La Presse Anarchiste

Réflexions sur la beauté

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Les grandes beautés font un effet plus soudain frap­pent un coup plus prompt ; mais l’im­pres­sion qu’on en ressent n’est pas tou­jours la plus forte et la plus durable. On est touché du pre­mier coup d’œil qu’on jette sur une beauté sin­gulière, et si peu que la sym­pa­thie agisse on en est ému ; mais par la nature des choses soudaines et vio­lentes, ce feu prompt s’éteint comme il s’est allumé, si l’on ne trou­ve que la beauté et qu’elle ne soit pas soutenue par les autres qual­ités qui peu­vent attach­er. Au lieu que lorsqu’une beauté médiocre n’a fait sur nous, à pre­mière vue que le faible effet d’in­clin­er notre atten­tion vers elle, et qu’à force de la pra­ti­quer nous y décou­vrons de jour en jour une foule d’a­gré­ments que l’e­sprit et le cœur lui four­nissent aisé­ment et qui for­ment autant de nou­velles chaînes dont elle nous attache ; cet amour, qui n’a pas pris feu soudaine­ment, prend force peu à peu et forme une pas­sion bien plus vio­lente et bien plus durable que ne peut le faire la grande beauté. — Et si l’on con­sulte l’ex­péri­ence, on ver­ra que ce n’ont pas été les plus belles qui ont excité les plus grandes et les plus fortes passions.

[/M. Griv­et-Richard/]


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