La Presse Anarchiste

Colonisation

« … Je vous par­lais tout à l’heure de l’esclavage, con­tin­ue M. Isaac. À Médine, ville française, fonc­tion­nait encore il y a peu de temps un marché d’esclaves. De mal­heureux noirs, des négress­es étaient exposés en vente !

« Lais­sez-moi, pour ter­min­er, vous racon­ter briève­ment cer­taine expédi­tion qui a eu lieu l’an­née dernière. Ce réc­it vous mon­tr­era de quelle façon on va porter la civil­i­sa­tion aux pré­ten­dues « races inférieures ».

« Le 5 juin, M. Ostyn, admin­is­tra­teur du Matam (Séné­gal), accom­pa­g­né de Malik-Tau­ré, chef du Bound­ou, se met­tent en route à la tête de plusieurs cen­taines d’hommes et se diri­gent vers les ter­ri­toires indépendants.

« Ils pil­lent d’abord le vil­lage de Mehd­i­na, du cer­cle de Kayes (Soudan), enlèvent 53 mou­tons, 244 paniers de mil, de maïs, etc. Ils exi­gent le paiement de l’impôt que les habi­tants payaient ordi­naire­ment à Kayes.

« De là, ils passent dans le Nico­lo, ter­ri­toire à peu près indépen­dant situé entre la Guinée et le Soudan.

« Les habi­tants de Minia fuient à leur approche. Le chef, un vieil­lard aveu­gle, sort de sa mai­son et, lev­ant les bras au ciel, il s’écrie « Qu’avons-nous donc fait pour mérit­er un tel sort ? »

« On s’empare de lui, on le traîne dans un coin et on lui ouvre le ven­tre à coups de sabre. Puis on met le feu au village.

« Il y a 13 tués, 5 brûlés, dont une vieille femme malade et 3 enfants.

« Les habi­tants qu’on parvient à saisir sont emmenés comme captifs.

« Ils sont au nom­bre de 346. On enlève 103 bœufs, 152 mou­tons ou chèvres, de l’or, des guinées. Sur 478 cas­es, 413 sont la proie des flammes !

« De là, la bande se rend à Sila-Cou­ta, où a lieu une nou­velle razz­ia de 222 captifs.

« Les pris­on­niers et les pris­on­nières emmenés à Nico­lo sont partagés entre les tirailleurs, don­nés ou ven­dus.

« L’ad­min­is­tra­teur dit : « Moi, je ne prends pas de cap­tifs, mais, je prends les bœufs pour ma part. »

« Je puis garan­tir l’authenticité de tous ces faits, et j’ai l’in­ten­tion de les dénon­cer à la tri­bune du Sénat lorsque nous aurons à dis­cuter, à notre tour, le bud­get des colonies.

« Franche­ment, est-ce par de sem­blables moyens que l’on espère paci­fi­er les domaines colo­ni­aux de la France ? Et n’est-on pas en droit de s’étonner qu’avec de pareils procédés, les insur­rec­tions ne soient pas plus fréquentes ? »

[/Intran­sigeant, mars 1895)/]

Comment nous colonisons

La société des agricul­teurs de France a reçu com­mu­ni­ca­tion d’une note fort intéres­sante sur la Tunisie : on y relève que, sur dix mille colons français, trois mille sont fonc­tion­naires. Si l’on songe que l’ad­min­is­tra­tion tunisi­enne sub­siste, on ne peut s’empêcher de penser que trois mille fonc­tion­naires français représen­tent un chiffre quelque peu excessif.

Et l’on dit que la Tunisie est bien admin­istrée ! Il est vrai qu’en Cochin­chine, notam­ment, la pro­por­tion des fonc­tion­naires est encore plus forte. Que dire du Soudan et de la Côte d’Ivoire ?

Et voilà pourquoi nous faisons des expédi­tions coloniales !

[/Jus­tice, 13 juillet/]


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