[/Depuis la guerre le nombre des permis de chasse délivrés
s’est multiplié dans des proportions effrayantes.
(Les Journaux)./]
Mêlant les suaves saveurs du céleri
À ses fraicheurs d’haleine et de baisers, la brise
Fleure le thym, le romarin et le cytise…
Par l’espace une large mouette décrit
De folles paraboles, et, d’un aigre cri
Qui craquette, fend l’air… Soudain sa blanche et grise
Arbalète plane, hésitante, se tend, vise,
Se détend, puis flèche qu’un bec luisant aiguise,
Fond vers l’azur remuant du fleuve fleuri
D’écume… Elle plonge et repart dardant sa prise
Dont l’argent vif frétille, là haut et s’irise
Comme, altière, une opale mourante sourit
Dans son aigrette au front poudré d’une marquise.
Brusque un coup de feu détonne et court retentir
D’échos en échos… L’oiseau, pauvre loque bise,
Tournoie et tombe sur le fleuve de saphir,
Le tache de rouge et, sombrant, s’en va servir
De proie aux poissons qu’il guettait pour se repaître.
Tout hélas ! même les cieux, tout doit se soumettre
À ces deux odieuses lois : « Tuer, mourir ».
Le ciel foudroie, il ne sait pourquoi, sans connaître
Aucun but, tandis qu’au moins sur terre, tout être
N’égorge que pour se défendre ou se nourrir !
Seul, pour s’abriter, pour se parer ou vêtir,
Seul, l’homme inconscient et féroce martyr
D’instincts endélirés, depuis son prime ancêtre,
S’enivre aux voluptés de toujours plus haïr,
Tâche à parfaire ses armes pour conquérir,
Opprimer ou régner sur la Nature en maitre ;
Puis quand chôme la guerre et lui laisse loisir,
Dresse à chasser les bêtes afin d’assouvir
Sa fureur sanguinaire et, sourd au repentir,
Clos à la pitié, brutal, cruel, lâche ou traître,
Vil, mais heureux ! il tue encore par plaisir !
Ah ! pour ton salut, monde neuf qui ne peut naître
Que de grands cœurs las de tant pâtir et subir,
Avenir de mon rêve ! Avenir, Avenir
Meilleur ! Quelle paix et quelle liberté d’être
Si tous les lueurs pouvaient enfin disparaître !
[/P.-N.