bas-Rhin, Haut-Rhin avec Belfort).
  4. Besan­çon. (Haute-Saône, Doubs moins Dôle, Jura).
  5. Lyon (Rhône, Loire, Ain, Ardèche, et arron­dis­se­ment de Vienne et La Tour-du-Pin).
  6. Gre­noble (Isère sans Vienne ni La Tour-du-Pin, Hautes-Alpes, Savoie et Haute-Savoie).
  7. Mar­seille (Basses-Alpes, Vau­cluse, Bouches-du-Rhône ; Var et Alpes-Maritimes).
  8. Mont­pel­lier (Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales).
  9. Tou­louse (Haute-Garonne, Ariège, Tarn-et-Garonne, Gers moins Mirande).
  10. Bayonne (Basses-Pyré­nées, Hautes-Pyré­nées, arron­dis­se­ment de Mirande et sud du dépar­te­ment des Landes).
  11. Bor­deaux (Nord du dépar­te­ment des Landes, Gironde, Lot, Lot-et-Garonne, Dor­dogne, arron­dis­se­ment de Jonzac).
  12. Poi­tiers (Vienne, Deux-Sèvres, Cha­rente moins Confo­lens, Cha­rente-Infé­rieure moins Jon­zac. Ces deux der­niers dépar­te­ments pour­ront être séparés).
  13. Nantes-Saint-Nazaire (Ven­dée, Maine-et-Loire, Loire-Inférieure).
  14. Lorient (Mor­bi­han, Finis­tère, Côtes-du-Nord).
  15. Rennes (Ille-et-Vilaine, Mayenne).
  16. Caen (Manche, Cal­va­dos, Orne).
  17. Rouen-Havre (Eure, Seine-Inférieure).
  18. Amiens (Somme, Oise).
  19. Paris (Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise).
  20. Troyes (Yonne, Aube, Haute-Marne, arr. de Châ­tillon et Semur).
  21. Dijon (Côte-d’Or sans Semur ni Châ­tillon, Saône-et-Loire). .
  22. Cler­mont (Puy-de-Dôme, Haute-Loire, Cantal).
  23. Albi (Tarn, Avey­ron, Lozère).
  24. Limoges (Haute-Vienne, Creuse, Cor­rèze, arr. de Confolens).
  25. Tours (Sarthe, Indre-et-Loire, Indre).
  26. Orléans (Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret).
  27. Nevers (ou Mont­lu­çon) (Nièvre, Cher, Allier).
  28. Corse.

Conclusion

Le Syn­di­ca­lisme et le Capi­ta­lisme dis­posent de forces iden­tiques qui se meuvent de la même façon sur des plans dif­fé­rents, pour des buts oppo­sés. Ils ne peuvent que s’or­ga­ni­ser d’une façon sem­blable, sui­vant les mêmes règles, pour abou­tir à une même fin :l’or­ga­ni­sa­tion de la production.

Avec ses puis­santes assises, l’U.R. pour­ra faire face à toute l’ac­tion offen­sive et défen­sive qui lui incom­be­ra. Unie à une autre ou à d’autres régions si l’ac­tion sou­te­nue ou enga­gée l’exige, elle sera en mesure de résis­ter vic­to­rieu­se­ment ou de lut­ter vic­to­rieu­se­ment aux attaques inter-régio­nales du Capitalisme.

La lutte sera ain­si repla­cée sur son véri­table ter­rain et le Syn­di­ca­lisme aura com­blé le retard qu’il a actuel­le­ment sur le Capi­ta­lisme. Il pour­ra lui faire face en toute occasion.

La créa­tion des U.R., avec le carac­tère que la Com­mis­sion leur donne, obli­ge­ra à créer par­tout où elles n’existent pas les U.L. ou com­munes, cel­lules com­plètes de la vie sociale.

La vie régu­lière de ces U.L. amè­ne­ra la consti­tu­tion nor­male des Conseils d’u­sines et des Comi­tés d’a­te­liers qui per­met­tront d’ins­tal­ler dans chaque lieu de pro­duc­tion le contrôle syn­di­cal au moyen duquel il sera pos­sible à la classe ouvrière de faire, sans com­pro­mis­sion avec le Patro­nat, l’ap­pren­tis­sage de la gestion.

La réno­va­tion du Syn­di­ca­lisme ne s’o­pé­re­ra qu’au­tant que nous com­pren­drons la néces­si­té de toutes ces modi­fi­ca­tions et trans­for­ma­tions profondes.

Pour cela, il est indis­pen­sable de rompre avec les erre­ments du pas­sé, de bous­cu­ler bien des pré­ju­gés, de s’é­le­ver une fois pour toutes au niveau de la situa­tion actuelle et de com­prendre, enfin, que ce n’est qu’à ce prix que le Syn­di­ca­lisme pour­ra accom­plir sa mission.

S’il en était autre­ment, les dif­fi­cul­tés res­te­raient insur­mon­tables pour lui ; il ne serait pas la grande force d’af­fran­chis­se­ment qu’il doit repré­sen­ter. Le Syn­di­ca­lisme ne sera libre qu’au­tant qu’il sau­ra se libé­rer et s’im­po­ser à toutes les autres forces. Si le déve­lop­pe­ment de ces der­nières années était plus rapide que le sien, nous pour­rions faire encore bien des révo­lu­tions poli­tiques avant de pou­voir faire la véri­table révo­lu­tion pro­lé­ta­rienne et libé­ra­trice : l’éco­no­mique.

Tel est l’a­vis de la Com­mis­sion. Elle veut croire que le Congrès, com­pre­nant la grande tâche qu’il a à rem­plir, la sui­vra dans la démons­tra­tion et déci­de­ra, dans une mani­fes­ta­tion éclai­rée, la créa­tion des Unions régio­nales et locales, des Comi­tés d’u­sines et des Conseils d’a­te­lier, bases solides d’un Syn­di­ca­lisme qui pour­ra orga­ni­ser la pro­duc­tion et la répar­ti­tion, la ges­tion et l’ad­mi­nis­tra­tion de l’ordre nouveau.

La Presse Anarchiste